Le Livre d'Argent

Elzen | @elzen@fadrienn.irlnc.org

Politique fr; mini-troll
J'étais en atelier toute la matinée, j'arrive seulement à me poser devant un écran.

On a changé combien de fois de gouvernement ?

Une pensée émue pour toutes les petites mains qui font et défont des cartons dans tous les ministères depuis quelques semaines.

Dans le #Vulgadredi de la semaine dernière, nous avions temporairement délaissé l'astronomie pour parler un peu de biologie. Puisque nous sommes de nouveau #VendrediVulga, on va rester un peu dans ce domaine et parler de la façon dont on classe les êtres vivants. Ce qui devrait bien nous faire seize pouets (tiens, j'ai l'impressions que ça a déjà été ce nombre-là).

Parce que, bien que les formes de vie changent grandement avec le temps, et comme on l'a vu la dernière fois avec Darwin, une série de mécanismes qu'on regroupe sous le nom général de « sélection naturelle » permet de stabiliser assez ces changements pour qu'on ait l'impression de voir des formes plutôt stable se mettre en place, les espèces. Et du coup, ces espèces, c'est intéressant d'essayer de les classer un peu.
Échantillon d'espèces (capture d'écran de l'intro du documentaire Espèces d'espèces, dont je reparlerai plus bas). On voit, sur fond blanc, tout un tas d'êtres vivants (dessinés dans des styles différents) donnant un aperçu de la biodiversité actuelle.

Tiens, @gee, quand on aura financé le dessin d'un nouveau mème pour framamèmes, je suggère le « pour l'instant » des Simpsons. Ça risque de se faire utile ces temps-ci.

@John_Livingston Tu n'as jamais vu aussi insultant… pour l'instant (insérez mème des Simpsons).

Ma sœur, tu es transphobe et tu as tort de l’être.

Tu ne devrais pas, sans déconner. Même si tu n’arrives pas à admettre que des gens ne correspondent pas à ce que toi tu imagines que devraient être des gens, par simple instinct de conservation, tu devrais au moins fermer ta gueule. Je ne te menace pas, je te dis : ta transphobie va te revenir dans la tronche comme un vieux boomerang. Ta transphobie, elle ne va pas seulement dégommer les trans, elle va te dégommer toi.

Tu crois viser les autres, mais en réalité tu prépares le terrain pour qu’on flique ton propre corps. Regarde le sport : en 2025, World Athletics a imposé un test génétique pour toutes les athlètes féminines. Pas seulement pour les trans : pour toutes. Et il y a des femmes cis, parfaitement reconnues comme telles, qui se retrouvent recalées parce que leur biologie n’entre pas dans la case prévue. Tu veux vraiment que ça devienne la norme, qu’on te colle un coton-tige dans la bouche avant un 100 mètres, ou qu’on te demande des papiers pour aller pisser ?

La suspicion ne s’arrêtera pas magiquement aux trans comme un nuage radioactif à une frontière. À Boston, une femme cis a été virée des toilettes d’un hôtel parce qu’on l’a prise pour un homme. Dans le Minnesota, une autre s’est fait suivre par un serveur jusque dans les chiottes pour prouver qu’elle avait une poitrine. Ces femmes-là n’étaient pas trans, juste pas assez “féminines" pour passer sous les radars. Et cela ne s’arrête pas là, parce que vois-tu, ma sœur, on tue des trans parce que trans. Et si un jour , tu n’es pas assez " féminine" aux yeux d’un salopard, qui te dit qu’il ne te prendra pas pour cible ?

Pendant ce temps, le patriarcat rigole. Parce qu’à force de répéter qu’une femme, c’est un utérus et des règles, tu légitimes ceux qui veulent réduire toutes les femmes à leur fonction reproductrice, ceux qui attaquent le droit à l’avortement, ceux qui rêvent de nous enfermer, l’utérus sous clé. Tu crois protéger ton espace, la vérité, c’est que tu le dévastes, que tu piétines tout ce que nos mères ont gagné pour nous. C’est par la transphobie notamment, que les conservateurs américains sont arrivés au sommet et c’est par elle qu’ils ont commencé à discuter de la possibilité de retirer le droit de vote aux femmes.

Tu fais le jeu de la division. Diviser les femmes entre “vraies” et “fausses”, c’est offrir la victoire sans combat tous ceux qui rêvent de nous renvoyer en jupes à la cuisine...

Plus tu réduis la définition de ce qu’est une femme, plus tu rends facile le boulot de ceux qui veulent nous enfermer toutes dans la même boîte. Et le jour où ton corps, ton look ou ta vie ne rentrera pas dans les clous, tu verras que la machine à broyer les trans que tu auras aidée à monter ouvrira grand ses mâchoires contre toi.
Alors écoute, ma sœur : si tu ne veux pas être solidaire par conviction, fais-le au moins par instinct de survie. La transphobie, ce n’est pas un bouclier, c’est une prison. Défendre les femmes trans, ce n’est pas une faveur : c’est renforcer notre camp, élargir nos marges, foutre la trouille à ceux qui rêvent encore de nous domestiquer.

Ferme ta grande gueule et ouvre les yeux.

Être transphobe pour une femme cis , c'est être une dinde et voter pour noël.

@orange_lux Ça fait un moment que je m'en suis servi, mais tu peux peut-être essayer LibreTranslate :

https://fr.libretranslate.com/

@JohnArgutie En fouillant un peu Wikimedia Commons à partir de la version verticale, j'ai trouvé une version SVG, ensuite il a suffit d'adapter un peu. Tu dois pouvoir la reprendre et la modifier encore selon tes besoins si jamais :-)

@lienrag Ce n'est pas « ma démonstration ». C'est littéralement la raison pour laquelle Darwin a proposé la notion de sélection naturelle, comme l'indique jusqu'au titre de son bouquin.

(D'ailleurs, ce n'est pas la sélection qui crée de la spéciation : c'est l'accumulation de mutations. La sélection se contente de guider les variations de fréquences au sein d'une même population, ce qui n'aboutit jamais à une spéciation tout seul.)

(Et sinon, je fais ces threads en réfléchissant à chaque fois à quels éléments sont importants d'aborder et quels autres peuvent être laissés pour plus tard (et en l'occurrence les lois de l'hérédité n'étaient pas pertinentes ici, d'autant qu'elles n'ont été mergées dans la théorie globale que pas mal plus tard), mais merci de m'apprendre mon boulot, hein. Si ma façon de faire ne te va pas, n'hésite pas à faire des threads de ton côté aussi.)

@lienrag Je n'ai pas fait d'étude statistique.

Mais bon, mon (premier, il faudra que je prenne le temps de finir le second un jour) bouquin à moi s'appelle « L'esprit curieux et les yeux mauvais : comprendre le monde par la démarche scientifique », alors je suis de toute façon assez mal placé pour juger ^^

@lienrag (Cf le thread de la semaine dernière.)

16/16 La notion même d'espèce est une notion floue, posée par commodité mais qui ne correspond pas forcément à grand chose. Mais on reparlera peut-être de ça la prochaine fois. En attendant, on ne peut que constater que, s'il nous semble évident de ranger le vivant dans des boîtes, il a fallu attendre la théorie de l'évolution pour que ces boites deviennent autre chose qu'une découpe totalement arbitraire. Comme le disait le généticien Theodosius Dobjansky, « rien n'a de sens en biologie, sauf à la lumière de l'évolution. »

Ceci dit, et pour conclure, je vous conseille quand même très vivement de jeter un œil au documentaire Espèces d'espèces, qui aborde très bien ce sujet du classement du vivant et dont j'ai utilisé quelques captures pour illustrer ce thread.
« Photo de famille des primates », encore une fois une capture d'écran du documentaire Espèces d'espèces. On voit une vieille image en noir et blanc d'un certain nombre de types en costard, sauf que leurs têtes ont été remplacées par des têtes de singes (dans des styles différents, certaines sont des photos, d'autres des dessins, on en a même une qui ressemble à une tête de peluche). Le présentateur du documentaire, représentant toujours Homo Sapiens, est présent sur l'un des rangs arrières, la main posé sur l'épaule du tarsier situé à côté de lui.

15/16 On peut en tout cas remarquer une certaine ressemblance entre le classement des êtres vivants et celui des objets du système solaire dont on parlait il y a quelques threads avec Cérès : dans les deux cas, on part d'un échantillon connu de base, et on tente de faire des regroupements selon des critères qui nous semblent logiques, sachant que des observations ultérieures qui ne collent pas peuvent complètement tout remettre en cause.

Mais ce classement, finalement, n'existe que dans nos têtes : il n'y a pas de réelle différence de nature entre un astéroïde, une planète naine et une planète, seulement une quantité de matière qui change. De même, si les différentes classes ou familles ont accumulé pas mal de différences au fil du temps, les espèces d'un même genre peuvent être encore très proches les unes des autres et n'avoir que quelques caractères de différence.

Ah oui, au fait, si vous avez manqué le thread sur Cérès, c'était là : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AyMztvDdmCsEVRGpYe

14/16 Il a quand même fallu revoir notre copie à plusieurs reprises, de nouvelles découvertes pouvant toujours remettre en cause ce qu'on croyait savoir. Ainsi, deux des cinq classes de vertébrés posées par Linné ne sont plus utilisées de nos jours. En effet, on ne garde pour la classification que les « groupes monophylétiques », c'est-à-dire les regroupements qui correspondent à une branche unique prise dans son ensemble, avec tous ses rameaux.

Ça correspond pour les mammifères, amphibiens et oiseaux, mais pas pour les « poissons » ni les « reptiles » (et pour les « invertébrés » non plus, d'ailleurs), car on s'est rendu compte que ces groupes réunissaient en fait des branches différentes de l'arbre du vivant, en laissant de côté certains rameaux parce qu'ils ont développé des caractères différents.

Mais ça, j'en avais déjà parlé dans un article de blog il y a dix ans, donc vous trouverez la suite à ce sujet ici : https://fadrienn.irlnc.org/articles/sciences/revisons_larbre_du_vivant/

13/16 Enfin, il faut quand même préciser qu'il arrive qu'un même caractère apparaisse plusieurs fois au cours de l'évolution. Par exemple, les oiseaux et les mammifères ont tous les deux du sang chaud, qui est apparu de façon indépendante dans ces deux branches. D'une façon plus générale, un environnement similaire favorise des formes proches, et on peut donc tout à fait observer une certaine convergence évolutive.

Néanmoins, l'histoire du vivant telle qu'on tente de la reconstituer à partir des espèces actuelles et fossiles reste cohérente, nous permettant de faire des hypothèses sur ce qu'on doit, ou ne doit pas, observer autour de nous, avec jusque là un certain succès.

Oh, concernant la convergence évolutive, je suppose que certaines personnes parmi vous y penseront, alors voilà : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carcinisation

12/16 D'ailleurs, si depuis Aristote et pendant longtemps, on s'est contentés de classer les êtres vivants actuels parce que c'est ce qu'on a sous les yeux, l'essor de la paléontologie à partir du début du ⅩⅨème siècle a étendu ce classement aux espèces du passé, dont on peut retrouver des traces fossiles. Même si évidemment tout ne se fossilise pas et que nos connaissances à ce niveau sont forcément très incomplètes.

Ce qui me permet d'ailleurs de préciser un peu ce concept de « prédiction sur l'évolution passée » dont je parlais la semaine dernière : à partir de l'existence de l'ornithorynque et des échidnés, on détermine que la viviparité est apparue après les poils et les mamelles. On peut donc prédire qu'on trouvera des fossiles de mammifères pondant des œufs, qu'on rangera donc sur la branche des monotrèmes, mais qu'on ne trouvera pas de fossiles d'animaux vivipares ne présentant pas les autres caractéristiques de base des mammifères.
Illustration d'un Griffon issu d'un livre de classification des animaux du ⅩⅦème siècle, mis à disposition sur Wikimédia Commons par l'université de Toronto. On y voit l'animal mythologique qui ressemble plus ou moins à un aigle à la place de la queue duquel on aurait greffé l'arrière-train d'un lion. L'imaginaire antique était peuplé de créatures de ce style, mais les plumes de l'aigle et les poils du lion, par exemple, sont deux caractères apparus chez deux classes de vertébrés nettement séparées (les oiseaux et les mammifères), et ne peuvent donc pas cohabiter au sein d'un même individu. De plus, les ailes des oiseaux étant des pattes avant modifiées, un tel animal aurait donc six membres, ce qui n'existe chez aucun vertébré terrestre (toutes les classes de vertébrés à l'exception des poissons sont réunies au sein d'une branche appelée « tétrapode », ainsi nommée en raison d'une forme générale à quatre pattes. Certaines espèces en ont perdu par la suite, mais jusque là, aucune n'en a eu de nouvelles qui sont apparues). L'évolution nous prédit donc que nous ne rencontrerons jamais d'animal passé ou actuel ressemblant à ça. On peut d'ailleurs noter que dès l'antiquité, une partie du boulot d'Aristote a consisté à trier les animaux existants dans la vraie vie de ceux qui ne faisaient que peupler notre imaginaire.

11/16 Et donc si les monotrèmes (ornithorynque et échidnés) ont les autres caractéristiques des mammifères mais pondent des œufs, c'est parce que les autres caractéristiques (le poil et les mamelles) sont apparues plus tôt : ils descendent de l'espèce chez qui ces caractères sont apparus, mais pas de celle qui a, ensuite, arrêté de pondre des œufs pour devenir vivipare.

Nos différents regroupements (espèces, genres, familles, etc.), ne doivent donc pas être vues comme des boîtes arbitraires dans lesquelles on va ranger le monde vivant, mais comme des branches d'une sorte d'immense arbre généalogique (ou plutôt phylogénétique, mais ne pinaillons pas pour cette fois). Chaque nouveau caractère qui se propage fait apparaître une nouvelle branche, et donc si quelque chose déborde, c'est juste qu'on n'est pas remontés au bon croisement.
Image de l'arbre du vivant tel qu'on le voit dans le documentaire « espèces d'espèces ». On voit globalement une sorte de buisson en forme de boule. Les feuilles sont censées représenter les espèces actuelles, et un petit panneau « Vous êtes ici » a été posé quelque part dans le coin inférieur droit.

10/16 En effet, à partir du moment où on considère un monde vivant en constante évolution (stabilisée par la sélection naturelle), ces regroupements par ressemblances décidés arbitrairement par Aristote ou Linné trouvent une justification : deux espèces différentes se ressemblent d'autant plus qu'elles sont fortement apparentées.

Si tous les mammifères sauf l'ornithorynque (et les quelques espèces d'échidnés qu'on découvrira par la suite) mettent directement leurs bébés au monde, alors que le reste du vivant pond des œufs, c'est parce qu'ils ont tous un ancêtre commun chez qui cette caractéristique particulière est apparue, et, favorisée par la sélection naturelle, a perduré chez ses descendants alors même que ceux-ci ont ensuite pris des formes très variées.
Photo (trouvée sur Wikipédia) d'un échidné (plus précisément un échidné « à nez courts », puisqu'il en existe plusieurs espèces). L'animal a le dos couverts de piquants pouvant évoquer ceux d'un porc-épique, mais avec des pattes plus griffues, et surtout un nez pas si court que ça. Sa forme générale pourrait aussi évoquer celle d'un kiwi (les oiseaux, pas les fruits).

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