Alors vu qu'on est de nouveau #VendrediVulga, repartons pour un nouveau #Vulgadredi pour tirer cette notion d'habitabilité au clair. Et vu que je re-bosse ce week-end et que donc je suis de repos aujourd'hui, on va bien prendre notre temps et en faire vingt-sept pouets !
Si vous l'avez loupé, le thread de la semaine dernière est là : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AwyBqt6c4qOUfKUKjQ
Être dans une solution aqueuse (donc être plongé dans l'eau liquide, quoi) facilite ou simplement rend possible un bon paquet de réactions chimiques, dont en particulier une bonne partie de celles qui caractérisent le vivant. Je l'ai mentionné la dernière fois, une bonne partie des acides aminés qui constituent nos protéines ne peuvent se former que dans l'eau liquide, par exemple.

La glace forme dans ce cas une sorte de bouclier thermique, isolant ce qui se passe dessous de l'air froid. L'eau au fond du lac a atteint sa densité maximum à 3,98° (ça reste assez chaud pour pas mal de formes de vie), et donc tout ce qui est plus froid descend difficilement, tandis que pour les autres matières la partie qui se solidifie en surface coule et refroidit le reste. Du coup, si vous voyez un lac gelé en surface, vous savez précisément quelle est la température de l'eau dessous.

Alors, ce n'est pas tout à fait le même phénomène dans ce cas (notamment, c'est plus une question de pression que de température et de densité, l'eau en dessous peut être plus chaude que ça), mais effectivement, une bonne couche de glace peut permettre à l'eau d'exister en profondeur là-bas aussi. Du coup, est-ce qu'il peut y avoir de la vie dessous ? Eh ben ça dépend d'autres conditions, on va en reparler plus bas.
Ah, oui, si vous ne l'avez pas lu, le thread sur les lunes est là, au fait : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AwVATkhLR4bOOKEfCa
Si l'eau se trouve en surface, il faut aussi une atmosphère suffisamment dense. C'est ce qui fait que Mars, bien qu'étant située à la bordure de la zone habitable de notre soleil, n'est en pratique pas habitable du tout : son atmosphère est tellement fine que l'eau ne peut quasiment pas y rester sous forme liquide, elle est soit gelée, soit à l'état de vapeur, sans position intermédiaire.

Eh bien, ça va nous permettre d'identifier un autre ingrédient assez indispensable pour rendre une planète habitable : un champ magnétique. Le noyau de la Terre en génère un, c'est ce qui permet à nos boussoles de nous pointer la direction du nord. Mars, en revanche, plus petite que la Terre, ne dispose pas d'une telle protection, et c'est ce qui l'a progressivement rendue inhabitable.

Les autres étoiles fonctionnant sur environ le même modèle que notre Soleil, elles doivent générer également un vent stellaire qui affectent les planètes qui les entourent. Seules celles qui disposent d'un champ magnétique comme le nôtre sont donc susceptibles de conserver une atmosphère sur le long terme. Mais ça, évidemment, c'est quelque chose qu'on ne peut pas détecter, vu la distance qui nous sépare des exoplanètes.

Mais de manière un peu moins intuitive… il ne faut pas trop d'eau non plus ! L'eau facilite en effet les réactions chimiques quand elle permet aux substances qui sont dissoutes dedans de se rencontrer. Plus il y a d'eau, plus ces éléments chimiques sont dilués, ce qui peut aller jusqu'au point où la rencontre entre deux molécules d'autre chose que d'eau devient statistiquement tellement improbable que les réactions chimiques n'ont plus lieu.

Une « planète océan », composée principalement d'eau sans rien qui en dépasse, a donc peu de chances d'abriter la vie. D'un autre côté, si c'est théoriquement possible que ça existe, on n'en a encore jamais rencontré (ou en tout cas, on n'a rien détecté qui nous laisse à penser qu'on en a trouvé une). Donc bon, peut-être pas la peine de trop s'en préoccuper.

Et donc de là, deux choses. On va se garder l'atmosphère pour la suite, et commencer par parler de l'effet des volcans dans l'eau. Il y sont une source de chaleur et de minéraux, amenant notamment au fond de nos océans au développement de formes de vie chimiosynthétiques, totalement indépendantes des formes de vie utilisant la photosynthèse (directement ou en mangeant des plantes) qu'on retrouve plus proches de la surface ou à l'air libre.

Ceci dit, il faut quand même préciser que, si des micro-organismes chimiosynthétiques sont à la base de tout un écosystème près de nos volcans sous-marins à nous, la plupart des autres bestioles qui y vivent sont de proches cousines de celles qu'on trouve en surface. Pas mal de ces espèces ont eu besoin de côtoyer des espèces photosynthétiques au cours de leur évolution. Donc, à voir ce qui pourrait se développer en restant exclusivement au fond.

Chercher des traces de vie ne peut donc se faire que sur des planètes où l'océan est à l'air libre, pour qu'on puisse avoir quelque chose à identifier. Pour les autres, on peut rêver, mais on ne pourra jamais confirmer ni infirmer, donc c'est quand même un tantinet moins intéressant.

En effet, sur la Terre primitive, l'oxygène disponible était plutôt rare, et globalement peu apprécié des premiers êtres vivants, qui respiraient plutôt des sulfates. Puis, il y a un peu plus de deux milliards d'année, le rejet massif de l'oxygène par ces organismes a progressivement conduit à le faire augmenter en proportion dans notre atmosphère.
Deux liens Wikipédia pour creuser le sujet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Micro-organisme_sulfato-r%C3%A9ducteur et https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Oxydation
Cet exemple nous montre qu'il peut y avoir une différence assez importante entre ce qui est habitable pour nous, et ce qui est favorable à l'apparition de la vie. Les formes de vie sont en constante interaction avec leur environnement, et peuvent grandement le modifier, pas toujours à leur avantage (la vie en général survivra au dérèglement climatique actuel, mais pas forcément notre vie à nous).

En effet, les conditions climatiques sont évidemment assez importantes pour les différentes formes de vies, et l'activité volcanique, en raison de ce qu'elle émet dans l'atmosphère, joue un grand rôle de stabilisateur sur le long terme. C'est une autre raison qui fait qu'une planète a sans doute besoin de volcans pour être habitable, et donc qu'une quantité d'eau trop importante (ou de quoi que ce soit d'autre qui empêcherait leur existence) serait problématique.

Au fait, comment ferait-on pour détecter ça à distance, alors qu'on ne peut pas le faire dans le cas d'une surface gelée sans atmosphère ? Grâce à la spectroscopie : si on arrive à capter de la lumière qui a traversé cette atmosphère, il va y manquer certaines longueurs d'ondes, caractéristiques des éléments qu'elle a rencontré sur son passage.
Mais ça, j'en parlais dans ma vidéo sur les couleurs, donc je vous y renvoie : https://skeptikon.fr/w/vtpYiPna5LREQPL6Pz5gJn
Mais c'est un peu ennuyeux parce que, pour autant qu'on sache, il est quand même fortement probable que la gravité joue aussi un rôle pour l'apparition de la vie, et qu'une planète trop lourde n'est probablement pas un bon candidat non plus.

Mais ça joue plus généralement au niveau des autres facteurs déjà vus plus haut : une petite planète comme Mars n'a pas d'activité volcanique continue (elle a bien eu des volcans dans son histoire, mais surtout de points chauds, pas de tectonique des plaques), et sa faible pesanteur a probablement aussi joué un rôle dans la perte de son atmosphère, vu qu'elle le retenait moins fortement que la Terre.

D'une part, le champ magnétique terrestre est produit par l'activité du noyau de notre planète, partiellement liquide. Plus la pression est élevée, plus il faut chauffer pour que la matière passe à l'état liquide, et donc une planète de composition similaire à la nôtre, mais beaucoup plus dense, aurait sans doute un noyau beaucoup moins actif, et pas de champ magnétique.

Une pesanteur plus importante rend également plus difficile de se mouvoir, ce qui évidemment gène un peu le développement d'une bonne partie de la vie telle qu'on la connaît. Ce serait déjà très chouette de trouver une planète avec des trucs qui ressemblent à nos bactéries, mais on préférerait des animaux capables de sautiller, non ?

On pense aujourd'hui qu'une partie des super-Terres pourraient être des candidates potentielles à l'apparition de la vie, mais on ne sait pas vraiment à partir de combien de fois la masse de notre planète ça devient « trop ». Donc, dans le doute, on continue à la fois d'étudier les planètes qu'on a découvertes, et de rendre nos instruments plus précis pour trouver des planètes qui ressemblent davantage à la nôtre.

L'évolution est en effet quelque chose qui se déroule sur un temps très long, et là encore, nous ne connaissons pas suffisamment, à partir des seules traces fossiles qu'on retrouve sur Terre, les conditions exactes qui sont requises pour que la vie prenne des formes plus ou moins familières pour nous (même si elles resteront probablement très exotiques).

Une étoile comme notre Soleil va avoir une durée de vie totale d'environ une dizaine de milliards d'années. Les naines rouges, les étoiles les plus petites, peuvent parfois atteindre la centaine de milliards. Mais les géantes bleues, elles, ont une durée de vie inférieure (parfois de beaucoup) au milliard d'années. Même si la vie pourrait apparaître sur une planète tournant autour d'une telle étoile, elle n'aurait donc probablement pas le temps de s'y développer suffisamment.

Mais même en restant à une distance raisonnable de l'étoile en permanence, il faut que celle étoile ait un rythme de vie plutôt calme. C'est le cas de notre Soleil, mais d'autres étoiles ont par exemple une luminosité qui varie beaucoup avec le temps. Ou bien connaissent régulièrement des éruptions stellaires assez importantes, suffisantes pour grandement affecter les planètes qui les entourent. Peu de chances que la vie se développe assez à proximité.

La vie telle qu'on la connaît est donc très spécifique aux conditions dans laquelle elle s'est développée (même si elle a pu en affecter certaines, comme notre atmosphère). S'il est évidemment assez vain de ne chercher que des planètes ayant rigoureusement les mêmes conditions que nous, il reste fondamentalement très difficile de déterminer quels degrés de libertés on peut s'accorder avec tous ces paramètres.

@elzen "Jamais" c'est pessimiste, non ?
On a encore 4 milliards d'années avant que le soleil ne meure, et même si j'ai bien suivi au moins 500 millions d'années avant qu'il ne commence à faire des méchancetés à notre pauvre petite mère la terre...
Ça laisse du temps pour essayer, il me semble ?
La voile solaire promue par Tyson pour aller sur Proxima Centauri en quelques décennies consomme trop d'énergie, mais en quelques siècles ou millénaires ça doit pouvoir se faire ?
– Une planète principalement constituée de roche, en orbite stable dans la zone habitable d'une étoile calme,
– Avec une masse lui permettant de générer un champ magnétique et d'avoir une activité volcanique (probablement une tectonique des plaques),
– Et une atmosphère d'une densité suffisante pour que l'eau puisse rester liquide (qui peut être en partie produite par ces volcans),
– Que cette eau soit bien présente, avec d'autres éléments chimiques (les comètes peuvent amener ça en cours de route),
– Mais probablement qu'il reste tout de même des terres émergées.

(Et n'hésitez pas à faire signe d'une façon ou d'une autre si ça vous plaît et que vous voulez que je continue ces threads, c'est toujours plus sympa de savoir qu'il y a des gens qui lisent. D'ailleurs, merci à @AlainPortay qui a vaillamment repouété tous les messages de ce thread à mesure que le les publiais !)

@elzen merci à toi pour ce thread passionnant.
Mais mon point est surtout de dire que les planètes avec une atmosphère et de l'eau liquide en surface, on a moyen de capter quelques infos de loin ; les planètes (ou lunes, ce qui est encore plus dur à détecter) avec un océan sous une couche de glace sans atmosphère, il faut forcément aller creuser dedans. Donc pour la recherche de vie extraterrestre, on peut assez vraisemblablement oublier les secondes (comme j'en parlais dans le thread sur les microbes extraterrestres, en pratique on évite déjà d'aller se poser sur Europe pour ne pas risquer de la contaminer par de la vie terrestre et de provoquer ainsi la disparition de l'éventuelle vie locale.)
Ben justement, je comprends pas comment on peut penser "à l'échelle de notre génération" quand on travaille dans la cosmologie ?
Je me souviens du géologue qui nous expliquait que la rift valley deviendrait une mer dans assez peu de temps, il savait bien qu'il ne serait plus là pour le voir mais ça l'empêchait pas de le prévoir...
Spéculer sur les moyens de transports interstellaires que nos descendants mettront peut-être au point un jour, c'est beaucoup plus hasardeux, et ça n'a en pratique pas grand chose à voir avec l'astrophysique. En l'état et à moins d'une percée technologique difficile à prévoir (et peu probable d'après ce qu'on sait), on n'a pas moyen d'aller voir, donc autant se consacrer à des choses sur lesquels on a concrètement moyen de travailler.
Enfin, c'est mon avis. Évidemment, tu trouveras des gens pour spéculer quand même, mais globalement, les planètes sans atmosphère, y a pas grand chose de plus à dire dans ce cas que « là, il y a peut-être de la vie, peut-être pas, tant qu'on ne peut pas y aller on n'en saura pas plus. »
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De ce que je comprends, ce n'est pas vrai qu'on a pas moyen d'aller voir.
Cela prendra (selon la destination) quelques milliers à millions d'années avec les technologies actuelles, mais on peut quand même espérer qu'on aura un jour des dirigeants qui cesseront de ne réfléchir qu'à court terme.
Penser à nos descendants sur des durées de milliers/millions d'années, c'est intéressant quand on parle de l'enfouissement des déchets nucléaires, qui seront toujours actifs et donc pour lesquels il faut prévoir une forme de prévention, et c'est un casse-tête justement parce qu'on sait que c'est un temps trop long à notre échelle. Pour ce qui est de l'exploration spatiale, en l'état, c'est une perte de temps pure et simple.
Pour travailler scientifiquement, on a besoin de choses vérifiables. Les planètes dont on peut capter des informations à distance, parce qu'elles ont une atmosphère par exemple, ça a du sens de réfléchir à des instruments pour essayer d'en apprendre davantage ; celles dont l'hypothétique vie n'émet absolument aucune trace vers l'espace, ce n'est juste pas la peine de s'en préoccuper, vu que, les concernant, on ne peut rien faire d'autre que spéculer.
Maintenant, j'ai bien compris que cette réponse ne te satisfait pas, mais tu sais, ce n'est pas en venant continuer d'insister ici que ça va changer quoi que ce soit ^^"
C'est un argument que je lis souvent, et qui m'a toujours paru totalement lunaire : on sait bien lire encore aujourd'hui le commentaire du compte ebay d'Ea-Nasir ! Et on continue à citer Aristote.
Qu'ils ne se poseront pas forcément les mêmes questions que nous, c'est assez probable.
Qu'une sonde polyvalente arrivée sur place ne leur soit d'aucune utilité alors qu'ils n'ont rien d'autre de disponible, c'est bien moins évident.
@elzen
Il n'y a pas aussi des conditions d'orbite propice au "bombardement" par des comètes ? Ou ce sont les même statistiques partout.
A priori, tous les systèmes se sont formés à partir d'un disque d'accrétion autour de leur étoile, ce qui donne une configuration très très très générale similaire ; mais ensuite la tronche que ça prend dépend de la façon dont les planètes se forment et des jeux de billard cosmique qui leur permettent ou pas de rester en place.
Chez nous, il semble que Jupiter se soit formée en premier et ait ensuite fortement influencé le reste du système. Ça a probablement joué un rôle. Mais difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de l'histoire spécifique d'un système et ce qui est généralisable.
Si tu veux creuser la question, tu peux peut-être commencer par là : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_bombardement_tardif
@elzen
Wow ça a l'air compliqué... Merci !
@elzen
Les unicellulaires n'ont pas besoin de spécialisation, et donc pas besoin de gravité ?
J'ai cité l'exemple du développement embryonaire parce que je me souviens avoir déjà lu de la doc' là-dessus, donc je sais que dans ce cas-là, la gravité joue un rôle, mais je ne suis clairement pas suffisamment spécialiste pour dire dans quels autres cas elle en joue ou pas.
Ceci dit, vu l'état de la station Mir (où les protocoles de stérilisation étaient moins au point qu'à bord de l'ISS) à la fin de sa carrière, je pense qu'on ne prend pas trop de risque à affirmer qu'au moins certaines bactéries ont réussi à pas trop mal s'en sortir en impesanteur.
Merci pour ce fil. J'ai appris des choses sans me casser la tête <3