§ Posté le 17/02/2017 à 23h 36m 04
Les fournisseurs d'accès à Internet associatifs, comme celui dont je fais partie, ont tendance à poser des antennes pour amener de l'Internet aux gens, parce que c'est un moyen simple et économique d'amener du réseau là où il n'y en a pas encore. Malheureusement, cela nous attire régulièrement les critiques de gens persuadés que les ondes sont dangereuses pour la santé.
Détail amusant (ou pas), ces personnes s'adressent très souvent à nous en considérant que nous ignorons forcément tout du sujet qui leur tient à cœur. Et pourtant, à les entendre parler, j'ai souvent tendance à douter que ces personnes sachent ce que c'est, au juste, qu'une onde(1)…
Habituellement, j'ai tendance à me référer, pour répondre, à l'excellente BD du Pharmachien, qui aborde très pédagogiquement (et sources à l'appui) la plupart des aspects du sujet(2). Mais puisqu'enrichir un peu mon blog à moi ne fera jamais de mal, tâchons de prendre la chose par un autre bout en répondant à la question de base : mais au fait, une onde, c'est quoi exactement ?
C'est, avant tout, une notion de physique(3), qui peut se rencontrer dans pas mal de cas. Quand vous lancez un caillou dans l'eau, par exemple, les cercles concentriques(4) qui se forment à la surface, c'est une onde. Comme toutes les ondes, il s'agit d'un mouvement d'oscillation, qui se propage dans toutes les directions possibles, en rebondissant sur les éventuels obstacles. Afin de préciser un peu les choses, soulignons que c'est uniquement cette oscillation qui se déplace : l'eau, elle, est revenue exactement à sa position initiale une fois que l'effet est passé.
Toute la matière, l'air que nous respirons comme votre corps et le mien, le caillou et l'eau dans laquelle vous le lancez, tout ça est constitué de molécules. Ce ne sont pas les mêmes partout(5), mais ça reste, dans tous les cas, de petits bouts de matière qui bougent. La plupart du temps, ces petits bouts de matière s'agitent un peu, mais sans direction particulière. Mais au moment où le caillou touche la surface de l'eau, il a une direction précise, et en se cognant contre les molécules de l'eau, il les force à s'agiter d'une manière un peu plus spécifique.
Comme ça peut nous arriver à nous aussi lorsque quelqu'un nous bouscule en passant, les molécules d'eau concernées sont donc entraînées par le caillou, puis reviennent à peu près à leur place. Mais ce faisant, elles ont elles aussi bousculé leurs voisines, qui se mettent à faire la même chose. Et à bousculer elles aussi leurs voisines, et ainsi de suite. Chacune revient à sa place après une sorte de sursaut, mais néanmoins une vague se propage tout autour. Les humains font pareil dans les stades, paraît-il.
Toutes les ondes fonctionnent grosso-modo sur ce principe. Ainsi, pour parler, nous faisons vibrer de petites membranes, les cordes vocales, qui à leur tour font vibrer les molécules d'air qui les environnent, et cette vibration se propage jusqu'hors de notre bouche (et, espérons, jusqu'aux tympans de nos interlocuteurs) : nous produisons des ondes sonores.
Néanmoins, il existe une famille d'ondes un peu spécifiques, au sens où elles n'ont pas besoin de matière pour se propager. Elles ne font pas bouger des molécules, comme les autres, mais des particules d'énergie, les photons(6). On les appelle des ondes électromagnétiques, et ce sont elles qui font si peur aux gens qui n'aiment pas les antennes.
Enfin, ça dépend. Peu de gens ont peur de la lumière visible, par exemple, ou des infrarouges émis par leur radiateur. Et pourtant, ces deux choses sont des ondes élecromagnétiques exactement comme celles des antennes Wi-Fi. La différence tient uniquement dans une petite subtilité de la façon dont s'agitent les particules (d'énergie, ici, mais c'est la même chose pour les particules de matière dans l'autre cas).
Puisque les ondes sonores nous sont peut-être plus familières, utilisons-les comme point de comparaison. Comme il s'agit d'ondes dans les deux cas, on va donc retrouver les mêmes caractéristiques à étudier. Il y en a trois : la célérité, la fréquence, et la puissance.
La première représente la vitesse à laquelle cette oscillation est transmise d'une particule à une autre. Elle dépend du type d'ondes que l'on considère, et du milieu dans lequel elle se propage. Par exemple, donc, la vitesse à laquelle une onde sonore se propage dans l'air (aux conditions normales de pression et de température) est d'environ 340 mètres par seconde. Ce qui signifie que, si je crie quelque chose à quelqu'un situé à 500 mètres de moi (il faut de la voix), il y aura besoin d'un peu moins d'une seconde et demie pour que cette personne puisse m'entendre.
Une onde électromagnétique, pour sa part, se propage à un peu moins(7) de trois cent millions de mètres par seconde, ce qui est beaucoup plus élevé (mais tout de même suffisant pour que la lumière émise par notre Soleil mette huit minutes pour nous parvenir (je l'avais déjà mentionné ici)). C'est cette différence de vitesses entre les ondes sonores et les ondes électromagnétiques qui fait qu'il y a un certain temps de décalage entre le moment où vous voyez l'éclair et le moment où vous entendez le tonnerre (en comptant ce temps de décalage, vous pouvez donc avoir une assez bonne estimation de la distance à laquelle la foudre est tombée).
Notre seconde caractéristique, la fréquence, correspond au nombre de fois qu'une particule donnée peut osciller dans un même intervalle de temps (qui dépend donc du temps qu'elle met à revenir à sa place après avoir été bousculée).
Si la célérité est caractéristique d'un type d'ondes données, la fréquence peut varier pour plusieurs ondes d'un même type. Pour les ondes sonores, par exemple, c'est ce qui nous permet de différencier les sons : plus la fréquence est élevée, plus le son va être aigu. Plus elle est basse, plus le son va être grave. Bien sûr, notre oreille ne nous permet pas d'entendre toutes les fréquences possibles : en dessous de 16 hertz (seize oscillations par seconde) et au dessus de 16000 hertz, la vibration échappe à nos sens. On parle alors d'infrasons et d'ultrasons (mais les chiens et les chauve-souris, par exemple, ont des oreilles plus sensibles que les nôtres aux fréquences élevées, et peuvent donc entendre ce que nous considérons comme des ultrasons, d'où par exemple les sifflets « silencieux » permettant d'appeler nos animaux de compagnie).
La même chose vaut pour les ondes électromagnétiques (à ceci près que ce ne sont pas les mêmes récepteurs sensoriels, mais j'ai déjà parlé de ça aussi). Nos yeux sont sensibles à certaines fréquences(8), et c'est ce que l'on appelle la « lumière ». Dans les limites de ce que l'on peut voir, les lumières « aiguës » (ayant une fréquence élevée) sont violettes, les lumières « graves » (ayant une fréquence basse) sont rouges, et entre les deux, il y a tout l'arc-en-ciel. En dehors de notre champ de vision, il y a aussi des « ultraviolets » et des « infrarouges », ainsi que quelques autres trucs, dont ces fameuses micro-ondes (qui sont plus « graves » que les infrarouges, donc reviennent à leur place plus lentement).
Notre dernière caractéristique a, j'imagine, un nom assez parlant : la puissance représente, grosso-modo, la facilité avec laquelle une particule va entraîner ses voisines à faire la ola elles aussi. La puissance acoustique (sonore, quoi) porte d'ailleurs un autre nom, un peu plus usuel, sur nos appareils chargés d'émettre du son : celui de « volume ».
De la même façon qu'on peut augmenter ou diminuer le volume sonore sans changer le son émis, on peut augmenter ou diminuer la puissance d'un éclairage sans en changer la couleur. C'est ce qui se passe sur une lampe de poche dont les piles commencent à s'user, par exemple. Et les choses restent les mêmes en dehors du « spectre visible » : une antenne donnée va être plus ou moins puissante, mais néanmoins toujours continuer à émettre exactement les mêmes ondes électromagnétiques (la célérité et la fréquence ne changent pas).
Un point important ici est que, comme je le disais au début, une onde a tendance à se propager dans toutes les directions possibles. Ce qui signifie qu'une particule atteinte doit bousculer ses voisines tout autour d'elle, ce qui demande pas mal de puissance. Vous avez ainsi besoin de pas mal monter le volume de vos enceintes pour pouvoir écouter de la musique depuis une autre pièce.
Même motif, même punition, les antennes chargées d'émettre les ondes électromagnétiques nécessaires à ce que nos téléphones arrivent à trouver un réseau doivent être d'autant plus puissantes qu'elles ont de distance à couvrir, et on pourrait considérablement réduire la puissance des antennes simplement en en mettant davantage et en les répartissant mieux (vous trouverez de jolis schémas fait par Leiopar sur la question en commentaire de cet article).
Un petit aparté, ici, sur les antennes directionnelles dont je parlais en début d'article. L'astuce en est de faire en sorte que ces antennes émettent dans une direction précise (d'où ce nom de « directionnelles ») plutôt que partout autour d'elles. De cette manière, il y a beaucoup moins de perte « sur les côtés », et on peut aller beaucoup plus loin avec une puissance beaucoup plus limitée. C'est le principe de base du pointeur laser, par exemple, qui permet d'éclairer un point précis à une assez grande distance (tout le monde a, je suppose, déjà vu des snipers dans un film).
Une conséquence de ce mode de fonctionnement directionnel, c'est également que l'onde ne touche pas grand chose de ce qui l'environne. Placez votre main à un centimètre du faisceau laser : il ne l'éclairera pas le moins du monde. Nos antennes directionnelles couvrent un angle un peu plus grand, mais, même si les ondes étaient dangereuses pour la santé, la seule manière de risquer quelque chose avec ce type d'antennes serait de vous placer en plein sur la trajectoire de l'onde, ce qu'on essaye généralement d'éviter car ça coupe la connexion.
Fin de la parenthèse, revenons maintenant à nos moutons.
Tout ce que peut faire une onde, c'est cogner contre quelque chose et le faire bouger. Et c'est déjà amplement suffisant : c'est comme ça que nous voyons et que nous entendons, entre autres. Nous pouvons aussi sentir physiquement certaines ondes, si elles ont suffisamment de puissance : un bon caisson de basse peut donner des frissons, parce que ça fait vibrer notre peau. De même, à moins d'un mètre d'une puissante antenne téléphonique, on peut se sentir physiquement remué(9).
Aux puissances que l'on croise dans la vie de tous les jours, cependant, les seules ondes électromagnétiques dont nous sommes en mesure de percevoir qu'elles nous ont atteintes, ce sont les rayons lumineux qui atteignent nos yeux. Tout le reste ne produit pas assez d'effet pour que notre système sensoriel soit en mesure de signaler « là, une onde passe ».
Ce qui ne veut pour autant pas dire qu'elles n'aient pas d'effet du tout : certaines molécules présentes dans notre peau, quand elles sont agitées à la bonne fréquence (celle des rayons ultraviolets) se mettent à produire de la vitamine D, qui est essentielle à notre bonne santé(10), et ce sans que notre cerveau ait besoin d'en être informé.
Le souci, c'est que les ondes à très haute fréquence (ultraviolets, mais aussi rayons X et γ) peuvent également faire vibrer notre ADN de telle sorte que cette énorme molécule se casse, ce qui peut parfois provoquer des cancers. Raison pour laquelle il vaut mieux éviter de trop s'exposer au soleil. Mais les ondes dont la fréquence est plus faible (la lumière visible, les infrarouges et les micro-ondes) ne peuvent a priori pas produire cet effet. Tout ce qu'elles font, c'est faire chauffer(11) les molécules qui les reçoivent.
Alors, bien sûr, le seul fait de faire chauffer peut provoquer des réactions chimiques. Ça s'appelle la cuisson. Mais ça demande d'atteindre des puissances assez importantes : à moins de prévoir un dispositif particulier, comme par exemple les parois d'un four à micro-ondes, aucune chance qu'une antenne ne provoque ce genre de réaction sur nous : c'est elle qui grillerait la première.
Bien sûr, la science n'est jamais figée. Nous n'avons pas encore fait tous les tests possibles et imaginables, et il est toujours possible de découvrir que des ondes provoquent des réactions chimiques que nous ne connaissons pas encore, ou que notre corps dispose de certains récepteurs susceptibles de détecter une onde électromagnétique de faible puissance et d'en informer le cerveau. Ce serait même extrêmement intéressant. Malheureusement, les tests menés jusque là ont tout de même tendance à montrer que ce n'est pas le cas.
En revanche, il existe bel et bien une possible explication aux symptômes – bien réels – que ressentent les personnes qui craignent les ondes. Curieusement, cette explication n'est que très rarement évoquée par ces gens, bien que ces effets aient été prouvés expérimentalement, eux.
Mais bon, si tout le monde savait déjà tout, il n'y aurait sans doute pas de blogs cools comme celui du Pharmachien ou le mien, donc bon, l'un dans l'autre…