Le Livre d'Argent

Elzen | @elzen@fadrienn.irlnc.org

8/16 À l'époque de Copernic, cependant, la situation a pas mal changé par rapport à l'Antiquité. Notamment, l'Église catholique s'est imposée, et a fait beaucoup pour propager l'idée que l'Homme, conçu par Dieu à Son image, se détacherait du reste du monde vivant, et serait au centre de toute chose (certains passages de la Bible parlent du Soleil qui « s'arrêterait dans sa course », ce qui nécessite donc que ce soit lui qui bouge).

Copernic va donc beaucoup hésiter à publier ses travaux, et ce n'est que l'année de sa mort, en 1543, que sera imprimé son ouvrage principal, De Revolutionibus Orbium Coelestium (soit « des révolutions des sphères célestes »). Andreas Osiander, qui supervisa l'impression, prendra d'ailleurs grand soin d'y faire préciser que le but de l'ouvrage était juste de faciliter les calculs, et absolument pas de décrire la façon dont la réalité fonctionnerait.
Photo (trouvée sur la page Wikipédia dédiée à l'ouvrage) du livre de Copernic, ouvert, à l'intérieur duquel on voit un texte imprimé en latin, et surtout un schéma présentant la même disposition des corps célestes que dans celui présenté au pouet précédent.

7/16 D'ailleurs, si on finira par remettre en cause ce modèle, ce n'est pas parce qu'on se serait rendu compte qu'il est faux : pour décrire les mouvements des planètes dans le ciel, et prédire à l'avance l'endroit où on va les observer, on peut encore de nos jours utiliser le système de Ptolémée, et ça marche encore très bien. Non, le seul souci de ce modèle, c'est qu'à une époque où on n'avait pas encore de machines pour calculer à notre place, des cercles dans les cercles dans les cercles, ça demandait beaucoup de boulot.

Et c'est donc surtout pour essayer de simplifier les calculs que Mikołaj Kopernik (dit Nicolas Copernic en français) va tenter d'organiser le système différemment, en mettant le Soleil au centre et en faisant tourner la Terre autour, avec les planètes. Et au moment de la publication de ses travaux, son modèle, même s'il était plus « simple » au sens où il demandait un peu moins d'épicycles (il restait basé sur ces cercles parfaits) et donc moins de calculs, était aussi moins précis que le vieux modèle de Ptolémée.
Schéma du modèle de Copernic : on voit le Soleil au centre (ici en haut à droite, on ne voit qu'un quart des orbites), et autour de lui, les orbites des planètes connues à l'époque : Mercure, puis Vénus, puis la Terre, autour de laquelle on trouve la Lune sur sa propre orbite, puis Mars, puis Jupiter, et enfin Saturne. Au delà, un cercle supplémentaire représente la position des étoiles. Les épicycles ne sont pas représentés. Même si la disposition des corps célestes change, ce schéma est assez ressemblant aux deux autres présentés dans ce thread.

6/16 Quand, dans sa par ailleurs plutôt chouette vidéo sur Mars, @defakator nous fait le petit sketch où Ptolémée confond les étoiles parce qu'il a besoin de lunettes qui n'existent pas encore, c'est amusant, et ce n'est pas spécialement gênant (et je dis ça pour mettre en avant cette vidéo, mais mes collègues et moi pouvons faire des blagues du même niveau au cours d'une séance de planétarium), mais ça illustre quand même un point de vue assez moqueur sur le passé qui n'est pas forcément si pertinent que ça.

En vérité, le modèle de fonctionnement du ciel que Claude Ptolémée, se basant sur tout un tas de travaux antérieurs, met au point au deuxième siècle, est environ ce qu'on peut faire de plus solide et de plus précis compte tenu des connaissances antiques. C'est un modèle qui met la Terre au centre, certes, mais qui marche fichtrement bien par rapport à ce qu'on peut observer dans notre ciel.
Schéma du modèle de Ptolémée : on voit la Terre au centre (ici en haut à droite, on ne voit qu'un quart des orbites), et autour d'elle, les orbites des sept « planètes » antiques : la Lune, puis Mercure, puis Vénus, puis le Soleil, puis Mars, puis Jupiter, et enfin Saturne. Au delà, un cercle supplémentaire représente la position des étoiles. Les épicycles ne sont pas représentés. Même si la disposition des corps célestes change, ce schéma est assez ressemblant aux deux autres présentés plus bas.

5/16 C'est grosso-modo, sauf erreur de ma part, l'un des raisonnements que tenait Aristote il y a plus de 2300 ans, et compte tenu de ce qu'il avait à sa disposition, c'était plutôt solide et pas mal trouvé. Nous savons maintenant que c'est faux, certes ; mais c'est parce que nous avons empilé pas mal de travaux scientifique depuis cette époque, sans lesquels nous n'aurions sans doute pas fait mieux que lui.

De même, si ses (plus ou moins) contemporains tentent d'expliquer les mouvements des planètes avec uniquement des cercles imbriqués, ce qui donne donc des mouvements un peu compliqués avec des « épicycles », c'est sans doute parce que le cercle était à l'époque considéré comme une forme géométrique parfaite, mais peut-être aussi (je m'avance un peu ici, si un·e spécialiste de l'histoire des maths veut bien confirmer ou infirmer) parce qu'avant de pouvoir se dire que les mouvements des planètes sont des ellipses, il faut déjà avoir une notion solide et utilisable de comment ça marche une ellipse, ce qui n'était peut-être pas encore disponible à l'époque.
Schéma de fonctionnement des épicycles, trouvé sur la page Wikipédia qui leur est dédiée. On voit un marqueur au centre indiquant la position de la Terre, autour duquel est tracé un cercles en pointillés. Sur ce cercle, un autre marqueur représente le centre d'un second cercle, plus petit, sur lequel on trouve une planète. Un trait bleu nous montre le chemin qu'effectue cette planète si on la fait tourner le long de son cercle, tandis que le centre de celui-ci tourne sur le premier : la combinaison des deux mouvements fait faire des allers-retours à la planète, ce qui correspond au phénomène de rétrogradation qu'on peut observer dans le ciel.

4/16 Et pourtant, nous ne sentons pas vraiment la Terre se déplacer. Pourquoi ne semble-t-elle pas en train de tomber ? Peut-être parce que, depuis le temps, elle a fini par l'atteindre, ce « bas ». Si la Terre, qui a sans doute pu finir sa chute longtemps avant que nous soyons là pour en parler, est déjà posée sur l'endroit qui attire tout le reste, alors il est normal que tout le reste lui tombe dessus dès qu'on le lâche.

Et si les objets célestes (que, sans instrument optique, on ne voit que comme des points lumineux dans le ciel, sans pouvoir dire comment ils sont composés ni à quelle distance ils sont) ne tombent pas, c'est peut-être qu'ils sont constitués d'une autre sorte de matière, différente de la nôtre, qui elle ne tombe pas vers le bas, mais se contente de tourner autour. Ce qui revient à les faire tourner autour de la Terre, mais sans que la Terre elle-même n'ait besoin d'y être pour quoi que ce soit.
Représentation antique du modèle des sphères célestes : on voit au centre les quatre éléments, la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu (qui correspondent plus ou moins à une façon antique de décrire les états de la matière), puis les sept sphères des planètes (sous ce terme, qui désignait à la base simplement les objets qui semblent se déplacer dans le ciel (il veut dire « vagabond » en grec), on comptait à l'époque le Soleil et la Lune, mais pas la Terre), et enfin la « sphère des fixes », c'est-à-dire les étoiles, ici représentées sur plusieurs niveaux (on repère notamment les constellations du zodiaque). Le tout est représenté ici en noir et blanc par des cercles concentriques, à l'intérieur desquels sont tracés divers symboles.

3/16 Parce que ce qui motivait cette idée, ce n'était pas juste une forme d'égocentrisme nous mettant au centre de tout. L'idée découle de quelques réflexions assez solides sur le monde qui nous entoure. En effet, dans la vie de tous les jours, si on lâche un objet, il tombe. Nous savons, nous, maintenant, que c'est la Terre qui l'attire grâce à la gravité, mais quels autres effets concrets de la gravité constatez-vous dans votre vie de tous les jours ?

À partir de ce qu'on peut empiriquement constater, on peut assez facilement se dire que le haut et le bas sont des directions absolues, qui ne dépendent pas de l'endroit où on se trouve : les objets lourds tombent vers le bas, c'est tout, c'est l'univers qui est comme ça. Or, la Terre sous nos pieds est assez manifestement un objet lourd. Il semble donc cohérent qu'elle doive elle aussi tomber vers le bas.
Image d'un globe terrestre dans un musée, trouvée sur Wikimédia Commons. On voit une sphère (tournée de sorte à ce qu'on voit le sud de l'Afrique et les océans qui l'entourent) posée sur un support permettant probablement de la faire tourner, mais avec une étiquette en bas invitant à ne pas toucher. Le tout est à l'intérieur d'un bâtiment et d'autres vitrines sont visibles en arrière-plan. À l'époque dont je parle dans le pouet (beaucoup plus ancienne que ce globe), on savait déjà que la Terre était globalement sphérique, mais on ignorait que ce que nous appelons « haut » et « bas » n'est dû qu'à la gravité terrestre (le « bas », c'est le centre de la Terre ; et le « haut » peut donc être dans n'importe quelle direction selon l'endroit où l'on se situe.)

2/16 Mais commençons par noter qu'arrêter de se prendre pour le centre du monde, c'est peut-être aussi arrêter de prendre nos ancêtres pour des imbéciles. Du haut de notre science moderne, on a parfois un peu tendance à regarder les anciennes générations comme si les gens de l'époque n'avaient cru que des bêtises… comme l'idée saugrenue que le Soleil tournerait autour de la Terre.

Alors, oui, ils ont cru ça, même si en vrai la question a pas mal été discutée et que plusieurs modèles concurrents existaient déjà à l'époque pour expliquer les mouvements du ciel, mais surtout : c'est loin d'être aussi absurde que ça peut nous le sembler aujourd'hui, et pas mal d'entre nous auraient probablement cru ça en disposant des mêmes connaissances qu'à l'époque.
Portrait d'Aristarque de Samos, trouvé sur sa page Wikipédia. On voit un vieux bonhomme barbu la main sur un globe avec un livre ouvert près de lui, et ce qui ressemble à une partie de cadran céleste en arrière-plan. Astronome et mathématicien du deuxième siècle avant Jésus Christ, Aristarque est l'auteur du plus ancien ouvrage connu tentant de mesurer les distances nous séparant de la Lune et du Soleil, mais il a surtout (pour ce qui nous intéresse ici) travaillé sur un modèle héliocentrique, donc faisant tourner la Terre autour du Soleil.

C'est de nouveau #VendrediVulga, et pour le #Vulgadredi de cette semaine, après un petit détour par la biologie, on va donc revenir un peu à l'astronomie. Mais en fait, on va parler finalement un peu du même sujet dans les deux cas, à savoir : arrêtons de nous prendre pour le centre du monde.

Grace, notamment, aux travaux de Darwin et Wallace qu'on a évoqué dans les dernières semaines, on a pu se rendre compte qu'on n'est qu'une espèce ordinaire, apparue par hasard un peu comme toutes les autres, et non pas le sommet de l'évolution. On va maintenant voir que notre planète n'est pas non plus au centre de l'univers, et ça va nous prendre seize pouets, vu que ce format continue de pas trop mal marcher.

Au fait, si vous avez manqué la conclusion de notre escapade biologique, le thread de la semaine dernière est là : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AzXXsM9y1i7hIy5lqK

Tiens, pour la séance de ce matin (les séances du matin, ce sont les séances pour enfants), j'avais dans la salle une petite Mercredi et un petit vampire. C'était chouette.

Moi j'étais déguisé en mec cis-het, ça fait suffisamment peur comme ça.

@coq On a fait une multiplication par au moins l'infini, là, je crois ^^"

@gee Comment que tu nous spoiles une des blagues :-O

Désolé, je sors :D

@charles Très bon article ! Je me permets de rebondir sur un point : Popper considérait ça comme un paradoxe parce qu'il analysait les choses en termes de droits naturels.

Si on envisage plutôt ça par le contrat social, ça cesse d'être paradoxal et ça devient au contraire tout ce qu'il y a de plus logique : attendu que les nazis ne respectent pas les termes du contrat, on n'a aucune raison valable de les en faire bénéficier.

Donc, ce matin, en partant au boulot, une bagnole s'est engagée sur un rond-point sans ralentir alors que j'étais déjà dessus avec mon vélo, et a donc manqué d'assez peu de me rentrer dedans.

Arrivé au plané, en plein pendant la séance des choupinous, un des projecteurs s'est soudainement éteint sans raison apparente. Puis s'est encore plus inexplicablement rallumé quelques minutes plus tard oO

Du coup, sur le midi, le collègue m'a dit qu'il valait mieux changer la lampe au cas où. Et m'a suggéré de le faire, c'est la première fois que je faisais ce type d'intervention sur le système de projection.

Ensuite j'ai fait les séances de l'après-midi, qui étaient toutes les deux complètes, donc en tout j'ai causé à ≃500 personnes dans la journée. D'ailleurs un bug du logiciel de résa a fait qu'on s'est retrouvés avec plus de places vendues que de fauteuils dans la salle oO

Et donc là en rentrant, j'apprends grâce à @adelinej qu'apparemment, une boîte américaine considère qu'on n'a pas assez pourri le ciel nocturne et a l'air fermement décidée à empirer encore largement les choses : https://www.numerama.com/sciences/2103699-la-prochaine-angoisse-des-astronomes-ces-miroirs-qui-reflechiront-la-lumiere-du-soleil-en-pleine-nuit.html

Sinon, ça va, vous ?

@adelinej Oùch… Pas le temps de creuser tout de suite (je gère une séance là), mais ça a l'air bien moche, en effet. Ceci dit, il y a déjà eu des projets de ce type et les gens ont fini par se rendre compte que c'était stupide et inutilement coûteux. On va espérer que ceux-là réaliseront à temps aussi…

Tiens, vu que le prochain #Vulgadredi va tomber le 31 octobre, j'en profite pour vous poser une petite énigme en attendant.

Est-ce que vous savez pourquoi on peut dire que Halloween, c'est exactement pareil que Noël ?

(Cette question a fait l'objet d'une nouvelle du Club des Veufs noirs d'Isaac Asimov. Et je l'avais déjà posée ici, mais à une époque où beaucoup moins de monde me suivait, donc personne n'avait répondu. N'oubliez pas le CW sur les réponses pour laisser les autres gens chercher.)

As someone who is totally blind, the Fediverse is the only place where I have ever been able to follow people such as photographers, artists, or even those who post pictures of their cats or the food they ate. The reason is that most of them use alt text. They take the time to describe the images that my screen reader can't recognise. Some write the descriptions themselves, and others use tools such as altbot. Some worry that their descriptions aren't good enough, especially when they are new at this. Let me assure you, not only are they good enough, they are extremely appreciated! If the rest of the world thought as you did, it would be a much better place. Don't hesitate to ask if you're unsure of something, but never think that we don't notice your effort.

#appreciation #accessibility #altbot #alttext #blind #blindness #fediverse #gratitude #images #inclusivity #peoplewhocare #pictures #technology

C'est vendredi, c'est vulga, c'est #Vulgadredi ! Pour le #VendrediVulga de cette semaine, on va donc rester encore un peu sur la biologie, et même y plonger sacrément plus profondément, puisqu'on va aller explorer un peu ce qu'il y a dans nos cellules. Ça permettra d'utiliser quelques captures d'Il était une fois la vie histoire de simplifier la mienne sur les illustrations.

Donc, la semaine dernière, nous avons parlé d'hérédité, et fait connaissance avec cette fameuse molécule d'ADN. Même si on n'a découverte la molécule elle-même que longtemps après les lois de l'hérédité, parce que quand même, ça demande du bon matériel tout ça. Mais à part l'ADN, de quoi sommes-nous constitués ? Consacrons-y les maintenant habituels seize pouets.
Capture d'écran du dessin animé Il était une fois la vie, que finalement je n'aurais pas utilisé tant que ça parce que les images au microscope ça marche bien aussi (mais j'en ai quand même pris pas mal, vous verrez à la fin du thread). On voit ici un bout du générique, plusieurs bulles d'oxygène personnifies sur une feuille d'arbre avec le titre qui s'affiche.

Première audience à la .

Premier bilan de ce qui me marque, là, à chaud.

Trois juges : tous blancs.
Une rapporteuse : racisée.
Une greffière, racisée.
L'avocate : racisée.
Une requérante : racisée.
À l'entrée :,un service de sécurité, que des racisés.

Un public nombreux racisé, une douzaine de personnes.

À l'exception de moi-même, et trois autres jeunes femmes, probablement étudiantes.

Suite des aventures des Thébains et Thébaines ce soir

@paul_denton Gérald Bronner qui, dans son rapport sur la désinformation (et dans la promotion médiatique qu'il en faisait) il y a quelques années, déformait complètement les données des études qu'il citait et donc faisait lui-même de la désinformation, comme l'avait à l'époque relevé @bunkerd. Encore un truc qui promet.

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