Le Livre d'Argent

C'est vendredi, c'est vulga, c'est #Vulgadredi ! Pour le #VendrediVulga de cette semaine, on va donc rester encore un peu sur la biologie, et même y plonger sacrément plus profondément, puisqu'on va aller explorer un peu ce qu'il y a dans nos cellules. Ça permettra d'utiliser quelques captures d'Il était une fois la vie histoire de simplifier la mienne sur les illustrations.

Donc, la semaine dernière, nous avons parlé d'hérédité, et fait connaissance avec cette fameuse molécule d'ADN. Même si on n'a découverte la molécule elle-même que longtemps après les lois de l'hérédité, parce que quand même, ça demande du bon matériel tout ça. Mais à part l'ADN, de quoi sommes-nous constitués ? Consacrons-y les maintenant habituels seize pouets.
Capture d'écran du dessin animé Il était une fois la vie, que finalement je n'aurais pas utilisé tant que ça parce que les images au microscope ça marche bien aussi (mais j'en ai quand même pris pas mal, vous verrez à la fin du thread). On voit ici un bout du générique, plusieurs bulles d'oxygène personnifies sur une feuille d'arbre avec le titre qui s'affiche.

2/16 Commençons par situer un peu. Une cellule, c'est donc plus ou moins l'unité de base du monde vivant : un milieu intérieur spécifique, séparé du monde extérieur par une membrane. Mais cette séparation n'est pas stricte : pour vivre, nous avons besoin d'échanger avec notre environnement, et donc la membrane peut laisser plus ou moins passer certaines choses.

Si nous sommes constitués d'un grand nombre de cellules, initialement des copies les unes des autres puis spécialisées pour assumer différents rôles au sein de notre organisme, d'autres formes de vie ne sont constituées que d'une cellule unique. C'est le cas des bactéries que nous avons évoquées à plusieurs reprises, mais également d'autres formes de vies, comme les paramécies.
Paramécie vue au microscope. On voit clairement la délimitation entre la cellule et le milieu extérieur, et on peut distinguer un certain nombre de zones circulaires au sein de la cellules qui sont elles-mêmes délimitées du reste, qui sont les organites dont nous allons parler plus bas.

3/16 La caractéristique fondamentale du vivant est sa capacité à se reproduire. À l'échelle d'une cellule, cette capacité consiste donc à recopier tout ce que contient le milieu interne de la cellule, notamment (mais pas seulement) le matériel génétique, puis à isoler les deux moitiés l'une de l'autre par une nouvelle membrane.

Au cours de la recopie peuvent survenir des erreurs, qu'on appelle des « mutations ». La plupart sont problématiques, gênant le fonctionnement du tout, mais certaines peuvent amener des changements neutres, voire bénéfiques : c'est le moteur de l'évolution, sur lequel la sélection naturelle va jouer.

Et ça finit par former des trucs assez différents pour qu'on puisse leur donner des noms et appeler ça « espèces », avec tous les problèmes que ça pose, on en parlait il y a deux semaines : https://fadrienn.irlnc.org/notice/Az4eUNTUYDyCWntqim

4/16 Une de ces mutations, apparue il y a au moins un milliard et demi d'années, mais probablement beaucoup plus, a conduit à changer l'organisation interne de nos cellules : alors que, chez les bactéries, l'ADN se trouve en vrac au milieu du reste, il est chez nous rangé dans un compartiment spécifique, appelé « noyau cellulaire ».

Cette caractéristique est ce qui donne naissance au domaine des eucaryotes, l'un des trois grands domaines du monde vivant (les deux autres étant les bactéries et les archées, mais on en reparlera sans doute une autre fois). Les animaux, champignons et végétaux sont des eucaryotes, mais c'est le cas aussi d'un grand nombre de formes de vies unicellulaires, comme les paramécies évoquées plus haut.
Capture d'écran du documentaire Espèces d'espèces, montrant une comparaison entre deux sortes de cellules : celles d'un végétal (à droite), et celles d'un animal (à gauche), plus précisément des cellules de l'épiderme d'un être humain. Si les formes et les couleurs sont différentes, on remarque quand même que les deux possèdent une zone spécifique assez identifiable qui est ce fameux noyau cellulaire.

5/16 Au sein de ce noyau, l'ADN est la plupart du temps en vrac. C'est en fait surtout au moment où la cellule recopie son matériel et se divise qu'on voit apparaître les « chromosomes », ces brins d'ADN en nombre précis (23 paires chez nous qui sommes diploïdes) qui portent les gènes.

Ces chromosomes ont une structure très caractéristique en double hélice, comme l'avait découvert Rosalind Franklin, au sein de laquelle vont s'enchaîner une succession de bases azotées, groupées par paires, et qui codent l'information génétique, comme nous allons y revenir très bientôt.

Si vous ne savez pas ce que veut dire « diploïde », ou que vous pensiez que cette découverte était due à Watson et Crick, c'est probablement que vous avez loupé le thread de la semaine dernière : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AzJ7XthgnYWeEl0gwS

6/16 Mais le noyau n'est pas le seul compartiment spécifique au sein d'une cellule eucaryote. Ainsi, chez la plupart des végétaux, on trouve aussi dans certaines cellules des chloroplastes, qui contiennent eux aussi une molécule caractéristique : un pigment vert appelé chlorophylle.

Ce pigment permet de capter plutôt bien la lumière de notre Soleil, et permet donc aux chloroplastes d'être l'endroit où la lieu la photosynthèse, cette réaction qui, à partir du CO₂ capté dans l'air et d'eau, en utilisant l'énergie lumineuse, produit des sucres qui sont ensuite à la base de la plupart des chaines alimentaires sur Terre.
Vue au microscope d'un tissu végétal. On distingue un certain nombre de cellules, et à l'intérieur, des zones circulaires qui correspondent aux chloroplastes réalisant la photosynthèse. La chlorophylle donne à l'ensemble une couleur verte assez prononcée.

7/16 D'autres compartiments spécifiques (le terme approprié est en fait « organites »), qu'on retrouve cette fois chez la plupart des eucaryotes, sont les mitochondries. Elles sont impliquées dans plusieurs activités cellulaires, mais l'un de leur rôles principaux se trouve dans la production d'ATP (adénosine triphosphate), la molécule qui fournit l'énergie requise pour la plupart des réactions cellulaires.

Les mitochondries ont par ailleurs une structure qui ressemble beaucoup à celle d'une bactérie ou d'une archée. On pense que ce n'est pas un hasard : ces organites sont probablement issues de cellules autonomes qui auraient été incorporées aux cellules eucaryotes. Probablement une sorte de parasitisme à la base, qui serait avec le temps devenu une relation à bénéfice mutuel.
Vue de deux mitochondries au microscope électronique, trouvée sur Wikimédia Commons. Il s'agit de deux petites formes qui se détachent nettement de leur environnement, et à l'intérieur desquelles on peut distinguer quelques structures. Sans contexte, on pourrait effectivement se dire qu'on est face à deux cellules dans leur milieu extérieur, mais ce qui tient lieu de milieu extérieur est ici l'intérieur d'une autre cellule.

8/16 Et je peux donc enfin poser ici la note de bas de page qui était restée en suspend dans le thread de la semaine dernière : (∗) au cours de la reproduction sexuée, chaque parent amène la moitié du matériel génétique qui sera présent dans le noyau de nos cellules ; mais les spermatozoïdes n'apportent environ que cette partie-là. Tout le reste de ce qui constituera la cellule-œuf est fourni par l'ovule, y compris donc les mitochondries.

Or, ayant elles-mêmes la structure d'une cellule, les mitochondries possèdent leur propre ADN. Une partie de notre matériel génétique n'est donc fourni que par un seul des deux parents, la mère, sans la phase de recombinaison et de mélange qui a lieu pour l'ADN du noyau. L'ADN mitochondrial raconte donc une histoire généalogique un peu différente, puisque les mâles y sont invisibles.
Schéma d'une mitochondrie mettant en avant la présence d'ADN à l'intérieur, trouvé sur Wikimédia Commons. On voit la structure d'une mitochondrie, ressemblant à celle de l'image précédente (mais ici plus allongée), zoomée depuis le schéma d'une cellule eucaryote où l'on voit le noyau et quelques organites ; et à l'intérieur de la mitochondrie, plusieurs anneaux sont mis en évidence, qui sont des molécules d'ADN (un zoom sur quelques unes d'entre elles montrent la structure en double hélice). Le fond de l'image est un mur de texte constitué des lettres identifiant les bases azotées, A, C, T et G, ce qui est quand même un peu exagéré.

9/16 Mais il reste encore plusieurs autres organites intéressants au sein de nos cellules, dont certains qui ont probablement une histoire assez différente : les ribosomes. Ce sont eux qui convertissent l'information génétique en quelque chose d'utile pour l'organisme, en produisant des protéines, c'est-à-dire des molécules aux formes complexes qui assurent tout un tas de fonction différentes au sein de nos cellules (et parfois même au delà).

Comme l'ADN, les protéines sont des « macromolécules », constituées d'un certain nombre de molécules plus petites qui s'enchaînent dans un ordre précis. Pour l'ADN, ces molécules plus petites sont des bases azotées ; pour les protéines, ce sont des acides aminés. Ce nom vous dit peut-être quelque chose si vous avez lu mon thread sur les comètes, puisqu'on s'est rendu compte qu'on en trouvait dans leur composition.

Ça ne veut pas dire qu'il y a de la vie dans les comètes, hein, mais retournez lire là-bas si besoin : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AwyBqt6c4qOUfKUKjQ

10/16 La différence fondamentale entre l'ADN et les protéines, faisant que l'un ne fait que coder l'information tandis que l'autre joue un rôle pratique dans l'organisme, est leur forme : quel que soit l'enchaînement de bases azotées qui la composent, l'ADN reste toujours un simple filament d'information. Au contraire, la disposition des acides aminés va conduire la protéine à adopter une forme spécifique, qui la rendra capable d'effectuer certaines tâches.

La façon dont l'enchaînement des acides aminés joue sur la forme des protéines est assez complexe, c'est un champ de recherche actif et assez intéressant. On a entre autres tenté de mobiliser des réseaux de neurones et de l'apprentissage machine là-dessus, on a obtenu quelque chose qui pliait très bien les molécules, mais qui n'apportait rigoureusement aucune aide pour comprendre le phénomène, donc pas glop.

Il semble par contre être plus intéressant de mobiliser plutôt ici l'intelligence collective, donc, si vous voulez participer, voyez par là : https://foldingathome.org/

11/16 Comment fonctionnent les ribosomes pour produire une protéine à partir de l'information génétique ? Déjà, chez nous autres eucaryotes en tout cas, ils n'utilisent pas de l'ADN, mais de l'ARN. Il s'agit d'une molécule assez proche, mais légèrement différente : les quatre bases de l'ADN sont l'Adénine, la Cytosine, la Guanine et la Thymine ; dans l'ARN, cette dernière est remplacée par l'Uracile. L'ARN est produite dans le noyau et envoyée vers le reste de la cellule, ce qui évite de risquer d'abimer l'ADN si on le sortait de là directement.

Ensuite, donc, le ribosome parcourt la molécule d'ARN et assemble les acides aminés les uns après les autres en fonction des bases qu'il rencontre. Il s'agit d'une simple opération de conversion, un peu comme pour passer de l'alphabet classique à du morse ou réciproquement. Il y a beaucoup plus d'acides aminés différents que de bases azotées, mais chaque succession de trois bases correspond à un acide aminé précis… sauf les quelques combinaisons qui ne correspondent à rien et indiquent donc l'endroit où la conversion s'arrête.
Capture du dessin animé Il était une fois la vie dans lequel on voit un ribosome, ici représenté comme une sorte de machine d'usine qui récupère l'ARN messager en provenance du noyau et assemble les protéines à partir de là. Dans la vraie vie, il me semble que le ribosome est proportionnellement plus petit et que c'est lui qui se déplace sur l'ADN, mais je ne suis pas sûr.

12/16 Une grosse partie de l'activité de nos cellules est donc d'assembler des protéines, qui vont aller effectuer ce dont on a besoin. Mais il reste encore tout un tas d'autres choses dont je n'ai pas parlé, évidemment. Parmi nos organites se trouvent par exemple aussi les lysosomes, qui gèrent la digestion intra-cellulaire, contenant pas mal d'enzymes qui décomposent les macromolécules en constituants séparés (qui seront ensuite éjectés hors de la cellule, ou réutilisés pour assembler d'autres molécules).

Décrire le reste de notre fonctionnement cellulaire nécessiterait cependant de plonger beaucoup plus loin dans les détails, et sans doute aussi de sortir pas mal de mon domaine de compétences, donc on va se contenter de ce petit aperçu de la façon dont fonctionnent les cellules qui nous composent. Avant de terminer ce thread, cependant, on va quand même dire quelques mots sur quelques unes des bizarreries du monde qui nous entoure.
Capture du dessin animé Il était une fois la vie, dans lequel on voit, au milieu de la cellule, un lysosome, représenté sous la forme d'une sorte d'ananas creux (dans lequel des portes s'ouvrent sur certaines animations, mais ce n'est pas visible ici). Les lysosomes sont peu montrés dans la série, mais on nous explique qu'ils servent à décomposer les sucres et matières grasses, et on nous les montre à plusieurs reprises participer à la défense cellulaire en digérant des virus et autres envahisseurs.

13/16 Et on va commencer par les virus. Ils ressemblent un peu à des cellules, mais dans lesquelles il n'y aurait aucun des organites dont nous venons de parler (ni pas mal de ceux dont on n'a pas parlé non plus). Une membrane extérieure, et du matériel génétique à l'intérieur (qui peut être de l'ADN ou de l'ARN selon le type de virus), mais pas grand chose de plus.

Les virus ne sont donc pas capables de se reproduire par eux-mêmes. Pour se reproduire, ils ont besoin de parasiter les cellules d'autres êtres vivants, donc d'entrer à l'intérieur et d'injecter leur propre matériel génétique à la place de celui de la cellule-hôte pour qu'elle se mette à fabriquer des virus à la place de son activité habituelle. Pour cette raison, considérer les virus comme des êtres vivants ou pas fait débat : quand on dit que le vivant est caractérisé par sa capacité à se reproduire, on sous-entend généralement « de façon autonome ».
Capture du dessin animé Il était une fois la vie, dans lequel on voit un groupe de virus, représentés par des sortes de petits vers avec une tête typique de méchant de dessin animé, en train de se glisser à l'intérieur d'une cellule. Dans l'un des autres épisodes, on les voit injecter leur ARN dans un ribosome, mais toutes les captures que j'ai utilisé ici proviennent de l'épisode « la planète cellule » dans lequel cette séquence n'apparaît pas, donc j'ai pris celle-ci à la place.

14/16 Au rayon des bizarreries, on peut également évoquer un myxomycète (une branche des eucaryotes qu'on a longtemps considérée comme proche des champignons, mais qui semble en fait en être un peu plus éloignée que ce qu'on croyait) appelé Physarum polycephalum, et surnommé « le blob ».

Il s'agit d'une forme de vie composée d'une seule cellule, mais qui présente la caractéristique d'être visible à l'œil nu, et pas seulement au microscope : si l'écrasante majorité des cellules eucaryotes font quelques dizaines de micromètres (les bactéries et archées étant généralement encore un peu plus petites), celle-ci a en effet grossi bien davantage, ce qui en fait un sujet d'étude assez intéressant.
Culture d'un blob en laboratoire, dans une boîte de Pétri. On voit la forme circulaire de la boîte, et à l'intérieur, une matière jaune qui se développe.
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15/16 Et puis, on peut trouver aussi quelques bizarreries au sein même de nos organismes. Ainsi, les globules rouges (« érythrocytes » de leur nom scientifique, apparemment) qui transportent l'oxygène et le dioxyde de carbone dans notre sang, sont dénuées de noyaux. Il s'agit pourtant de cellules de notre organisme, que nous produisons nous-mêmes, contrairement aux bactéries que nous hébergeons dans nos estomacs, mais qui ne présentent pas cette caractéristique pourtant fondamentale pour les eucaryotes que nous sommes.

L'activité d'un organisme entier comme le nôtre est en effet tellement complexe qu'elle nécessite un grand nombre de spécialisations différentes, faisant que nos cellules ont en pratique des formes et des fonctions très différentes, même si tout provient du même matériel génétique. Quand on descend assez dans le détail, la notion même d'« individu » peut commencer à poser un peu question.
Capture d'écran du dessin animé Il était une fois la vie, dans lequel on voit les trois globules blancs récurrents (Hémo et Globine, nommés d'après une des molécules principales qui les composent, et Maître Globus) en train d'amener de l'oxygène aux autres cellules de l'organisme par un vaisseau sanguin. C'est une séquence très récurrente au cours du dessin animé, ce qui est plutôt logique puisque c'est un mécanisme absolument essentiel à notre vie.

16/16 Mais on gardera probablement ce genre de questionnements pour une prochaine fois. Il y a encore énormément de trucs super intéressants à dire concernant la biologie et l'évolution, mais je pense que j'ai fait le tour de ce que j'avais en tête pour cette session-ci. Je vais probablement revenir à l'astronomie la semaine prochaine, on avait laissé quelques sujets en attente.

En tout cas, j'espère que ces threads continuent de vous plaire autant (j'ai eu moins de réactions sur les derniers, donc n'hésitez pas à me faire des retours, ou juste à liker/partager, c'est toujours mieux de savoir que je ne tape pas tout ça dans le vide) ; et si vous avez des sujets à me suggérer, n'hésitez pas non plus, je verrai ce que je peux en dire pour les prochaines fois :-)
Capture d'écran du dessin animé Il était une fois la vie, dans lequel on voit un zoom sur la molécule d'ADN. Environ tout dans le dessin animé étant anthropomorphisé, les bases azotées sont représentées par de petits personnages jaunes avec les lettres A, C, T ou G sur leur ventre. L'image montre par ailleurs que l'ADN est constitué en paires de bases, en miroir sur chacune des deux hélices : un A est toujours lié à un T, et un G à un C, ce que nous indique les formes de têtes de ces personnages qui s'imbriquent les unes dans les autres.