"S'écharper"
"Différend"
"Altercation"
"Dispute"
Ces mots suggèrent, même sans justifier l'homicide, une forme d'équivalence ou de neutralité entre les points de vue ou les motivations. S'il n'y avait pas eu meurtre, on en ressortirait clairement avec l'impression d'une incompréhension mutuelle et/ou d'une responsabilité partagée.
Tous les jours où je fais du vélo, des automobilistes enfreignent le code de la route et me mettent en danger en ce faisant.
En général, il s'agit de refus de priorité et de dépassements dangereux, parfois de choses plus subtiles (exemple d'hier : s'arrêter sur la mauvaise file au feu rouge pour pouvoir me dépasser par la droite quand ça passe au vert).
Ça n'a jamais occasionné d'accident, parce que j'anticipe que les conducteurs autour de moi vont agir de manière agressive et irrationnelle.
Néanmoins, chaque fois que je monte sur mon vélo, je sais que je risque d'être renversé par quelqu'un qui a considéré que les vélos n'ont pas leur place sur la route.
Je ne parle même pas des infractions que je constate en tant que piéton (rappel que les piétons sont TOUJOURS PRIORITAIRES une fois engagés sur un passage piéton, et que si un passage piéton n'est pas en feu rouge les voitures doivent s'arrêter pour laisser traverser les piétons qui sont à MOINS DE DEUX METRES du passage piéton).
Concrètement, la plupart des automobilistes sont aussi piétons, ce qui je pense explique que même quand il y a refus de priorité, l'agressivité est moindre face à la présence d'une non-voiture sur la route, que quand je suis à vélo.
Le problème n'est pas l'infraction au code de la route en soi. Les piétons, les cyclistes, les trottinettes, enfreignent régulièrement le code de la route, et la courtoisie et l'anticipation sont de mise pour tout le monde surtout quand les équipements sont mal conçus.
Il y aurait moins de cyclistes sur les trottoirs si les rues n'étaient pas remplies de machines mortelles que certains des conducteurs dédient à l'anéantissement de ceux qui ne sont pas leurs pairs.
Le problème est donc le danger, constant, que représentent les infractions au code de la route quand elles sont commises au volant de véhicules de plus d'une tonne capables de maintenir une vitesse de 160 km/h.
Les rapports de force entre une voiture et un vélo ou un piéton sont tellement grands qu'ils entraînent nécessairement une déshumanisation. Or, là où la raison voudrait que ce soit la machine qui soit privée de personification, ce sont les cyclistes qui sont vus comme des nuisibles.
On écrase un cycliste sur sa route comme on écrase un scarabée sur son passage : par sentiment de puissance et par volonté d'extermination.
Il n'y a qu'à constater la violence avec laquelle on parle des cyclistes quand il y a des consultations publiques sur l'aménagement urbain.
La réaction de l'automobiliste dans le fait divers en question démontre, s'il en était encore besoin, à quel point la personification des automobiles, et l'identification d'un conducteur à sa voiture, sont fortes, et dangereuses.
Dans des contextes moins sordides, observez par exemple, après une tempête de grêle, la manière dont les gens vont vous parler des dégâts à leur voiture et à leur maison, alors qu'ils passent 5 fois plus de temps dans leur maison, qui coûte 10 fois plus cher.
@elzen @quota_atypique J'hésite toujours à en parler comme ça, d'une part parce que je suis un mec (et que donc je trouve ça gonflé de comparer ma propre situation au sexisme), et d'autre part parce que ça s'éteint dès que je descend de mon vélo, là où le sexisme est constant.
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