Débat sur l'IA de Raphaël Enthoven VS Monsieur Phi : Mon point de vue après avoir visionné les deux-tiers de la vidéo.
Sur la forme : Thibaut Giraud n'est pas à l'aise avec l'exercice du direct. Il cherche ses mots. Il produit parfois des attaques ad hominem, s'impatiente, coupe la parole. En face de lui, Raphaël Enthoven, très courtois et poli, déploie sa verve brillante et verbeuse, habitué qu'il est du discours oratoire et des plateaux télés.
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Sur le fond : A plusieurs reprises Thibaut Giraud a tenté de construire un argumentaire concret, de poser des questions simples et directes à Raphaël Enthoven. Avec notamment l'expérience de pensée fonctionnaliste à laquelle il s'est prêté. A chaque fois, Raphaël Enthoven a éludé les questions et les arguments, citant les grands auteurs et usant de l'art dilatoire pour in fine ne pas répondre. Raphaël Enthoven a fui toute prise de position, a cherché à inverser la charge de la preuve sur Thibaut Giraud, a rejeté tous les arguments concrets, matérialistes ou objectivables pour rester dans sa verve abstraite habituelle.
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In fine, qu'ai-je compris du discours de Raphaël Enthoven ? Rien. Qu'a-t-il dit ? Je ne sais pas.
Il y a deux possibilités. La première, c'est que je ne suis pas habitué à la dialectique philosophique, et n'ai donc pas compris le propos de Raphaël Enthoven. La deuxième, c'est que derrière son vernis d'instruction savante, le discours de Raphaël Enthoven est vide. Vide d'arguments, vide d'analyse, vide de réalité.
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Mon point de vue est le suivant : quand on cherche à dissimuler le fond par la forme, quand, de manière répétée et pendant deux heures, on se réfugie derrière les grands auteurs en fuyant sans les traiter les arguments du contradicteur, en rendant le discours inintelligible au commun des mortels, c'est problématique. Pour moi Raphaël Enthoven était dans la pensée magique du début à la fin.
Quelques exemples : Refus d'affirmer clairement s'il était fonctionnaliste ou non, refus de clarifier sa pensée sur la notion de spiritualité.
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Voici le seul argument de Monsieur Enthoven que j'aie vraiment compris (et ce que j'en ai compris) : Il affirme que tout n'est pas explicable, et il en déduit donc que l'homme ne peut se réduire à un simple fonctionnalisme, que son intelligence est "quelque chose de plus" que simplement des mécanismes physico-chimiques.
C'est amusant, parce que je fais du même constat la conclusion inverse : Tout n'est pas explicable parce que notre intelligence est limitée, ce qui nous empêche de percevoir et comprendre certains pans du réel au delà d'un certain niveau de complexité et d'abstraction.
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Ce qui implique que l'esprit humain n'a rien d'exceptionnel : il est seulement un esprit animal plus développé que les autres esprits animaux. Ainsi, dans ma vision à moi, que nous ne soyons pas capables de comprendre et d'analyser notre propre intelligence est justement le marqueur des limites de l'esprit humain, plutôt que l'indice d'une forme de supériorité de l'esprit humain sur d'éventuelles consciences artificielles qui pourraient émerger à l'avenir.
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Même si dans la forme il n'était pas à l'aise, pas toujours clair, M. Giraud m'a convaincu de l'imposture de M. Enthoven sur le sujet de l'IA. Plus généralement, le comportement de M. Enthoven pendant le débat, aussi policé ait-il été, m'a semblé intellectuellement... discutable. J'ai eu le sentiment d'une esquive et d'une prestidigitation permanentes de la part de M. Enthoven pendant ce débat.
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@mathieubaiget Merci pour ce compte rendu, pour ma part après tout ce que j'ai pu lire d'Enthoven j'aurai tendance à le considérer comme le genre d’extrémiste de plateau avec qui il vaut mieux refuser le débat. Content que M. Phi s'en soit pas trop mal sorti...
@cffiegel il ne me fait pas l'effet d'un extrémiste.
Il me fait l'effet de quelqu'un qui reste dans la figure de style : il crée des raisonnements intellectuels flamboyants qui s'appuient sur des postulats non vérifiés. Toutes ses circonvolutions intellectuelles sont construites sur des sables mouvants, parce que tous ses postulats de départ sont basés sur... ses certitudes, ses croyances, sur de la pensée magique. En tout cas dans ce débat.
Plus généralement, j'ai beaucoup de mal avec les gens qui citent à tout va de grands auteurs sans être capables de construire un raisonnement par eux-mêmes. Ça ressemble à des arguments d'autorité, et je déteste ça.
@mathieubaiget @cffiegel y'a beaucoup de:
> R.E dit un truc peu clair sur la pensé, les émotions.
> T.G tente une critique logique, un demande de clarifier la définition.
> R.E "mais enfin, c'est bergson quand même".
🤷♂️
Ce que j'en ressort comme impression, c'est que pour Enthoven, la philosohie est une pratique qui se fait pour elle même, comme expérience de vie, et si les gens en font plus, c'est mieux par ce que c'est une bonne chose à faire pour des humains. La philo n'est pas l'objet.
@mathieubaiget @cffiegel et que de la même façon, la machine ne peut pas penser, par ce que penser, c'est ce que fait un humain (voir plus généralement un animal), le fait que la machine puisse émuler une tâche qui semble être du domaine de la pensé n'y change rien, comme c'est une machine, ça ne peut pas en être, ça ne peut être qu'un artifice, il manquera forcément quelque chose (d'indéfinissable), pour que s'en soit. 🤷♂️
@mathieubaiget @cffiegel Quand R.E parle des émotions, des sentiments, des intuitions, il veut faire appel à tout ce qui n'est pas de l'ordre du rationnel, et que donc la machine ne peut pas émuler (étant une méchanique froide).
Mais de l'autre, il prétend être materialiste et ne pas vraiment croire au libre arbitre, et que donc toutes nos actions sont les effets de causes rationelles.
Bref, c'est confus, il est érudi, mais il aime plus les belles phrases que les idées claires.
J'ai trouvé particulièrement croustillant, sur la fin du débat, sa façon d'affirmer que (je paraphrase de mémoire), « oui on a plus de questions qu'avant, oui on les comprend plus finement, mais quand même on ne peut pas appeler ça du progrès. » Ben c'est quoi un progrès alors ?
Par contre, il me semble qu'à un moment il a clairement dit qu'il n'était pas fonctionnaliste (tout en étant d'accord avec la manière de monsieur Phi de présenter le fonctionnalisme, et après avoir déclaré que s'il avait su que le débat porterait là-dessus, il aurait cherché un peu ce que c'était, alors que c'était au cœur de la critique de monsieur Phi qu'il essayait de disqualifier comme hors sujet, ce qui est quelque part assez savoureux).
Mais je pense qu'au delà du fonctionnalisme, un des points importants que le débat a montré est que, malgré les tentatives plus ou moins adroites de monsieur Phi d'expliquer ça, Enthoven n'arrive pas à saisir le concept de « réfutabilité », ce qui tend sans doute à expliquer pourquoi, en effet, ses affirmations sont « soit fausses, soit vides ».
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@elzen @cffiegel @mathieubaiget pour la réfutabilité, je pense en effet qu'il y a quelque chose par là, quand il dit que tous les philosophes sont contemporains, et se répondent à travers les âges (dans les deux sens!) il semble indiquer qu'ils donnent tous des points de vues sur les mêmes questions, et qu'on peut un peu choisir ce qui nous correspond le mieux, mais qu'un n'a pas plus raison qu'un autre, d'où l'absence de "progrès".
Mais c'est vraiment très étonnant comme vue.
Je veux dire, il a l'air d'avoir eu sincèrement beaucoup de mal à comprendre la différence entre « monsieur Phi défend qu'il n'y a pas d'impossibilité a priori pour une machine de penser, que ce soit le cas présentement ou pas » et « monsieur Phi pense que présentement les machines pensent ». Il y a eu aussi ce moment assez lunaire sur la question du progrès en philo où il n'a pas pu s'empêcher de revenir plusieurs fois à « est-ce que vous pensez qu'on est de meilleurs philosophes que X ? », alors que monsieur Phi avait assez bien désamorcé le truc en demandant si les scientifiques de maintenant étaient de meilleurs scientifiques qu'Einstein. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, mais je pense qu'il y manque quelques éléments importants pour arriver à formuler une réflexion qui tienne la route sur ces sujets.
@elzen @cffiegel @mathieubaiget à ça il répond un truc un peu abscon "une porte est ouverte ou fermé", signifiant je pense que même si on ne sait pas, il faut décider si la machine pense ou pas (et pas seulement en pratique, aujourd'hui, mais en théorie pour toujours). Il pense peut être que le rôle de la philosophie est de répondre (de façon absolue) à des questions que la science ne peut pas, en affirmant des principes donnant une vision du monde dans laquelle les choses sont vraies ou fausses
Mais on pourra sans doute me reprocher à juste titre d'avoir une connaissance de Bergson particulièrement limitée.
@elzen @cffiegel @mathieubaiget d'où l'épique réplique de Mr Phi "vous mettez votre je ne sais quoi dans tous les trous" 😆
@elzen @cffiegel @mathieubaiget oui, pareillement, j'essaye de comprendre son point de vue, mais ça m'est vraiment étranger, donc je le trahi sans doute en essayant de l'expliquer.
@tshirtman @elzen @mathieubaiget en début de conversation j'avais évoqué le piège que constitue souvent une discussion avec un extrémiste. Peut on vraiment philosopher avec quelqu'un qui appuie ce genre d'opinion : https://mastodon.social/@StephenSevenair/113226495918642631