Ce dimanche, on résume le livre III d'Ab Urbe Condita de Tite-Live !
Dans l'épisode précédent, patriciens et plébéiens se disputaient sur des lois de redistribution des terres. Comment la lutte sociale va-t-elle évoluer ? Rome est-elle à l'abri d'une petite tyrannie de plus ? Et ce livre va-t-il contenir l'une des légendes les plus authentiquement patriarcales que j'ai pu lire CW CW CW ?
Tite-Live, livre III, un THREAD ⬇️
#MythologieRomaine #EnfinHistoireRomaine #EnfinOnSaitPasTrop
Mais avant toute chose, vous pouvez retrouver les épisodes précédents ici :
> livre I, épisode 1 : fondation(s)
https://mastodon.top/@hist_myth/112792214027813066
> livre I, épisode 2 : révolution
https://mastodon.top/@hist_myth/112831548405415415
> livre II, épisode 1 : sécession
https://mastodon.top/@hist_myth/112916453684941402
> livre II, épisode 2 : agitation
https://mastodon.top/@hist_myth/112944904603090808
Donc ! Nous sommes vers 467 avant notre ère, et pour faire la transition avec le livre II Rome débat d'une loi agraire, vous savez, ces lois de redistribution des terres que prônent les tribuns, représentants de la plèbe jugé sacrosaints (= si vous les touchez la plèbe vous *démonte*). Un consul est pour, les patriciens grognent que c'est trop démago, et l'autre consul propose de distribuer des terres d'Antium, qu'on vient de conquérir sur les Volsci. Motion adoptée.
Les Romains, ça leur plaît moyen d'aller à Antium, genre on distribue des maisons gratos aux habitants du 9-3 sauf qu'elles sont à Guéret, 2-5. Il y a donc peu de plébéiens qui en profitent, ce qui fait soupirer Tite-Live sur l'inconstance humaine.
Car, j'en profite pour le rappeler, Livounet va nous décrire la lutte entre patriciens et plébéiens avec un parti pris un peu curieux, plutôôôt pro-patricien (mais pas toujours).
Autre invariant : Rome est toujours en guerre avec ses voisins.
C'est un feu roulant de luttes contre les Aequi, les Volsci et les Sabini (cf. carte ci-dessous), et pour simplifier ce thread je vous propose de résumer/sauter les récits de bataille, sauf quand ils sont cool, bien entendu.
Exemple : 465-464, baston avec les Aequi, gagnée par le consul Quinctius.
463 : pillages des Aequi et des Volsci chez les Hernici et sur le territoire romain, Rome ne peut riposter à cause d'une grosse épidémie.
462: baston avec les Aequi et Volsci et victoire romaine +++.
Cependant, un tribun de la plèbe, Caius Terentilius Harsa, arriva un beau jour de 462, alors que le consul Lucretius finissait sa grosse victoire sur les Aequi.
– Bonjour, je suis Terentilius, et j'ai un projet de loi, la loi Terentilia.
– Bonjour, nous sommes les patriciens, c'est quoi ta loi ?
– Vous savez comment vous patriciens vous êtes les seuls à connaître le droit à Rome et donc à rendre la loi et à définir les pouvoirs des magistrats ?
– Hum hum, on voit pas le problème.
– Ben je propose qu'on nomme 5 gens qui vont écrire et publier le droit.
– Ah.
– Et qu'ils réglementent le pouvoir des consuls, qui est trop abusé.
– Ah.
– Et pendant que les consuls sont partis guerroyer, je vais tenir des discours incendiaires en public à ce sujet, à en faire paraître Méluche et Chikirou pour Bayrou et de Courson.
– Ah.
– Ca vous va si je fais voter par l'assemblée du peuple ma loi qui a 99,99 % de chances de passer ?
– Tu préfères pas qu'on ait tous piscine ce jour-là ?
Le projet de loi Terentilia, énorme pavé dans la mare, déclenche une réaction patricienne extrêmement violente. Les patriciens accusent les tribuns de piège, de trahison, de vouloir livrer la ville à l'ennemi. Et surtout, pendant presque DIX ANS, ils usent de tous les prétextes pour empêcher la loi d'être votée. Ils obligent à attendre le retour des consuls. Ils obligent à attendre le triomphe d'un consul vainqueur. Ils prétextent des prodiges qui interdiraient tout trouble politique.
Ils parlent, bien sûr, d'attaques des Aequi et des Volsci, de possible sécession de la colonie d'Antium, et que ce soit vrai ou faux les tribuns de la plèbe font de l'obstruction aux opérations de recrutement, avec bagarresà la clé.
Tous les jours, les tribuns de la plèbe présentent la loi aux comices tributes.
Tous les jours, les patriciens font échouer le vote. Car ils ont un truc.
À Rome, on vote par groupe, ce qui implique que les électeurs se déplacent pour se répartir dans l'assemblée.
Quand les tribuns de la plèbe veulent soumettre leur loi au vote, les patriciens, surtout les plus jeunes, refusent de se lever, font de l'obstruction physique, et quand on veut les saisir de force, ripostent. À coups de poing.
Un jeune patricien, que Livounet décrit comme grand, fort, brave et beau, Kaeso Quinctius, est spécialiste de la castagne aristocratique.
C'est un peu la gueule de Gosling et le corps de Riner avec l'esprit du GUD.
Je suggère qu'on l'appelle KQ.
En face, les plébéiens ne sont pas en reste. Ils tiennent au projet de loi Terentilia et, en signe d'obstination, ils réélisent au poste de tribuns de la plèbe exactement les mêmes personnes pendant 5 à 6 ans, et notamment Aulus Verginius et Marcus "Volscius" Fictor.
Vivi et Fifi, si vous voulez.
Vivi commence à en avoir un peu marre de KQ et, usant de son pouvoir de tribun, il l'assigne en justice dans un procès politique. KQ y risque sa tête. Mais KQ s'en fout. Et castagne de plus belle.
Vivi en profite pour dénoncer publiquement l'attitude de KQ : si à son âge il fait déjà régner la violence, imaginez le jour où il deviendra consul ! L'argument porte, et KQ commence à comprendre que si ça continue, le tribunal populaire va l'envoyer à l'équivalent antique de la guillotine. Il commence à solliciter des appuis à droite à gauche, avec son papa Titus Quinctius Capitolinus trois fois consul, quand ! PLOT TWIST !
Marcus Fictor (Fifi) vient publiquement accuser KQ de meurtre !
KQ aurait frappé son frère convalescent d'une grave maladie lors d'une bagarre dans le quartier romain de Suburre, et son frère en serait mort !
Vivi bondit, et réclame la détention provisoire devant l'assemblée.
Émoi des patriciens.
– Héééé attendez, s'écrie le papa de KQ Titus Quinctius, le droit dit...
– On parle du droit qui n'est pas publié ?...
– ... qu'on ne peut pas faire violence à un accusé tant qu'il n'est pas jugé !
– Mais s'il s'enfuit ? Qu'il donne au moins des garanties.
On invente alors ad hoc un système de répondants, où chaque répondant s'engage à garantir que KQ se présentera au procès, et devra payer 3000 as de bronze dans le cas contraire. Les tribuns réclament au moins 10 garants : si KQ se fait la belle, sa famille devra payer 30 000 as, ce qui, flûte mazette saperlipopette, a l'air beaucoup.
Bien sûr, KQ s'enfuit de Rome avant le procès.
Et son papa paye.
Et sa famille est ruinée.
– Bon, chuchotent les jeunes patriciens, on a perdu notre secrétaire de la section locale du GUD, mais on peut encore empêcher la loi de passer. On va adopter la stratégie good cop bad cop. Quand les tribuns font voter n'importe quoi, on laisse pisser, on sourit, on est poli, on serre la main aux ploucs, on leur tape dans le dos, on demande des nouvelles de leur mamie Paulette. Quand ils présentent la loi Terentilia, on mord.
Cette stratégie est efficace : la loi Terentilia ne peut être votée.
460 : baston annuelle avec les Volsci et les Aequi.
Mais là crac boum ! on annonce soudain que le Capitole, la plus haute colline de Rome où se trouve le temple de Jupiter, est occupé par des ennemis !
Livounet nous parle d'un Sabin immigré à Rome, Appius Herdonius, qui aurait mené une rébellion d'esclaves et d'étrangers, aurait investi la ville et égorgé les hommes libres et esclaves qui lui résistaient, et appellerait à les révolte tous les esclaves.
– Par Jupiter, c'est donc ça le péril woke, s'étranglent les patriciens, et après des tergiversations (peut-on se fier à la plèbe ? aux autres esclaves ?), décident de lever des troupes pour écraser la rébellion. Ils commencent à filer des armes à la plèbe quand...
– Lever des troupes ? Mais si ça se trouve c'est un COMPLOT 🤨, réagissent les tribuns, pour empêcher le VOTE. Allez, on pose tous les armes, on vote !
– Raaah mais non, gémit Valerius, consul du moment, qui surgit sur le lieu du vote.
@hist_myth (ah bon, y'avait des "K" dans les noms romains ?)
@aaribaud Oui ! Devant les A. C'est une vieille orthographe qui a disparu au fil du temps. Ainsi on pouvait écrire Caesar ou Kaesar.
Valerius se fend alors d'un long discours moralisateur comme quoi c'est trahir la ville et les dieux que de voter à ce moment-là au lieu de se battre et que LUI il y VA et si on le suit pas il fera appeler ses LICTEURS pour la BASTON. Ca chauffe. La nuit tombe sans que la situation soit débloquée : la loi pas votée, le Capitole pas dégagé... Et c'est finalement la ville alliée/vassale de Tusculum qui, apprenant la chose, envoie des secours à Rome.
– Bon, fait le consul Valerius.
"Vous me connaissez, ma famille c'est celle de Valerius Publicola, on est tous amis du peuple. Alors vous me laissez dégager le Capitole, je vous fais un discours pour vous montrer que votre loi c'est cacaboudin, et après vous pourrez voter si vous voulez, promis juré croix de bois croix de lard si je mens je vais au Tartare.
– Dans ces conditions", fait la plèbe, et elle suit Valerius malgré les tribuns qui râlent.
Baston dans le Capitole. C'est épique. Et là, la boulette : Valerius est tué.
@hist_myth @aaribaud Oooooooh
@DoubleArobase @aaribaud (C'est en fait un usage qui existait aussi chez les Etrusques : écrire le son [k] avec C devant E ou I, K devant A, Q devant O ou U.)
La mort du chef est habilement cachée par les autres chefs, et le Capitole est repris, les rebelles tous exécutés, le péril woke étouffé comme dans les rêves les plus fous de Zemmour. On remercie les alliés de Tusculum et on purifie le temple, car les dieux n'aiment pas que leur maison soit toute rouge.
Cependant, après les funérailles de Valerius, la plèbe demande : "et alors ce vote ? on peut y aller ?"
– Wooola, fait l'autre consul, Caius Claudius, de la terrible antiplébéienne gens Claudia.
@hist_myth C'est ce K qui a survécu dans Kaiser, ou bien est-ce un "K germanique" qui a remplacé le C de "caesar" ?
@aaribaud Je pense que c'est un K germanique, ou plus exactement, l'orthographe de l'allemand étant très rationnelle, le son [k] est toujours transcrit par la lettre K.
Parce qu'attendez, avant de voter, on va d'abord élire un autre consul.
OK, on élit un autre consul.
Et là, les patriciens réussissent à faire élire Lucius Quinctius Cincinnatus.
Si ce Q vous dit quelque chose, c'est que Cincinnatus est de la gens Quinctia, la gens de KQ.
Oups.
C'est donc un Patricien Pur Jus qui est aux commandes de Rome, et d'emblée, il gueule sur les tribuns, ces extrémistes radicalisés qui ne rêvent que de pouvoir personnel... et sur le sénat pas assez sévère envers eux.
Non seulement il enterre la promesse de feu Valerius avec son auteur, mais il parle aussitôt de prendre la plèbe, déjà toute armée et recrutée, pour une campagne contre les Aequi et les Volsci. Les tribuns flairent un piège. Si le consul emmène le peuple hors de la cité, il pourrait tout à fait (c'est dans ses pouvoirs) y tenir des comices. Or, hors de Rome, les tribuns ne peuvent intervenir : Cincinnatus pourrait alors détricoter toutes les lois pro-plèbe, voire, se faire nommer dictateur.
Désespérés, les tribuns négocient un arrêt de la campagne militaire en échange d'un report du vote de la loi Terentilia. Encore.
– Okay, fit le sénat. Mais dans ce cas, Vivi, Fifi, et tous les autres, vous arrêtez de vous faire réélire.
– OK. Mais l'an prochain on aura d'autres consuls que Claudius le taré et Cincinnatus le facho.
– Autres consuls, autres tribuns. Deal.
L'année suivante, on élit d'autres consuls... et les mêmes tribuns sont réélus. Livounet trouve que c'est pas du juste.
Les patriciens avaient bien voulu faire réélire Cincinnatus, mais lui-même, Patricien Pur Jus Pétri de Rigueur Morale, a refusé, leur a fait la morale, leur a dit qu'ils devaient donner l'exemple, et est parti travailler à sa terre.
460-459 : baston avec les Aequi et les Volsci à Antium.
Tusculum se fait prendre par les Aequi, est reprise par Rome, qui récupère le mont Algidus, une position importante.
Cependant, la défense patricienne s'organise et... on fait un procès à Fifi !
Vous vous souvenez, Marcus "Volscius" Fictor (on soupçonne "Volscius" d'être un surnom péjoratif à l'origine) ? celui qui avait accusé KQ de meurtre dans un plot twist ? Eh bien, 2e PLOT TWIST ! Son accusation était probablement du flan !
En effet, KQ avait un alibi pour le meurtre, au moins d'après ses compagnons d'armes. D'autant que personne n'avait vu le frère de Fifi dans les rues au moment de la supposée bagarre. 🧐
Un nouveau bras de fer politique s'engage autour du procès de Fifi.
En gros, si les patriciens empêchent le vote de la loi, eh bien les tribuns empêchent le procès, na !
Vivi, négociant âprement (d'autant que dans les questeurs accusant Fifi de faux témoignage il y a le père même de KQ) (Rome ❤️ le conflit d'intérêts), réussit à obtenir que dans 2 mois, oui DEUX, on laissera voter la loi !
Spoiler : en fait non.
Car, en effet :
458 : les Aequi menés par un certain Gracchus Cloelius, pillent le territoire des alliés et occupent le mont Algidus.
Les Romains sont vexés, car les Aequi et eux étaient officiellement en trêve, et leur envoient des légats.
– Vas-y parle à ce chêne, réplique le chef aequus aux légats romains, autrement dit "parle à ma main".
– Si c'est comme ça, font les légats romains, et ils vont à un chêne sacré tout proche, et lui parlent, le prenant à témoin, comme tous les autres dieux, que ce sont les Aequi qui ont déclenché la guerre.
Sauf que, pendant ce temps :
458 : attaque des Sabini sur le territoire romain.
La double baston, avec les Aequi ET les Sabini, est plutôt chaude à gérer. Des deux consuls de l'année, Nautius, prudent mais limité, se tire à peu près de la guerre, mais est unanimement jugé pas top ; l'autre, Minucius, est encore plus mauvais et se fait bloquer dans son propre camp par les ennemis. C'est un désastre !
À Rome, la situation paraît bloquée. État d'urgence. Il faut... un dictateur.
Et on nomme, devinez qui...
... Lucius Quinctius Cincinnatus. Le Patricien Pur Jus(TM).
Ici, Livounet insère dans son récit une vignette moralisante.
Les envoyés du sénat, convoquant l'heureux élu, filent au "pré de Quinctius", la terre que détient Cincinnatus. Là, Cincinnatus travaille aux champs. Lui-même. Quasi à poil, car c'est comme ça qu'on bosse dans les champs quand il fait chaud à Rome.
Imaginez qu'on soit allé chercher Barnier sur son tracteur.
(Je doute que Barnier possède un tracteur.)
– Cincinnatus, le sénat veut te voir !
– Oula, tout va bien ? réagit-il, je cite.
Sa meuf lui passe une toge et pif pouf on lui annonce qu'il est nommé dictateur et qu'il doit sauver Rome.
Livounet en tire une grave leçon comme quoi le pouvoir et l'honneur n'ont pas besoin d'aller de pair avec la richesse. Hmmm.
Cincinnatus arrive, au grand dam de la plèbe, et ordonne la mobilisation générale. Les troupes foncent à marche forcée vers le camp du consul encerclé. Et Rome pourrit les Aequi, les massacre, force les survivants à passer sous des fourches en signe d'humiliation.
Sa mission étant accomplie, Cincinnatus qui incarne toujours la Grandeur Morale de l'Antique République quitte sa charge de dictateur aussi sec. Nous en sommes tous et toutes moralement édifiés.
457-456 : retour des Aequi et des Sabini, qui nous avaient pas manqué.
Les tribuns permettent l'enrôlement de la plèbe, mais en soufflant très fort : ça fait CINQ ans qu'ils veulent voter leur loi, purée de fouchtra flûte. Alors maintenant les pères leur permettront au moins d'être dix au lieu de cinq.
Le sénat concéda l'augmentation du nombre de tribuns, à condition qu'on renouvellerait le personnel, et donc Vivi quitta son poste, après cinq ans de bons et frustrants services. Entretemps, dans une ellipse de mon thread, Fifi a été jugé pour faux témoignage et condamné à l''exil.
Vers 455, les tribuns remportèrent une victoire que Livounet ne détaille pas mais sur laquelle mon édition s'attarde : des terres de l'Aventin furent distribuées au peuple, grâce au tribun Icilius.
@hist_myth Gracchus Cloelius qui a donc fini premier ex Aequi.
[SCUTA LEVATA] (d'habitude je dis [SHIELDS ON] mais bon, là...)
Baston avec les Aequi, encore, report du vote de la loi Terentilia, encore, quelques procès politiques ici et là, les années se suivent et se ressemblent.
Enfin, les nouveaux tribuns de la plèbe proposent une idée aux patriciens.
– Ca fait des années qu'on s'écharpe sur l'idée de mettre les lois par écrit.
– GRRR ! 😡
– Mais si VOUS les mettiez par écrit ?
– GRRR ? 😶
– Genre on en chargerait un groupe de dix personnes avec des patriciens...
– Grmm... 🥰
– ... et des plébéiens ?
– GRRR ! 😤
Les patriciens examinent la proposition, et l'acceptent à plusieurs conditions : les législateurs seraient tous patriciens, et au préalable, on enverrait une commission de trois anciens consuls étudier les lois écrites des cités grecques, comme Athènes, pendant trois ans. Les tribuns acceptent ce qui m'apparaît bien comme une nouvelle manœuvre dilatoire, et tope là.
OH MON DIEU Rome va avoir ses lois !
Entretemps, et à défaut d'une guerre, elle se chope famine et épidémies.
Enfin, enfin, enfin, 302 ans après la fondation de Rome, soit 451 selon la tradition, on crée dix magistrats, les décemvirs (= decemuiri, les "Dix Hommes"), chargés de mettre par écrit et de rendre public le corpus essentiel des lois de Rome.
En attendant qu'ils aient fini, on suspend toutes les autres magistratures suprêmes : pas de consuls, les décemvirs gouverneraient dans l'intérim.
Et, euh... disons qu'au début ça avait l'air d'une bonne idée.
Les décemvirs de 451 furent tous patriciens, selon la condition imposée par les Pères. Ils avaient aussi le pouvoir des consuls, puisqu'ils les remplaçaient, avec deux subtilités : on ne pouvait pas faire appel de leurs décisions juridiques (pas de "prouocatio", appel au jugement d'un tribunal populaire) et les tribuns ne pouvaient s'y opposer (pas d'"intercessio").
Parmi les décemvirs furent intégrés les consuls élus pour cette année-là : Titus Genucius et surtout, surtout, Appius Claudius.
Si vous avez suivi nos différents épisodes, vous savez que les Claudii sont l'incarnation du patriciat dans tous ses privilèges et toute sa mauvaise foi. Eh bien Appius Claudius, depuis quelque temps, semblait converti au gauchisme : il fricotait avec les petites gens, il hâblait sur les droits du peuple, il parlait populo, on eût cru Nadine Morano*. Il était donc super populaire, et tout le monde était content qu'il soit décemvir.
* (cette ref est aussi vieille que Michel Barnier)
Suivons cependant le décemvirat, ce drame en trois actes.
ACTE I : 451.
Le décemvirat est beau, grand, parfait. Les décemvirs s'aiment tous. Certes, ils ont un pouvoir quasi absolu, mais ils ne l'utilisent pas et laissent le peuple juger certaines affaires judiciaires, quelle modération. Ils produisent dix tables de loi dont ils publient le brouillon pour que chacun puisse y apporter ses révisions, c'est beau, et elles sont amendées et promulguées.
– Dix tables de loi, c'est excellent, font certains Romains.
– Hmmm, m'est avis que douze ce serait mieux.
– Vous savez pas la rumeur ? Il manquerait deux tables pour que tout soit parfait.
– Rhoooo... Vous savez quoi, on va réélire des décemvirs. Lançons une campagne électorale !
– Bonjour, je suis Appius Claudius, je passe parmi vous mes chers amis les gueux, comment va mamie Paulette, votez pour moi.
– Appius est tellement proche du peuple, votons pour lui !
Les collègues d'Appius Claudius, agacés par sa façon de mener campagne, le chargent de présider l'élection, ce qui devrait normalement lui interdire d'accepter les voix pour lui-même.
Mais, surprise, non seulement il entérine sa propre réélection (Rome ❤️ ❤️ les conflits d'intérêts !) mais il fait échouer celle de ses collègues et des autres chefs du parti patricien. Il est réélu et, auprès de lui, des quelconques, des obscurs, qu'il domine sans aucune contestation.
ACTE II : 450.
Appius Claudius et ses collègues passent le début de l'année à se réunir pour discuter stratégie en secret et, nous dit Livounet, Appius influence complètement les autres et se met à les modeler selon sa personnalité. Une personnalité qu'on va redécouvrir, brutalement, à la mi mai 450.
Comme les consuls, les décemvirs sont accompagnés de licteurs, en théorie 12, symboles de leur pouvoir de vie et de mort. En 451, ils se passaient tour à tour les douze licteurs, en signe de modération.
Là, aux ides de mai 450, les dix décemvirs se produisent en public avec, chacun, 12 licteurs, armés de faisceaux surmontés de haches, soit 120 personnes en armes au milieu du forum.
Le ton est donné.
Les décemvirs assurent le pouvoir judiciaire : ils se mettent à rendre des jugements en faveur uniquement des plus riches, des patriciens, des puissants.
Et à écraser la plèbe.
Car Appius Claudius tombe le masque. Comme Trump, comme Le Pen, il a toujours été du côté des puissants.
Impossible de faire appel au peuple de leurs décisions : ce droit est supprimé.
Impossible d'en appeler aux tribuns : il n'y a plus de tribuns.
Impossible de demander à l'un des décemvirs de s'opposer à la décision d'un autre décemvir : ils sont tous unanimes sous la coupe d'Appius.
Et les patriciens ? le sénat ? Ils ne font rien. Le sénat n'est simplement plus réuni. Les patriciens trouvent que, après tout, cette petite tyrannie, ça les arrange pas mal, plutôt Claudius que les tribuns, hein !
Les décemvirs produisent les deux dernières tables promises, et c'est ainsi que sont rédigées les Lois des Douze Tables de Rome. Quand elles seront votées, les décemvirs n'auront plus lieu d'être, et on réélira deux consuls.
– Dites les décemvirs c'est pour quand les élections ? demandent les Romains.
– Pardon, vous disiez ? font les décemvirs, rien entendu. Mon devoir m'appelle ailleurs on se reparlera de ces zélexion un autre jour hein ? Toi pousse-toi le plébéien ou la bastonnade !
Car oui, on en est là, les décemvirs distribuent les châtiments corporels à droite et à gauche, et puis tant qu'à faire s'entourent de gardes du corps recrutés parmi les jeunes patriciens.
ACTE III : 449.
L'année s'achève. Pas d'élections. Les décemvirs ne sont plus rien.
Et pourtant ils paraissent en public. Avec leurs licteurs. Rome est officiellement un régime despotique.
Pendant ce temps, 449 : les Sabini décident de piller le territoire romain, et les Aequi attaquent Tusculum.
Postés sur le mont Algidus, les Aequi menacent la vieille alliée de Rome. Tusculum appelle Rome à l'aide. Les décemvirs trouvant la situation un peu chaud bouillante convoquent le sénat. Bien sûr, ils n'ont aucune légitimité pour ce faire, n'étant plus officiellement en poste. Une séance houleuse a lieu, les Pères accusant les décemvirs d'avoir ramené la royauté, les décemvirs interdisant de changer l'ordre du jour. 3 opposants aux décemvirs se révèlent : Caius Claudius, Horatius et Valerius.
La situation manque de dégénérer en violence entre Horatius&Valerius, duo de sénateurs plutôt pro-plèbe, et Appius Claudius. Mais plusieurs intervenants calment le jeu, et les décemvirs arrivent à manœuvrer le sénat en laissant miroiter la possibilité de revenir à une république "classique", avec consuls et tout, mais débarrassée des tribuns de la plèbe. Bref, on leur permet de lever une armée.
Les décemvirs conduisent les troupes romaines contre les Sabini et Aequi..
et
ils
se font
FESSER
Trop impopulaires, les décemvirs n'arrivent pas à motiver les troupes, qui préfèrent perdre que laisser gagner leurs tyrans.
Les frasques des décemvirs n'arrangent rien, en particulier quand ils font assassiner un de leurs soldats, Lucius Siccius, qui tenait des propos révolutionnaires.
Mais, surtout, c'est Appius Claudius et l'"affaire Verginia" qui fit déborder le vase.
Alors attention, on va mettre des CWs partout, car ça va parler viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Appius Claudius était resté à Rome, et Appius Claudius avait repéré une jolie fille plébéienne, Verginia.
Et il avait envie de se la faire. #AllMen
Cela n'arrange rien pour ses affaires que la jeune fille avait 15 ans, pas plus, selon certaines sources.
Verginia était la fille du centurion Lucius Verginius, alors posté dans la guerre contre les Aequi, et elle avait un fiancé, Icilius ancien tribun de la plèbe, oui, déjà, parce que patriarcat.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Appius Claudius tente d'abord la drague lourde, mais Verginia l'éconduit. Alors Appius Claudius songe que si Verginia était esclave, il pourrait lui faire ce qu'il voudrait et personne ne dirait rien.
Donc, un beau matin, alors que papa Verginius est parti à la guerre, et que Verginia va au forum à son cours de lettres, paf ! un affranchi du nom de Marcus Claudius, client d'Appius Claudius, porte la main sur elle en disant : "C'est mon esclave !"
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
– Elle me suit sinon je l'emmène de force ! brame Marcus.
– Help, help ! fait la nourrice de Verginia.
– Keskispas ? fait la foule.
– C'est mon esclave et si elle dit le contraire je la cite en justice, clame Marcus.
– Allons au tribunal, le juge dira quoi faire, fait la foule.
Et au tribunal ce jour-là... siège Appius Claudius.
– Juge, c'est mon esclave, on me l'a volée petite, on a fait croire à Verginius que c'était sa fille, prétend Marcus.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
– Tu peux le prouver ? lance Appius.
– Oh, oui, je révélerai tout ça au père quand il sera là.
– Mais attendez, fait le public qui a pris fait et cause pour Verginia, certes la fille peut pas se défendre elle-même car elle n'a aucune personnalité juridique parce que patriarcat, mais on peut pas juger de ça en l'absence du père, on atteint aux droits sacrés du père de famille, quand même, patriarcat !
Appius fait bien semblant de réfléchir.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
– Alors, décrète Appius, voici ma sentence impartiale et juste : le procès sera jugé le lendemain et le père pourra comparaître s'il est là, en attendant je ne peux accorder la liberté provisoire à l'accusée, elle sera donc en détention provisoire chez Marcus Claudius.
Sous-entendu évident pour le lecteur romain : "en attendant je pourrai la violer tranquille cette nuit".
Ah oui, on est dégueulasse ou on ne l'est pas.
Scandale chez le public.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Sur ce, surviennent l'oncle de Verginia, Numitorius, et son fiancé, Icilius l'ancien tribun, qui gueulent très fort ; Appius Claudius essaie de se boucher les oreilles mais Icilius vocifère qu'il ne partira pas, qu'il se battra s'il faut, car c'est sa fiancée, et il défendra sa virginité parce qu'on la lui a promise vierge et sinon il l'épousera pas #AllMen je vous dis.
L'émeute semble sur le point d'éclater, Appius Claudius change donc de plan.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
– Bon, OK, fait-il, on décidera de sa liberté ou détention provisoire demain, que le père vienne ou pas, en attendant on la libère avec des répondants, si tu peux en trouver, Icilius, hin hin hin.
Et là, toute la foule lève la main pour se proposer comme répondants.
Appius Claudius rentre chez lui et écrit un mot à ses collègues décemvirs pour qu'on empêche Verginius de rentrer à Rome. Trop tard. Prévenu par ses amis, Verginius est déjà en route.
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Le lendemain, le procès a lieu en public, Verginius le père et Icilius le fiancé accompagnent Verginia au tribunal. Verginius, et Icilius sont très populaires, le public est à fond pour la liberté de la jeune fille. Les femmes de la famille sont aussi là, pleurant à l'idée de voir leur fille séquestrée et probablement violée.
Appius monte sur son estrade. Écoute le plaignant. Ouvre la bouche.
– La jeune fille est considérée comme esclave.
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
@elzen Je suppose qu'il s'agit de contrôler radicalement la paternité des enfants à naître : si la femme n'a eu qu'un partenaire il est certain que les enfants sont bien du père déclaré ? Je suppose.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Énorme scandale. Même Livounet trouve que c'est dingue cette attitude, et l'attribue à une crise de folie du décemvir. Et ce jugement est sans appel !
Marcus Claudius vient saisir sa victime, les femmes de la famille lui barrent le passage, le père s'oppose, furieux : on ne souillera pas son honneur en déflorant sa fille (parce que patriarcat).
Appius Claudius envoie son licteur. La foule s'écarte de peur. Verginia est seule.
CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Alors, dans un geste tout à fait digne du paterfamilias qui détient tous les droits sur ses enfants, Verginius tire sa fille à part près du temple de Vénus protectrice des mariages chastes sous prétexte de l'interroger sur sa paternité, et là, avisant un étal de boucher, s'écrie: "Ma fille, c'est le seul moyen que j'ai de te rendre libre", saisit un couteau et la tue.
Parce que patriarcat.
Il maudit Appius et les décemvirs responsables de ce sang.
Si ça peut vous rassurer ça ressemble beaucoup trop à un mythe grec ou au mythe de Lucrèce pour être honnête, et on juge l'épisode légendaire, mais basta.
Les Romains et Romaines hurlent tout autour du cadavre et entrent en révolte. Valerius&Horatius, les sénateurs pro-plèbe, surgissent et disent qu'Appius n'a aucun pouvoir légitime. Icilius crie à la révolution. Appius veut le faire arrêter : la foule bloque ses gardes du corps, arrache les faisceaux d'un licteur et les brise.
Appius Claudius s'enfuit, à demi abandonné par ses licteurs, et se barricade chez lui.
Le sénat, réuni par un autre décemvir, essaie de calmer le jeu, car le sénat n'a toujours pas décidé s'il préférait la tyrannie ou la liberté sans ses privilèges ; mais trop tard. Verginius file au camp militaire et soulève l'armée contre les décemvirs.
L'armée marche sur Rome et, sans violence, incite les plébéiens à rejoindre la révolte, puis occupe l'Aventin.
Le sénat est un peu dépassé.
On envoie à l'armée plébéienne des négociateurs mais, la plèbe n'ayant pas de porte-parole, elle réclame qu'on lui délègue les sénateurs Valerius&Horatius, ses poteaux, puis élit des tribuns, dont Icilius le fiancé.
Le sénat, toujours dépassé, palabre sans savoir quoi faire, reproche aux décemvirs d'être trop pas gentils, poireaute.
Cela agace la plèbe, mise au courant par un certain Duillius, qui, s'inspirant du livre II épisode 1 de ce thread, déclare qu'elle fait sécession sur le Mont Sacré.
Et pouf, toute la plèbe romaine quitte la ville et se retire sur le Mont Sacré. Toute. Les soldats bien sûr. Mais aussi les femmes et enfants. Grève générale. Le reste de la ville est vide.
Au sénat, Valerius&Horatius se gaussent : les décemvirs ont presque plus de licteurs que de citoyens à gouverner.
Les décemvirs craquent. Ils laissent le sénat décider de leur sort, tant qu'on ne met pas leur tête sur une pique. Le sénat envoie alors Valerius&Horatius négocier avec la plèbe.
Et la négociation se passe bien entre la "gauche" du sénat et Icilius meneur de la grève, avec plein de mesures pro-plèbe :
> retour des tribuns de la plèbe sacrosaints
> retour du droit d'appel au peuple
> aucune poursuite pour sédition contre les révolutionnaires
En revanche, Valerius&Horatius font renoncer la plèbe à cramer les décemvirs encore vivants, et leur font un peu la morale à ce sujet ; la plèbe accepte cette concession.
Les décemvirs sont chassés du pouvoir. Vive la république !
On rentre en ville ! on fait la fête dans les rues ! on fait des élections ! on vote des lois sur l'appel et le consulat ! on élit dans la joie Valerius&Horatius consuls !
Joie, bonheur et consuls de gauche, qui font voter des lois consacrant le droit d'appel, impossible à supprimer, l'inviolabilité des tribuns et la force des votes de la plèbe. Ce qui irrite les patriciens d'ailleurs. On va encore toucher à leurs privilèges. Pas contents.
Enfin les tribuns, après avoir laissé pisser pendant quelque temps, citent Appius Claudius l'ex-décemvir en justice pour asservissement illégal d'une femme née libre, à savoir Verginia. Ce qui, dans une société esclavagiste, est très très grave.
Sentant sa cause perdue et éperdu, Appius Claudius, devant ses juges, geint qu'il réclame l'aide des tribuns contre la violence sur sa personne, et qu'il en appelle au peuple !
Ce qui est drôle. Parce qu'il invoque les deux droits qu'il avait supprimés.
CW suicide
Mais appels et aides des tribuns n'y firent rien, même une intervention de son parent Caius Claudius le raisonnablement démocrate n'y fit rien : Appius Claudius fut envoyé en détention provisoire jusqu'à son procès, et plus tard, se suicida dans sa prison. D'autres personnes impliquées dans l'affaire Verginia furent aussi jugées et se suicidèrent, poursuivies, dit le texte, par le fantôme vengeur de Verginia.
Cependant, 448 : attaque croisée des Aequi et des Volsci.
Les Sabini aussi menacent.
Ça faisait longtemps, dites donc. Je me demandais comment allait leur petite santé.
On envoie donc un consul contre les Aequi, un autre contre les Sabini, et après les dérouillées subies par les décemvirs, c'est le premier test de la République rétablie : saura-t-elle résister sur le champ de bataille ?
Eh bien la réponse est oui.
Galvanisés par les consuls populaires, par un discours de défense de leur liberté, les Romains giflent les Aequi et Volsci.
Côté Sabini, malgré un ennemi remonté à bloc après ses victoires précédentes, le consul Horatius remporte une victoire symboliquement éclatante.
Comme quoi, un régime pas trop injuste, c'est peut-être pas si faible que ça, hmm ?
Apprenant le retour victorieux des consuls, le sénat renâcle à les honorer, ces populogauchistes, beurk, et c'est la plèbe qui leur décerne un triomphe, ce que le sénat prend pour une menace honteuse de ses prérogatives.
– Bon ben du coup on le fait à votre place.
– Ah mais non, hein, y a que nous qui avons le droit ! »
C'est à la fois tellement caricatural et tellement réaliste…
Dans les années qui suivent de cette République rétablie, les tribuns de la plèbe, en position de force, se divisent en deux tendances. L'une consiste à se faire réélire tout en faisant réélire Valerius&Horatius leurs alliés. L'autre, à remplacer les tribuns pour éviter l'accumulation de pouvoir. Ce second parti l'emporte, car Marcus Duillius, vieux tribun présidant les élections, décide, pif pouf, de traiter les voix en faveur de ses collègues et de lui-même comme Macron celles du NFP.
@elzen J'avouerai qu'à la lecture c'est très difficile de ne pas trouver les patriciens et le sénat arrogants, brutaux, imbus d'eux-mêmes et incohérents, j'en suis à me demander si c'est fait exprès.
Chaque camp semble bien vouloir se faire voir de l'autre. Les tribuns de la plèbe, après cette élection... euh... réinterprétée, cooptent des patriciens comme collègues. De leur côté, les consuls renoncent à recruter une armée pour éviter de fâcher la plèbe.
– Les patriciens sont gentils en fait, fait la plèbe 👩🌾
– Oui, on est trop bons, font les patriciens 🤑 Tiens, prends ça.
– Hééé ! Mais tu m'as frappé.e ! 👩🌾
– Moi ? Pas du tout ! Tiens ! 🤑
– Hééé ! mais ça fait mal ! Tribuns, au secours ! 👩🌾
Eh oui, libérés par la relative accalmie des relations pères/plèbe, les jeunes patriciens commettaient des "injustices" (iniuriae) envers la plèbe, sans que les tribuns puissent intervenir, quand eux-mêmes n'étaient pas victimes de violences. Les tensions recommencèrent de plus belle. Du coup :
445 : Aequi et Volsci réattaquent, revigorés par l'inaction de Rome l'année précédente.
Ils ne se fatiguent jamais, c'est ouf.
L'ennemi vient piller jusqu'aux abords des murailles de Rome.
Mais à Rome, les tensions sont telles qu'il semble impossible de lever des troupes.
Alors le consul du moment Titus Quinctius Capitolinus (papa de KQ) prononce un long discours au peuple, synthèse, pour ainsi dire, de ce livre III du point de vue patricien :
> les tribuns sont des factieux avides de pouvoir personnel
> les patriciens ont fait plein de concessions
> la plèbe agit contre ses intérêts en délaissant la guerre
> il faut cesser les troubles civils pour porter la guerre à l'extérieur
Voilà, cher lectorat, je vous laisserai juger vous-mêmes de la sincérité de cette argumentation.
Enfin, la plèbe est convaincue, se laisse recruter, on sort et on renvoie les Aequi et Volsci au bercail, au moins jusqu'à l'an prochain.
C'est presque ainsi que finit ce livre III, mais il y a une séquence post-générique.
Rome. 445. Les cités d'Aricia et d'Ardea se disputent un bout de terre et demandent au peuple romain de juger. Le peuple romain dit :
– Ce bout de terre... En fait il est à moi.
Et c'est la fin de ce livre III, riche en luttes politiques et révolutions !
À bientôt pour encore plus de lutte des ordres et d'effronterie du patriciat !
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
@hist_myth @elzen À quoi s'ajoute, peut-être, une certaine peur de la comparaison.
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Dans ce cas-là en particulier, j'imagine que ça dépend comment on envisage de comparer, mais je dirais quand même que celui qui envisage que sa dulcinée risque de préférer se faire violer à coucher avec lui aurait quelques questions à se poser.
- replies
- 1
- announces
- 0
- likes
- 1
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
@elzen @aaribaud Pour Rome, c'est probablement plus complexe. Il y a certainement un focus sur l'aspect juridique : si la femme enfante, peut-on être sûr que l'enfant est du père, que l'enfant est né de père libre, etc. Et ça recoupe aussi une conception religieuse de la pureté/souillure, l'acte sexuel non validé par la communauté étant considéré comme souillure, et la souillure empêchant une communication avec les dieux. #Antiquité hein
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
Sauf bien sûr à considérer que la dame est allée voir ailleurs après son mariage, mais dans ce cas exiger qu'elle soit vierge avant ne sert à rien non plus.
re: CW viol, violences, meurtre et patriarcat+++++++
@hist_myth c'est pratique quand ils ont 3 noms ont sait qu'ils vont faire un truc mémorable
@floby De façon assez marrante jusqu'au livre IV y en a pas des masses qui ont trois noms !
Justement, comment ça se fait que les Volsques et consorts attaquent chaque année ?
C'est une forme de guerre rituelle avec peu de morts ?
Les romains n'ont pas encore le duo pilum+gladius qui rend les batailles beaucoup plus sanglantes ?
@lienrag Les récits qu'on a des guerres du début de la République sont un peu trompeurs puisque Tite-Live les décrit de manière probablement anachronique, comme des batailles de son époque... On peut imaginer qu'il s'agit plutôt de razzias suivies d'expéditions punitives...
La suite est là : https://mastodon.top/@hist_myth/113228240194306463