L'atterranceᵀᴹ ne connait pas de vacances, grâce à la sérié d'été du Monde « Façons de parler ».
L'épisode d'hier, ô surprise, était consacré aux anglicismes… 🥱 ou quand Le Monde pompe sur le Figaro (qui pompe sur l'Académie, mais ça on le savait).
En voiture ! 🧵🔽
Je ne mets pas de lien, des fois qu'ils prennent leurs stats de fréquentation pour un gage de qualité. Du coup, on screenshote (👈 anglicisme, tavu).
En guise d'intro, la quantification au doigt mouillé. « Sans modération », ça ne veut rien dire, et ça ne s'appuie sur aucune donnée statistique. Well played.
Des « constructions d'apparence anodine » qui ne seraient « pas du français » ? On bout d'impatience…
Dès le début, faut reconnaitre qu'il y a du level. L'exemple donné, « supporter » dans le sens de « soutenir », n'a strictement rien de syntaxique. Sémantique, oui, mais en l'occurrence le mot n'a fait qu'un aller-retour…
puisque le verbe 'support', attesté en anglais depuis la fin du 14e s., y a pénétré par le moyen-français et l'anglo-normand…
En outre, le sens « soutenir » est le premier répertorié par le Grand Robert — l'usage sportif, de ce point de vue, ne relève que d'un emploi figuré.
On enchaine avec le classique « faire sens ». Ça peut sembler dur à croire, mais rien ne garantit que ce soit un emprunt à l'anglais — c'est en réalité très difficile à prouver, tant la construction « faire + N » est omniprésente en français :
On note dans la marge (mais c'est habituel, cf. plus bas) que l'Académie française, gardienne un peu distraite du temple, condamne d'une main ce qu'elle adoube de l'autre (feat. Marc Fumaroli 8/11/2012 et Barbara Cassin 17/10/2019) :
Sauf que : 1) 'share sb sth' est quasi-inexistant en anglais…
2) la construction se rencontre en français de longue date, y compris avec un COD abstrait, et chez ce qu'on a l'habitude d'appeler des locuteurs et locutrices compétent·e·s.
3) qu'on le construise avec ou sans préposition, « partager » est bien un verbe transitif — et même ditransitif : transitif direct puisqu'il prend un COD (la chose partagée), et transitif indirect avec son COI (la personne à/avec qui on la partage).
… elle-même alimentée par l'abyssale nappe phréatique de l'Académie française, toujours aussi inconstante (cf. X. Darcos, chancelier de l'Institut de France, 23 juin 2022) :
Spoiler : "être en capacité de” n’a rien d’une tournure anglaise…
Enough said, c'est cet article qui est « pathétique » — et dire que Le Monde nous en promet encore sept à « supporter »…
Fun fact : le journaliste avait sollicité @tract_linguistes, mais a décidé de s'asseoir sur ses réponses… 🤷♂️
@f_moncomble le tissu d'âneries de ce papier, c'est vraiment du très très haut level.
Dommage que les JO pour les valides soient finis, il méritait une médaille pour la concentration d'inexactitudes par ligne.
@f_moncomble ajoute le # linguistique ! Ya des gens qui suivent des hashtags plutôt que des comptes
@MarCandea C’est clair : j’ai passé toute la lecture dans la huitième ligne d’« oh » ! 🤦♂️
@MarCandea
Du plongeon acrobatique de cet acabit :
@f_moncomble ouch, tu crois qu'il s'est fait si mal que ça en écrivant ?😎
@charles Si seulement… mais les autres numéros de la série sont dans la même veine, pour l’essentiel… Du journalisme scientifique Canada dry, en quelque sorte.
« avoir du sens », c'est une forme passive, ça indique que le truc n'est pas totalement aberrant dans son état actuel. Je vais par exemple dire qu'un puzzle a du sens parce que je comprends le motif qui est tracé par ses pièces telles qu'elles sont agencées présentement.
« faire sens », c'est une forme active, ça indique que le truc participe à la création d'un sens. Je vais dire par exemple qu'une pièce du puzzle (et non plus le puzzle complet) fait sens parce qu'en la mettant à cette position-là, ça me permet de comprendre le motif qui m'échappait avant que je ne la pose.
Et donc remplacer une expression par l'autre, quelle que soit la justification qu'on donne pour ça… ben ça « défait sens », si je puis dire.
Je resterais en désaccord parce que je perçois toujours une nuance assez forte entre les deux (quand quelque chose « donne du sens », le sens existe indépendamment, tandis que quand ça « fait sens », c'est le truc ou l'action qui participe à le créer), mais au moins ce seraient deux usages qui se correspondent un peu mieux.
Mais curieusement, « donner du sens » n'est mentionné nulle part sur les sites de pourfendeurs d'anglicismes… ce qui fait sens, quelque part, au sens où c'est constitutif de ce qui permet de réaliser que leur avis sur l'usage de ces expressions est assez peu étayé.)
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