Ce soir, comme promis, continuons notre lecture du livre II d'Ab Urbe Condita (= "Depuis la fondation de Rome") de Tite-Live ! Au menu, des patriciens vexés, des légendes héroïsant à mort les grandes familles et beaucoup, beaucoup, beaucoup de bisbilles autour de lois pour savoir à qui que sont les champs.
Tite-Live, livre II, épisode 2 : un THREAD ⬇️
#MythologieRomaine #EnfinHistoireRomaine #EnfinOnSaitPasTrop #TiteLive #AbUrbeCondita
Mais tout d'abord, si vous découvrez ce thread et n'avez point lu du Livounet, retrouvez les épisodes précédents ici :
> Livre I, épisode 1 : la royauté, jusqu'ici tout va bien : https://mastodon.top/@hist_myth/112792214027813066
> Livre I, épisode 2 : la royauté, c'est carrément le déclin : https://mastodon.top/@hist_myth/112831548405415415
> Livre II, épisode 1 : la république et la Lutte des Ordres, le début (et pas la fin) : https://mastodon.top/@hist_myth/112916453684941402
DONC ! Dans l'épisode précédent, les grandes familles patriciennes s'étaient vues contraintes et forcées de créer des tribuns de la plèbe détenant droit de veto et inviolabilité.
Et OH BOY comme ils vont le regretter.
ET OOOOH BOY comme ça va se sentir dans les sources.
D'ailleurs, Livounet, que lui ou que ses sources soient pas top de gauche, adopte dans son récit un point de vue plutôt pro-patricien que ce thread, étant sur Masto le repaire des gauchistes, va tempérer.
Donc si vous voulez vous faire une idée exacte de Tite-Live rajoutez mentalement à ce thread toutes sortes de récriminations sur la plèbe agitée, inconstante, tumultueuse, enragée, etc.
Repartons en 495. Comme précédemment, Rome se bagarre avec tous ses voisins, et cette année-là l'un de ses consuls se coltine les Volsci, dont il prend les cités Longula et Polusca. Il arrive à la citadelle de Coriolae, mais pendant qu'il l'assiège, paf ! des renforts ennemis attaquent l'armée romaine.
CW héroïsme euh... à la romaine (gore)
Et ce alors que les assiégés font une sortie ! Le consul en chie !
– Nom d'une pipe en bois d'allumette, ça ne va pas se passer comme ça, s'écrie alors un jeune et riche patricien romain, Cnaeus Marcius.
Et que pouf il charge avec des troupes d'élite, repousse les assiégés chez eux, entre par les portes ouvertes dans Coriolae, massacre femmes et enfants, fout le feu, étripe, pille et énuclée. Les civils volsci hurlent. Les soldats volsci se troublent.
Les Volsci refluent et la cité de Coriolae est prise !
Gros succès à Rome du jeune Cnaeus Marcius, qui en devient plus célèbre que le consul chef de l'armée.
Survient l'année 494 av. J.-C. et Rome, sans guerre ni sécession, va bien... ? En fait non. Les troubles de l'année précédente n'ont pas permis de cultiver la terre et c'est la famine. Les consuls flippés achètent du blé en masse comme des touristes américains les mascottes clitoridoïdes des JO. Quand, en 493, arrive du blé en plus...
... les Pères se disent : "hey, puisqu'on détient tout ce blé, si on l'utilisait pour faire pression faire céder à la plèbe ses acquis politiques ? Genre on la fait chanter sinon on laisse le blé très cher ?"
Je vous laisse commenter la charmance de cette idée.
En tout cas Cnaeus Marcius, remonté comme Laurent Wauquiez parlant des chômeurs lors d'un dîner à 10 000 €, glapit : "Ils veulent du blé ? Pas de tribuns ! Ou laissez-les crever ! Ils finiront bien par bosser au lieu de protester !"
On le voit, notre ami Cnaeus Marcius, doté pour sa victoire du doux surnom de Coriolanus, est plutôt un type, je ne crains pas de le dire, de droite.
A côté Alain Madelin est un marxiste-léniniste prônant le revenu universel.
Mais enfin le sénat trouve que Coriolanus a fumé, la plèbe menace aussi de prendre les armes. Et évidemment, Coriolanus récolte ce qu'il a semé : les tribuns de la plèbe lui collent un procès devant le peuple.
(Ce que les notes de mon édition jugent anachronique.)
– Peuh ! fit Coriolanus, c'est même pas légal, ces gens sont des tribuns de la *plèbe*, pas de MOI, qui suis NOBLE.
– Euh, ah, peut-être tu devrais moins frimer ? susurrent les Pères plutôt inquiets.
Ils essaient alors de monter un lobby afin de sauver leur petit extrémiste préféré, envoyant leurs clients (= citoyens liés à d'autres plus riches par des relations de protection) menacer les plébéiens se rendant aux conciles, venant publiquement supplier le peuple de faire grâce...
@elzen Pas toujours mais de temps en temps
Mais la propagande pro-Coriolanus fit long feu, et Coriolanus fut condamné.
Par contumace.
Prévoyant sa défaite, le zig s'était enfui. Et chez qui ? Chez les Volsci. Ceux-là même à qui il avait mis une raclée.
Les Volsci ne sont pas rancuniers. Oubliant les trucidation et incendies de Coriolae, ils accueillent Coriolanus. Le plus puissant d'entre eux, Attius Tullius, l'accueille à bras ouverts. Car il hait Rome. Et Coriolanus va haïr aussi Rome. Tous les deux, ils vont se venger de Rome.
Pendant ce temps à Rome, on préparait, je vous le donne en mille, de grands jeux. Et plus exactement les jeux romains, qu'on a vu fonder dans le livre I.
Elle avait fait son instauration (cérémonie sacrée vu que les jeux sont d'abord des rites religieux), mais hélas un type passant dans le cirque (où on se promenait comme dans la rue) en menant un esclave fourche au cou (en signe d'humiliation/condamnation à mort) avait irrité Jupiter.
Parce que Jupiter, tu vois, il est pas esclavagiste.
Jupiter apparaît donc en rêve à un Romain pour lui dire de dire aux consuls qu'il faut recommencer l'instauration ; le Romain hésite ; paf son fils meurt quelques jours plus tard ; Jupiter lui réapparaît en rêve ; le Romain hésite encore ; paf il est frappé de paralysie. "Bon, OK, j'y vais" fait le Romain, et il porte aux consuls le message de Jupiter. Il redit son message aux Pères et là pif pouf Jupiter le guérit de sa paralysie, on se croirait dans l'Ancien Testament.
Or donc début des jeux.
Le peuple des Volsci, amateur apparemment de courses, luttes et tout le tintouin, se presse aux jeux ; ce qui amène Attius Tullius le vil comploteur à venir trouver les autorités romaines et à leur glisser qu'à son avis, les Volsci du public, ben, vous savez, ils sont chauds bouillants, ils pourraient bien s'énerver, tout casser, bourriner comme des hooligans anglais, et causer l'incident diplomatique.
– Sabotage vandalisme bouh, s'émeut le sénat, et paf ils expulsent les Volsci reçus à Rome.
Les Volsci sont chassés de Rome, et l'ont mauvaise. Alors, quand sur la route les dignitaires volsci se font aborder par Attius Tullius qui leur fait monter la température, comme quoi les Romains, anciens ennemis, les traitent comme des chiens, il ne faut pas beaucoup les pousser pour que tout le peuple se révolte contre Rome.
Avec Cnaeus Marcius Coriolanus comme général.
Et Cnaeus Marcius, il rigole pas. Il roule sur les Romains au rythme d'un char d'assaut anachronique.
Il reprend toutes les villes que les Romains ont prises aux Volsci, il bouffe citadelle sur citadelle, il vous blitzkriege le Latium à en faire pleurer d'émotion les YouTubeurs de la fachosphère. Enfin il arrive aux portes de Rome, au fossé Cluilius, et pille les environs. Enfin, pas tous les environs. Il donne l'ordre de pas piller les terres des patriciens. Seulement de la plèbe. On est de droite ou on ne l'est pas.
Dans Rome, on s'écharpe.
– Les Pères sont des traîtres, dit la plèbe.
–Woh pff même pas vrai et pour vous le prouver contre Coriolanus on va se BATTRE ! répliquent les Pères.
– La guerre c'est mal, fait la plèbe.
– Passons nos troupes en revue, font les consuls.
– LA PAIX ! LA PAIX ! hurle la plèbe pacifiste.
– Fichus gauchistes woke, grognent les Pères, et ils envoient des ambassadeurs à Coriolanus.
– On fait la paix, Coriolanus ? font les ambassadeurs.
– Vous rendez leurs terres aux Volsci ? fait Coriolanus.
– Euaah, font les ambassadeurs.
– Alors la guerre.
Les ambassadeurs tentent une 2e négociation.
Coriolanus ne leur ouvre même pas son camp.
Les Pères envoient une délégation de prêtres avec leurs habits sacrés et tout le toutime.
Coriolanus leur dit nein.
Et puis, un matin, on réveille Coriolanus : "Palsambleu carabistouille, Rome nous envoie une armée de femmes !"
Un cortège de Romaines arrive en ambassadrices. Bien sûr, Coriolanus commence par sortir son machisme d'incel masculiniste. Jusqu'à ce qu'on lui dise :
"C'est pas ta mère, là ?"
Car à la tête du cortège de femmes, il y avait Veturia, mère de Coriolanus, et Volumnia, son épouse, avec leurs enfants.
– Maman ! Bisou ! fait Coriolanus en s'élançant vers le cortège.
– Pas touche, mauvais fils, réplique Veturia, tu crois que tu peux m'embrasser alors que tu attaques ton propre pays dans une agression qui ressemble fichtre pas mal à une tentative de putsch d'extrême droite ? [la narratrice glose un peu] Je vous jure ! Faites des gosses !
Et de lui passer un savon.
L'épouse de Coriolanus, Volumnia, pleure devant son mari, toutes les femmes pleurent et gémissent, et Coriolanus doit se dire qu'il a bien failli livrer toutes ces femmes dont la sienne au pillage et au viol whoopsie, car il lève le siège et abandonne toute tentative contre Rome. Il finit sa vie en exil, inventant cette phrase immortelle : "L'exil c'est carrément plus dur quand on est vieux."
Volsci et Aequi tentèrent de réattaquer Rome mais ils se bisbillèrent pour le poste de chef de l'armée.
Si bien que Rome arrive en 488 sans trop de dégâts. Après une bagarre avec les Hernici, elle annexe leur territoire, ce qui fait que Rome a, d'un coup, sur les bras, plein de terres "vides"..
Alors le consul Spurius Cassius propose une loi agraire.
La loi agraire à Rome, c'est LE sujet qui fâche, leur réforme des retraites à eux. Car elle décide des (re)distributions à la plèbe de terres conquises ou prises sur le domaine public, l'ager publicus, que les patriciens ont tendance à usurper.
– Yaka donner la moitié aux alliés Latins et l'autre à la plèbe ! fait le naïf Spurius Cassius.
– Eh, il veut acheter la plèbe pour devenir roi ou quoi ? protestent les Pères.
– Eh, d'où il donne une moitié des terres aux alliés ? râle la plèbe.
Bref, personne n'est content, et Spurius Cassius, dès la fin de son consulat, se fait condamner à mort pour ambitions dictatoriales. Selon des versions, son propre père (biologique) l'aurait jugé dans un tribunal familial et exécuté.
Cela dit, la plèbe soutenait le principe de la loi agraire. Dans les années qui suivirent, les tribuns de la plèbe poussèrent en faveur des lois agraires... et les Pères menèrent campagne en leur défaveur. Ils réussirent ainsi à faire élire à la suite trois consuls du clan des Fabii, une immense famille aristocratique fabuleusement riche : Quintus, Kaeso et Marcus Fabius. Tous trois faisant capoter les différentes propositions de lois agraires entre deux guerres avec Veii ou les Volsci.
A la fin, les Pères avaient finir par trouver une technique. Comme les tribuns de la plèbe étaient plusieurs (2 ou 5), il suffisait d'en avoir un à sa botte pour qu'il fasse veto aux actions de son collègue. Malin ! Aussi quand un tribun de la plèbe voulut relancer une sécession en 482, son collègue social-traître aida les consuls à lever les troupes contre les Aequi. Au consulat, on se tapait un 4e Fabius. La plèbe commençait à détester les Fabii assez cordialement, aussi, après une bataille...
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... elle refusa de poursuivre l'ennemi en déroute et de concrétiser une victoire. Vexation des Pères. (Grosse vexation de Tite-Live dans son récit.) L'année suivante le même délire recommence : un consul Fabius (Marcus Fabius cette fois), une proposition de loi agraire, des tribuns montés les uns contre les autres, une plèbe énervée. Les Etrusques, et notamment les voisins de Veii, attaquent opinément. Ils ont vu les divisions romaines et comptent en tirer parti...
– Haha, font les Véiens, les Romains se détestent. Surtout poussons-les à se battre le plus vite possible pour qu'ils s'entretuent.
– Merdum, font les consuls, nos soldats nous détestent. Surtout battons-nous le plus tard possible pour tous se calmer.
–Eh ! les Romains ! z'êtes trop nazes avec vos luttes sociales et vos dissensions politiques ! viennent crier les Etrusques au pied du camp romain. Sûr que c'est du flan et que vous êtes lâches ! hahaha ! Insultes classistes ! insultes racistes !
–Ils commencent à nous courir sur le haricot, ceux-là, fait la plèbe romaine.
– Insultes macho ! insultes homophobes !
– Bon, consul, on peut sortir bouffer de l'étrusque ? s'énervent les soldats.
– Attendons plutôt, fait le consul.
– Qué, attendre ?
– Interdit à tous de combattre !
– Qué, INTERDIT ?
– Hahaha ! Insultes sur vos mères !
– ON VEUT SE BATTRE ! s'emportent les soldats plébéiens.
– D'accord, mais vous jurez de revenir vainqueurs et pas de lâcher l'affaire, fait le consul.
Ils jurent.
Et alors là, une bataille épique se déclenche. Les Romains chauds bouillants vont au corps à corps tout de suite, ça bagarre et ça ferraille et ça déchiquète.
Dans un épisode trop beau pour ne pas être mythique, Quintus Fabius tombe tué par un Etrusque ; alors son frère le consul Marcus Fabius fait un rempart de son corps à son cadavre ; alors son autre frère Kaeso Fabius vole au premier rang et embrase le courage de ses hommes, #mythe #propagande. L'autre consul meurt, mais Rome l'emporte.
Le consul Fabius rentre à Rome et refuse les honneurs du triomphe, pasque son frère est mort sétriste, et comme par hasard ça le rend super populaire.
A partir de là, les Fabii déchirent leurs masques de Gérard Larcher et, que découvre-t-on ? C'était Jacques Chirac depuis le début ! La vraie fausse droite sociale ! En 479 le nouveau consul Kaeso Fabius propose même aux Pères une loi agraire. De façon prévisible, ça échoue, trop dommage. La guerre annuelle reprend avec les Aequi et surtout Veii.
@hist_myth chez Shakespeare il me semble que Coriolan se fait trucider
@R1Rail C'est une des versions
Veii, voyant que la guerre à la loyale ça passe pas fort, se contente de razzier le territoire romain dès que les légions n'y sont pas. C'est très agaçant. Rome a les Volsci et les Aequi sur les bras, elle n'a pas le temps de courir après les pillards étrusques.
Alors le clan des Fabii a une idée.
– Votre guerre contre Veii, on s'en occupe.
– Qui ça on ?
– Nous, les Fabii. On est 306.
– 306 ?!!
– Sans nos clients. Livounet les compte pas. Avec eux, selon une autre source, on est 4000.
Gros, GROS succès populaire de la proposition auprès du peuple romain. Une famille aristocratique qui fait la guerre toute seule, c'est super pratique. D'autant que les Fabii s'assemblent et sortent de la ville quasi en procession, beaux, forts, nobles, sous les voeux et les bravos des habitants de la ville. En passant devant le temple de Jupiter Capitolin, les Romains prient les dieux de laisser les Fabii rentrer vainqueurs.
In cassum missae preces, dit Livounet : prières envoyées en vain.
D'abord, les choses se passent bien pour les Fabii. Ils dressent un camp sur la rivière Cremera et, à partir de cette base, arrêtent efficacement les pillages étrusques.
Alors les Etrusques reviennent en force attaquer le camp de Cremera. OUPS ! le consul romain Lucius Aemilius rapplique et fesse l'armée étrusque proprement, les laissant implorer la paix. Tout va bien donc.
Sauf que.
Sauf que les Fabii ont les chevilles enflées à en faire péter leurs sandales. Et se lancent dans des razzias.
Alors, un jour qu'ils voient passer des troupeaux énormes et juteux à une distance non négligeable de leur camp, protégés juste par trois clampins qui sifflotent et clament très fort : "AHLALA nous sommes si faibles et peu nombreux ce n'est pas DU TOUT un piège", les Fabii se jettent dessus. Lorsque les Etrusques surgissent de partout et les prennent en embuscade, malgré une résistance trop épique pour être honnête #mythe #propagande, ils sont exterminés jusqu'au dernier.
Seul survit au massacre des Fabii un jeune Fabius encore gamin, qui redonnera naissance à la lignée, pour le salut de Rome, insiste Livounet, et boudiou sa source devait être écrite par un certain F. fan objectif des Fabii.
– Youpi ! On a pourri les Fabii ! exultent les Etrusques. Et ils déboulent à Rome et prennent le Janicule, comme tout ennemi de Rome victorieux pour le moment. Deux batailles s'ensuivirent dans les environs de Rome, que les Romains gagnèrent de justesse.
Mais, peu finauds, les Etrusques voient un jour passer des troupeaux énormes et juteux à une distance non négligeable de leur camp, protégés juste par trois clampins qui sifflotent et clament très fort : "POUPOUPOU nous sommes si faibles et peu nombreux ce n'est CARREMENT PAS un piège", et se font prendre en embuscade et pourrir. Vexés de s'être fait avoir, les débris de l'armée étrusque passent le Tibre, attaque le consul Servilius, Servilius les repousse, et ayant lui aussi des soucis d'égo...
... il lance une bataille ingagnable contre la citadelle du Janicule détenue par les Etrusques. Ca manque de tourner au désastre. Heureusement l'autre consul et son armée arrivent lui sauver les miches, et les Etrusques sont massacrés pour de bon.
La guerre finie, on tire un bilan assez mitigé des actions des consuls. Et les tribuns de la plèbe assignent coup sur coup deux patriciens pour un jugement devant le peuple.
D'abord, Titus Menenius, consul qui a laissé les Fabii se faire tuer.
Menenius est le fils du fameux Agrippa Menenius le raconteur de fables, aussi il est condamné, oui, mais juste à une amende. Sauf que Menenius en prend un coup au cœur et, déprimé, il en meurt.
Et puis on juge Servilius, le consul qui a envoyé son armée au casse-pipes prendre l'imprenable Janicule. Servilius organise une défense... à la Trump, disons-nous, accusant les accusateurs, donnant des coups de menton, culpabilisant les juges pour la mort de Menenius, et ça marche : il est acquitté.
Mais les rebondissements de la lutte plèbe/patriciens ne sont pas terminés. Pendant que Rome doit rereredéfoncer en même temps les Sabins, les Volsci, les Aequi et Veii (petite année), les tribuns réclament encore une loi agraire et assignent les consuls qui refusent en justice, dès qu'ils ne sont plus consuls. Les jeunes patriciens regimbent. Et montent un complot contre-plébéien.
Et un jour où un tribun doit présider au procès d'un ex-consul, il ne paraît pas : on vient de l'assassiner.
Le mort est Cnaeus Genucius. Son assassin ? On ne sait pas. Des dizaines de patriciens se vantent du meurtre. Et restent impunis.
Les lois sacrées qui garantissaient l'inviolabilité des tribuns ne sont plus respectées.
Gros choc chez les tribuns de la plèbe. Ils n'osent pas s'opposer à la prochaine levée de troupes. Mais la plèbe n'a pas dit son dernier mot. Quand le consul vient l'enrôler comme simple homme de troupe, Volero Publilius, ex-centurion, soutient que son recrutement est illégal.
Et lorsque les licteurs viennent le saisir et menacent de le battre à mort pour faire un exemple, Volero en appelle hautement au peuple, usant de son droit à la prouocatio, l'appel au peuple. Une émeute se déclenche pour le défendre et s'en prend aux licteurs.
Volero devient une figure de la défense radicale des intérêts de la plèbe, loin des tribuns jugés trop tièdes ou peureux. Aussi, l'année suivante, il est élu tribun de la plèbe.
Il propose une réforme : la création de conciles plébéiens.
Jusqu'ici, nous dit Livounet, les tribuns de la plèbe étaient élus par les comices curiates, une assemblée remontant aux rois et mélangeant patriciens et plébéiens. Les conciles plébéiens reprennent le principe d'autres comices, les comices tributes (organisés par origine géographique) en excluant les patriciens. Ainsi le tribun par la plèbe est élu par la plèbe.
Tollé chez les Pères. On ne leur permet plus le gerrymandering !
Ils perdent une année en manœuvres dilatoires.
Volero Publilius est réélu tribun, avec pour collègue Laetorius.
De son côté, le sénat rétorque en réussissant à faire élire le membre du clan le plus droitier de la droite : Appius Claudius de la gens Claudia. On a vu son père pendant la sécession de la plèbe être un authentique salaud à prétentions dictatoriales.
Le tribun Laetorius attaque alors le consul si fort qu'à côté LFI est une réunion de gentils caniches. Or Laetorius n'est pas un orateur. Il fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait.
@hist_myth
Bon là je note le truc, ça a l'air de marcher à tous les coups. Trou-peau-de-vaches-mal-gardées puis em-bu-scade.
(range son petit carnet dans la poche)
Excusez-moi, voici justement un troupeau qui passe, et mal gardé en plus. Je le capture et je monte mon embuscade. Héhéhé...
Donc pouf, un beau matin de 471, les tribuns de la plèbe débarquent sur les comices et lancent un vote de la plèbe sur les conciles plébéiens. Laetorius ordonne de jeter dehors tous les patriciens.
Fureur desdits patriciens. Appius Claudius apparaît pour énoncer doctement un cours de droit selon lequel il a raison et l'autre a tort. Furieux, Laetorius envoie son appariteur (son gros bras) au consul. Appius Claudius envoie son licteur au tribun. Les deux hommes vont-ils se faire entre-écharper ?
Mais là, la plèbe en colère qu'on viole son tribun inviolable se dresse contre le consul tout entière, prête à frapper.
Appius Claudius ne doit sa survie qu'à l'intervention de l'autre consul.
Et même le sénat, peu désireux de se récupérer une énième émeute/sécession/guerre civile, trouve Appius Claudius un peu trop extrême. On lui dit de se calmer, on félicite son gentil collègue qui met tout le monde d'accord, et pendant ce temps les conciles plébéiens se créent tranquillement.
Mais enfin Appius Claudius se voit unanimement détesté par la plèbe, et quand il s'agit pour lui d'aller (encore) guerroyer contre les Volsci, il réussit à se mettre toute son armée à dos en les traitant de Volero au rabais et de gôchistes. Lorsqu'il l'aligne pour combattre, l'armée fuit. Exprès. Et ne cherche qu'à protéger son camp. Le lendemain quand les Volsci réattaquent, les Romains se débandent. Appius Claudius est furibard, fait exécuter les fuyards et décimer (tuer 1/10) les autres.
En revanche, dans l'armée de l'autre consul, c'est la concorde et la bonté et la communion dans le massacre et le pillage des ennemis Aequi.
Comme quoi, on voit ce que donne la manière forte.
(Xéxé devrait prendre des notes.)
Aussi, l'année suivante, dans le contexte d'une nouvelle proposition de loi agraire, Appius Claudius est traîné en jugement par les tribuns. Et Appius Claudius n'a vraiment pas envie de lécher les bottes des juges. Car il les méprise tous. TOUS !
Il se pointe au procès sans avoir même l'air de demander pardon, insulte tout le monde et réussit à impressionner par son air crâne et sa morgue patricienne.
Mais il y a un adversaire qu'Appius Claudius ne peut pas intimider : un virus. Alors que son procès est encore en cours, il crève d'une bête maladie.
RIP Appius Claudius. Même à tes funérailles on se disputa pour savoir s'il fallait te faire honneur.
Guerre des Volsci, Aequi, Sabins, etc. alors que la plèbe attend encore sa loi agraire.
On est en 469 et ça fait combien de décennies qu'on parle de loi agraire là ? Toujours pas passée ? Bref, la plèbe en a marre et sèche carrément les élections de 468. Ce qui n'empêche pas deux consuls de se faire élire, d'ailleurs. Par leurs clients, précise Livounet. Si vous voulez un équivalent moderne, c'est comme si demain on apprenait que Bolloré s'est fait élire président parce que toute la France s'est abstenue sauf les employés de Vivendi et Lagardère.
Mais enfin les nouveaux consuls n'eurent à gérer que les affaires courantes, à savoir comme d'habitude une guerre contre les Sabins et une autre contre les Volsci, et après une ou deux batailles épiques les Romains prennent la citadelle volsque d'Antium.
Rome va-t-elle se dépêtrer de ses voisins fort agaçants ? Les luttes sociales vont-elles trouver une solution ? et si on lançait une petite opération de rédaction de lois écrites au lieu de laisser n'importe qui lancer des procès et interpréter le droit n'importe quand ?
Vous en saurez plus dans le livre III !
Merci pour la lecture !
@hist_myth je note une constance au Sénat :
- ils nous gavent ces plébéiens on va leur mettre un Consul bien rude pour les mater !
PUIS
- Mais c'est qui ce mec il est complétement taré, il va tous nous faire tuer !
@gfadrelle C'est un peu comme si gouverner avec uniquement la fraction la plus riche de la population créait des problèmes. Curieux.
La suite est ici : https://mastodon.top/@hist_myth/113101780632236224