Eh, je suis tombé sur cet article expliquant pourquoi la gratuité des transports serait une mauvaise idée, qui est une sorte de florilège des arguments qu'on croise habituellement. Je vais donc m'essayer au débunking du pauvre
https://www.lemonde.fr/blog/transports/2023/12/21/la-gratuite-des-transports-une-fausse-bonne-idee/
Tout d'abord, la tribune est en réaction à la mise en place de la gratuité totale des transports de l'agglomération montpelliéraine pour les habitants à compter du 21 décembre 2023, et dresse donc 7 arguments selon lesquels ça serait une « fausse bonne idée ».
Le premier argument, c'est que c'est populaire, et permet de gagner des voix. C'est vrai. Mais c'est pas une raison *en soi* d'opposition. Une idée populaire n'est pas nécessairement mauvaise, comme une idée impopulaire n'est pas nécessairement bonne.
Mais gardons en tête que : c'est apparemment populaire. On y reviendra plus tard 😉
Deuxième argument : « se déplacer n'est jamais gratuit », ce qui est globalement vrai pour à peu près tout. Les transports, la santé, l'éducation, enfin bref, ce qu'on appelle « services publics », financés par les impôts. L'article parvient quand même à mentionner la marche à pied comme déplacement coûteux, ce qui n'est pas nécessairement faux, mais met en lumière la limite de cet argument, sauf évidemment si l'auteur défend l'idée de faire payer les gens qui se déplacent à pied.
L'idée de la gratuité n'est pas celle de ne pas payer les transports, mais bien celle d'en faire un service public, au même titre que bien d'autres, et donc de les financer collectivement par l'impôt.
Troisième argument : « Les gens n'en veulent pas », ce qui est curieux, étant donné que l'article affirme que c'est populaire, dans son premier point.
L'article évoque une étude, à Clermont-Ferrand, selon laquelle le prix des transports n'est pas la principale raison de leur non-utilisation par les personnes interrogées.
Les raisons qui arrivent, vraisemblablement en tête sont :
46% des gens considèrent que leur trajet s'allongerait en prenant les transports
39% considèrent les contraintes horaires trop importantes
Et 20% que le prix des abonnements est trop élevé.
Ce qui représente quand même une personne sur cinq. En outre, l'enquête est faite à Clermont-Ferrand, ville où les transports sont notoirement moyens, par rapport à son importance, notamment du fait d'un lobbyisme important de l'industrie pneumatique
Une enquête similaire à Lyon ou Strasbourg donnerait sans-doute des résultats assez différents. Et enfin : c'est pas incompatible. C'est un argumentaire fréquent, d'opposer l'amélioration du réseau et la gratuité, mais ils doivent aller de pair. Ce qu'aucun partisan de la gratuité ne nie. Donc, quand bien-même cela ne représenterait qu'un usager sur cinq, l'urgence écologique justifie de ne pas s'en séparer.
Et au-delà de l'approche utilitariste, perso je défends une approche solidaire, permettant de faire des transports un service public comme les autres, quand bien même ça n'augmenterait pas son utilisation. Enfin, les exemples de réseaux dont la fréquentation a crû après la gratuité sont nombreux. Dunkerque, par exemple, en juin faisait état d'une hausse de fréquentation de 28% en 5 ans.
https://www.bfmtv.com/grand-littoral/bus-gratuits-dans-le-dunkerquois-quel-bilan-apres-cinq-ans-apres-le-lancement-de-l-operation_AV-202306150597.html
Vient ensuite « Les usagers sont prêts à payer pour l'efficacité », ce dont je ne doute pas, mais ce n'est pas le sujet. On vit une période d'extrême inflation, où les gens sont de plus en plus précaires. C'est simplement hors-sujet.
L'argument de la non-solidarité est, lui-aussi, pour le moins curieux, sachant que le concept est de littéralement financer par l'impôt.
Comme l'article lui-même l'affirme, ce n'est effectivement pas gratuit, cela consiste en fait à faire peser davantage sur les plus aisé⋅es le poids du paiement des transports, ce qui est solidaire, presque par définition.
En tout cas, ça l'est encore plus que les « abonnements solidaires » vantés comme une solution, qui font peser le même poids sur les usager⋅ères, indifféremment de leur niveau de revenu, une fois sorti des plus précaires.
Vient ensuite : « Si c'est gratuit, c'est toi le produit ». Bon, là, j'ai rien à dire. L'hôpital est gratuit, explique-moi comment tu es le produit ?
La raison est que l'élu local y gagne en popularité, ce qui est le même point que le premier, toujours aussi éclaté.
@yan Pfff cte phrase faut arrêter mdr
Vient ensuite le dernier argument, celui de la suppression de lignes, en citant Niort comme exemple. Pendant ce temps, Aubagne a construit une ligne de tramway sous le régime de la gratuité.
On peut citer de nombreux exemples de réseaux qui n'ont pas été affaiblis par la gratuité (Dunkerque, Luxembourg, Aubagne...).
Je peux aussi citer des exemples de réseaux payants qui ont perdu des lignes, comme Chalon-sur-Saône (71), qui a vu son réseau perdre en substance d'années en années. Peut-être puis-je l'utiliser comme exemple que la fermeture de lignes est une conséquence inéluctable des transports payants.
On voit aussi des arguments comme le fait que le report modal concerne davantage des piétons ou des cyclistes, ce qui n'est un argument que si on considère l'usage des transports comme un problème.
On voit enfin un tweet qui prend l'exemple de Tallinn, en Estonie, où le trafic automobile a crû malgré la gratuité. Ce qui est une excellente illustration du fait que la gratuité ne doit pas être la seule mesure prise en faveur des transports, mais encore une fois, aucun partisan sérieux de la gratuité ne nie ce fait.
@yan J’avais lu ton fil sur Twitter. Je suis contente de le retrouver ici ^^.
En revanche, pour ce qui est de « perte de substance au fil des années », tu peux aussi citer, à plus grande échelle, le réseau de la SNCF, par exemple. Et le lien entre ça et le fait que les transports soient payants est beaucoup plus facile à établir : si tu payes au voyage, y a une logique de rentabilité, et on va petit à petit fermer les lignes qui coûtent plus qu'elles ne rapportent. Tandis que si tu payes, via les impôts, pour l'entretien du réseau, mais que le voyage lui-même ne coûte rien, ce calcul n'a plus lieu d'être, et on juge de l'intérêt ou pas de conserver des lignes sur d'autres critères, comme l'utilité pour les gens qui s'en servent.
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