Le Livre d'Argent

Elzen | @elzen@fadrienn.irlnc.org

22/25 Sans compter le fait que, si on mise sur une vie avec laquelle on pourrait communiquer, la durée de cette communication est à prendre en compte. Mettons qu'on détecte une civilisation à cent années-lumière d'ici : on leur envoie un message, iels ne le reçoivent que dans un siècle. Il faut ensuite autant de temps pour recevoir leur réponse. Ça fait peut-être un peu lent pour espérer tenir une conversation.

Détecter de la vie sur une autre planète serait une très chouette nouvelle. Mais il faut sans doute se mettre en tête que c'est à peu près tout ce qu'on pourrait faire : la détecter, et peut-être vaguement regarder de très loin (et avec beaucoup de latence) ce qui se passe. L'univers est trop grand autour de nous pour espérer pouvoir interagir.
Célèbre planche du WebComic The Oatmeal. Dans la première case, deux personnes marchent l'une à côté de l'autre et la première demande (en anglais) « Oracle, sommes-nous seuls dans l'univers ? ». Dans la seconde case, vue de beaucoup plus loin pour qu'on puisse observer un bout de ciel et le fait que ces deux personnages sont assez isolés, l'oracle répond « Oui. » Dans la case suivante, la première personne insiste, surprise, « Donc, il n'y a pas d'autre vie ailleurs ? » La case suivante nous montre un gros plan sur l'oracle qui répond « Il y en a. » Puis la dernière case est de nouveau vue de loin, montrant le ciel étoilé et l'oracle qui précise « Ils sont seuls aussi. »

21/25 Nos télescopes nous permettent de voir plus loin que nos seuls yeux, évidemment, mais plus on s'éloigne, plus on perd le détail des informations qu'on reçoit. Et eux mêmes ont une portée limitée : sur les cent mille années-lumière de diamètre de notre galaxie, une bonne partie nous est simplement inaccessible.

L'argument global derrière l'équation de Drake est de dire que, vu que notre galaxie est énorme (elle compte plus de deux cent milliards d'étoiles, c'est quand même pas mal), alors il y a forcément de la vie ailleurs, et probablement aussi de la vie intelligente. Et ça se tient. Mais ça néglige quand même de souligner qu'elle a de bonnes chances d'être trop loin pour qu'on puisse la détecter.
Représentation de notre galaxie, la Voie lactée, vue depuis l'extérieur (il s'agit d'une reconstitution, envoyer un robot à cette distance pour prendre une vraie photo demanderait quelques millions d'années de voyage). La position (approximative) du soleil est indiquée par une croix accompagnée d'une mention « vous êtes ici » dans l'un des bras spiraux, à un peu plus de mi-chemin (26 000 années-lumière environ) du centre.

20/25 Et, bien sûr, cette durée/distance varie pas mal d'une étoile à l'autre. Dans la salle du planétarium, je compare en ce moment souvent deux d'entre elles : Véga, l'étoile principale de la Lyre, est à 25 années-lumière de nous. Ce qui signifie que d'éventuels extraterrestres qui nous observeraient depuis là-bas nous verraient en ce moment en train de finir de fêter l'an 2 000.

Ça vous paraît beaucoup ? « Pas très loin » dans notre ciel se trouve Déneb, l'étoile principale du Cygne, qui elle se situe à… 1 600 années-lumière de nous. Des extraterrestres qui nous observeraient depuis là-bas verraient eux encore la fin de l'antiquité. Et ce sont pourtant deux étoiles visibles à l'œil nu, donc relativement proche, quand la plus grande partie de notre galaxie est trop loin pour être visible.
Capture d'écran de Stellarium montrant le triangle d'été, formé par les trois étoiles les plus brillantes du ciel à cette saison : Altaïr, dans la constellation de l'Aigle, Véga, dans celle de la Lyre, et Déneb, dans celle du Cygne. Les noms des trois étoiles sont indiqués, mais aucune constellation n'est tracée.

19/25 D'autant qu'il y a encore un autre point sur lequel le temps joue un rôle assez essentiel : celui de la durée nécessaire à ce que l'information puisse se propager jusqu'à nous. En effet, que ce soit pour capter des communications ou pour tenter d'identifier des traces de vie sur une exoplanètes, notre intermédiaire est le même : la lumière (au sens large, incluant les ondes radios). Et la lumière a une vitesse limitée.

Elle est, certes, très rapide, plus rapide qu'à peu près tout le reste dans l'univers, avec ses 299 792 458 mètres (ou, en arrondissant, 300 000 kilomètres) par seconde. Mais les distances qui nous séparent des étoiles sont simplement astronomiques, faisant que même la lumière a besoin d'un bon paquet d'années pour faire le trajet.
Image illustrant la page Wikipédia sur la vitesse de la lumière. On voit, sur fond de ciel étoilé, la Terre sur son orbite autour du Soleil, qui est visible au loin (la Lune est également présente sur l'image). La distance (moyenne) de cent cinquante millions de kilomètres entre notre planète et son étoile est mentionnée ; la lumière ayant déjà besoin de plus de huit minutes pour parcourir une telle distance.

18/25 Pour reprendre le même caractère comme exemple, notre pouce opposable est caractéristique du groupe des primates, qui fait son apparition il y a un peu moins de soixante millions d'années, donc après le célèbre impact d'un astéroïde ou d'une comète ayant entraîné la disparition des dinosaures non-aviens (dont il faudra d'ailleurs peut-être aussi que je cause un jour). Et donc au sein de ce groupe, notre espèce n'est âgée que de quelques centaines de milliers d'années.

L'évolution étant due à l'accumulation de mutations apparues par hasard (un hasard par ailleurs stabilisé par la sélection naturelle), il est encore une fois très incertain d'extrapoler, à partir de notre seul exemple, le temps qu'il faut pour qu'une espèce capable de communiquer apparaisse. Et donc de se limiter au nombre d'apparitions d'étoiles et à la durée de vie d'une civilisation pour mesurer l'intervention du temps dans l'affaire.
Capture d'écran de l'excellent documentaire Espèces d'espèces. On y voit un grand nombre de caractères évolutifs qui composent notre corps (pouce opposable, œil, poil, etc.) se répartir sur une frise chronologique, montrant combien de millions d'années se sont écoulés depuis que nous les avons acquis.

17/25 Mais c'est encore pire quand on considère que l'histoire ne commence pas avec notre espèce : il a d'abord fallu que les hasards de l'évolution fassent apparaître une espèce dotées des capacités cérébrales requises pour ça, mais aussi de quelques autres éléments indispensables (par exemple la capacité à manier efficacement des outils, grâce au pouce opposable sur notre main).

La vie est apparue sur Terre il y a plus de trois milliards et demi d'années, peut-être même plus de quatre. Si on a pu en relever des traces fossiles, ce n'était en revanche à l'époque que des formes de vie microbiennes. J'en parlais rapidement la semaine dernière, les grandes lignées animales et végétales actuelles n'ont commencé à se diversifier qu'il y a cinq à six cent millions d'années, soient beaucoup plus tard, à une époque qu'on appelle le Cambrien.

D'ailleurs, si ça vous intéresse, lisez ça, c'est assez passionnant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Explosion_cambrienne

16/25 Combien de temps a-t-il fallu à la vie terrestre pour être en mesure de communiquer ? On a déjà dit que l'espèce humaine apparaît il y a environ 300 000 ans, et ne commence à émettre qu'il y a moins d'un siècle. Est-ce que cela aurait pu prendre un temps complètement différent ? Sans doute, puisque cela dépend beaucoup des aléas de l'Histoire.

À titre d'exemple, j'ai parlé plus haut de l'invention de l'agriculture dans le « croissant fertile » il y a environ onze mille ans, en précisant que c'était « la plus ancienne ». En effet, il y a eu plusieurs inventions de l'agriculture, indépendantes les unes des autres, à différents coins de la planètes, avec quelques milliers d'années de décalage entre elles. Ce qui fait déjà une incertitude pas négligeable sur le temps dont on peut avoir besoin avant de construire des radiotélescopes.
Carte montrant les différents foyers d'émergence de l'agriculture et la façon dont elle s'est répandue à l'ensemble de la planète. L'agriculture européenne hérite de celle apparue dans le croissant fertile (proche et moyen-orient actuels) il y a onze mille ans, mais d'autres foyers sont apparus en Chine il y a neuf mille ans, en nouvelle guinée il y a entre neuf et six mille ans, probablement en Afrique il y a cinq à quatre mille ans, et sur le continent américain, où on compte un foyer au sud-ouest (cinq à quatre mille ans), un dans l'actuel Mexique (cinq à quatre mille ans) et un au nord-est (quatre à trois mille ans).

15/25 Bref, donc, revenons à notre équation. Et remarquons que ce facteur est le deuxième, après le nombre de formations d'étoiles par an, à prendre en compte un aspect temporel. Ce qui semble dessiner une histoire plutôt simple : les civilisations ne durent qu'un temps limité, OK, mais comme de nouvelles étoiles se forment régulièrement, avec leurs planètes autour d'elles où d'autres civilisations vont apparaître, l'un dans l'autre, ça doit se compenser, non ?

Ben en vrai ce n'est pas aussi clair que ça. Parce que ce raisonnement implique qu'il y ait un lien entre les deux, donc une forme de régularité. Ou bien un nombre suffisant de civilisations autour de nous pour pouvoir faire une moyenne. Or, les valeurs des paramètres utilisées par Drake (pas mal optimistes, on l'a vu) nous donnent un résultat de 10 civilisations avec lesquelles nous pourrions communiquer. Ce qui paraît un peu peu pour faire des moyennes fiables.
Image du mème venu de South Park montrant le plan des gnomes en trois étapes dont la seconde (et la façon dont elle reliera les deux premières) est très incertaine, rendant le tout assez bancal. Ici, la phase 1 est illustrée par la photo prise par le télescope spatial James Webb des célèbres piliers de la création, un nuage de gaz où des étoiles sont en train de se former, et la phase 3 par une photographie des antennes en réseau du radiotélescope d'ALMA, dans le désert de l'Atacama au Chili.

14/25 Certaines personnes objecteront peut-être qu'on hérite encore en grande partie de la culture gréco-romaine, et qu'on lit toujours des auteurs de l'antiquité, comme Aristote. Alors, n'est-on pas toujours la même civilisation ? Alors, d'une part, j'invite ces personnes à se renseigner un peu sur la notion de « biais du survivant », parce que bon, pour un Aristote qui a été conservé, de combien d'auteurs a-t-on perdu les écrits, si on les a seulement retenus ?

D'autre part, ça ne fait au mieux que 2 500 ans, soit un quart de la durée « moyenne » estimée, et on a quand même particulièrement changé de façon de penser depuis. Lisez les threads de @hist_myth sur l'Histoire de Rome, par exemple : on a hérité de pas mal de choses de l'époque, mais le temps a quand même pas mal joué aussi, et heureusement.
Image classique illustrant le biais du survivant : le plan d'un avion militaire avec une multitude de points rouges indiquant les endroits où ont été relevés des impacts de tirs ennemis. Le réflexe pourrait être ici de chercher à blinder davantage les zones fréquemment touchées… mais il serait probablement plus intéressant de blinder plutôt les zones où aucun impact n'a été relevé, puisque cela signifie que les avions ayant été touchés à ces endroits ne sont pas revenus.

13/25 À quel point cette estimation est-elle crédible ? Commençons par rappeler que dix mille ans, c'est à peine moins que ce qui nous sépare de la plus ancienne invention de l'agriculture, celle du « croissant fertile ». L'invention de l'écriture, qui nous a fait passer de la préhistoire à l'Histoire, n'a pour sa part qu'un peu plus de cinq mille ans.

Or, on a quand même pas mal changé de modes de société depuis cette époque. Un bon paquet de fois, même. Pour ne pointer qu'un seul aspect du problème, et j'invite les gens de @tract_linguistes à me corriger si je me trompe ici, mais on a mis pas mal moins de mille ans à voir émerger un bon paquet des langues européennes actuelles à partir du seul latin. Les langues qu'on parlera dans dix mille ans, si on tient jusque là, n'auront juste plus rien à voir avec les actuelles.
Représentation sous forme d'arbre (stylisé) des relations de parenté entre les différentes langues issues de l'indo-européen. On voit notamment, sur la droite de l'image, deux branches menant aux langues germaniques, dont notamment l'anglais et l'allemand, et aux langues romanes, ayant donné tous les descendants actuels du latin (espagnol, italien, portugais, français, etc.)

12/25 Reste enfin le dernier paramètre, à savoir la durée de vie moyenne d'une civilisation. Rappelons que nous ne prenons ici en compte que les espèces en état de communiquer, et que donc, de ce point de vue, il ne faudrait compter la nôtre qu'à partir du moment où nous avons commencé à émettre des signaux vers l'espace et à chercher à en capter, soit… dans les années 1930 !

Je ne vais pas revenir davantage là-dessus pour l'instant, mais au rythme auquel nous pourrissons actuellement notre environnement, il faudra prendre des mesures assez importantes si on veut que notre contribution à cette moyenne dépasse les deux siècles. Ce qui est plutôt loin de la valeur estimée par Drake, à savoir dix mille ans.
Vue aérienne des incendies ayant eu lieu en Californie il y a quelques années. On voit un grand nombre d'arbres en train de brûler, et surtout un panache de fumée qui couvre plus de la moitié de l'image. Les incendies à répétition sont une des conséquences du dérèglement climatique.

11/25 On peut aussi revenir un peu au cas, rapidement mentionné la semaine dernière, des planètes ou lunes avec un océan sous-marin : même si une forme de vie « intelligente » (dans la plupart des sens du terme) apparaissait dans un tel environnement, elle serait simplement incapable d'émettre quoi que ce soit vers l'espace, et donc de communiquer avec nous.

Donc, c'est pertinent de distinguer ces deux critères. Il n'empêche que nous n'avons pas plus d'éléments dans un cas que dans l'autre pour les évaluer. Quelle proportion de planètes habitées pourrait développer une vie « intelligente » ? Quelle fraction de ces vies intelligentes pourrait et voudrait communiquer ? Drake estimait 0,01 dans les deux cas, mais, à ma connaissance, ça reste une supposition gratuite.
Vue en coupe de Ganymède, la plus grosse des lunes de Jupiter (pour changer d'Europe dont j'ai déjà parlé plusieurs fois). Jupiter est visible (mais floue) à l'arrière-plan, et les différentes couches qui constituent le satellite naturel sont légendées. On note la présence d'un océan d'eau salée, mais piégé sous une couche de glace, empêchant toute communication avec l'espace.

10/25 Pour les deux facteurs suivants, en revanche, ça commence à devenir complètement de l'extrapolation gratuite. D'abord, il faudrait définir ce qu'on appelle « vie intelligente », ce qui est loin d'être évident : selon la définition qu'on prend, le nombre d'espèces intelligentes vivant présentement sur Terre pourrait sans doute être discuté, mais je vais éviter de me lancer dans ce genre de considérations pour l'instant.

On peut en tout cas remarquer que Drake a fait deux facteurs différents pour distinguer le fait qu'une forme de vie soit « intelligente » de sa capacité à (ou volonté de) communiquer, ce qui est plutôt une bonne chose. Typiquement, notre espèce humaine est apparue il y a environ 300 000 ans, sans changement notable dans nos capacités cognitives depuis, et pourtant nous n'émettons des signaux vers l'espace que depuis moins d'un siècle.
Photographie de 花火 子 (Hanabi-ko, soit « enfant de feu d'artifice »), dite Koko, gorille éduquée par l'éthologue Penny Patterson et qui était capable de communiquer avec nous en utilisant la langue des signes américaine, signe que la maîtrise du langage, au moins, n'est pas une spécificité humaine.

9/25 Le facteur suivant est donc la portion de planètes habitables qui deviennent effectivement habitées. C'est un peu plus difficile à évaluer tant qu'on n'a trouvé de vie nulle part ailleurs, évidemment, mais ça veut dire que jusqu'à preuve du contraire, puisque notre Terre est la seule planète a avoir été identifiée comme clairement habitable jusque là, ce ratio est pour l'instant de 1, soit la valeur que Drake avait supposée à l'époque.

Bon, évidemment, il est sans doute bien plus faible en vrai. Mais quand même, les plus anciennes traces de vie relevées sur Terre semblent montrer que la vie est apparue à peu près dès que ça a été techniquement possible. D'un autre côté, même si on est encore loin d'avoir fouillé partout sur Mars, on n'a pas encore trouvé de traces de vie fossiles datant de l'époque où elle a peut-être été habitable. Donc à voir ce que donneront les prochaines missions de ce côté.
Photographie de stromatolithe fossile. Il s'agit d'une structure principalement de calcaire, constituée par sédimentation en eaux peu profondes à partir d'êtres vivants microscopiques, semblables aux bactéries. Les plus anciennes de ces traces datent d'il y a au moins 3,5 milliards d'années.

8/25 Au total, si environ sept mille exoplanètes ont été confirmées, nos candidates pour la recherche de vie extraterrestre sont cent fois moins nombreuses, autour de septante, ce qui fait un ratio pas hyper élevé. On connait quelques systèmes avec plus d'une candidate, mais, dans l'ensemble, une étoile avec plusieurs planètes vraiment habitables autour d'elle risque fort d'être un cas plutôt rare.

Donc, Drake a probablement pas mal surévalué les choses ici (mais c'est normal, vu à quel point il manquait de données à l'époque), et il est assez peu vraisemblable qu'on compte plus d'une planète habitable par système. En moyenne, on est plus probablement quelque part un peu en dessous de un. Ce qui n'est déjà pas si mal.
Vue d'artiste d'une exoplanète du système TRAPPIST-1, un des rares systèmes découverts dans lesquels plusieurs planètes se trouvent dans la zone habitable de leur étoile. On voit ici un paysage de glace et d'eau liquide, avec dans le ciel une étoile naine rouge vue d'assez près, et deux autres des planètes du système passent dans le ciel.

7/25 Les premières exoplanètes qu'on a découvertes étaient des géantes gazeuses orbitant très près de leur étoile, donc des endroits totalement pas habitables, et qui ne ressemblent pas du tout à ce qu'on trouve chez nous. Ça a d'abord conduit à réviser sérieusement à la baisse nos estimations du nombre de planètes habitables.

Cependant, il faut garder en tête qu'on trouve en premier… ce qui est le plus facile à trouver. Tous les systèmes stellaires ne ressemblent pas à celui de Dimidium non plus. Pour vous faire votre propre idée sur combien de planètes sont habitables, vous avez mon thread de la semaine dernière, qui tente de lister les critères qu'on a pu identifier pour ça.

Le thread en question se trouve ici : https://fadrienn.irlnc.org/notice/AxCLpjrQgQ11SSuqau

6/25 L'estimation du troisième facteur (techniquement formulé comme une espérance mathématique, mais ça va à tout le monde si je continue de parler directement en nombre de planètes ? Les statisticien·ne·s et les gens qui se demandent comment une femme peut avoir 1,8 enfants peuvent râler ^^) a elle aussi pas mal évoluée avec le temps. Drake avait proposé une valeur de 2.

Combien de planètes propices à la vie peut on réellement s'attendre à trouver par système stellaire ? Autour de notre soleil à nous, c'est facile : une seule. Aucune des autres n'est présentement habitable, même si Mars l'a peut-être été par le passé. Mais tous les systèmes ne ressemblent pas au nôtre, loin de là.
Vue d'artiste de Dimidium, l'une des premières exoplanètes découvertes. On voit la planète, ressemblant un peu à Jupiter, mais beaucoup trop proche de son étoile, qui occupe la plus grande partie du dessin. Effectivement, ça ne ressemble pas franchement à notre système solaire.

5/25 Aujourd'hui, plus de trente ans après cette première découverte, ça le semble beaucoup moins. On a actuellement confirmé l'existence d'un peu plus de sept mille exoplanètes, et on a des données encore en attente de confirmation qui pourraient augmenter encore pas mal ce nombre. Évidemment, le nombre d'étoiles avec une planète confirmée autour est plus faible (vu que pas mal d'entre elles en ont plusieurs), mais on a maintenant des raisons de penser que les systèmes stellaires avec au moins une planète sont plutôt courants.

Avec les données actuelles, donc, une estimation de 0,5 comme celle initialement avancée par Drake semble maintenant raisonnablement prudente. Il faut donc garder en tête qu'on parle de choses qu'on découvre au fur et à mesure et que nos estimations peuvent pas mal varier au gré des avancées de nos travaux.
Image fort peu réaliste mais assez jolie représentant un paquet d'étoiles avec un certain nombre de planètes qui tournent autour de la plupart d'entre elles. Cette image-ci est juste pour décorer.

4/25 Mais bon, jouons le jeu, pour l'exercice, et tâchons de voir ce qu'on peut dire des facteurs choisis par Drake et de la valeur qu'il leur donne. Le premier, le nombre d'étoiles qui se forme annuellement dans notre galaxie, peut être estimé de façon plutôt fiable, sachant qu'on a de bonnes connaissances sur le cycle de vie des étoiles. Drake proposait un ratio de 10 par an qui, sauf erreur de ma part, reste plutôt cohérent avec les données actuelles.

Concernant le second, la portion d'étoiles ayant au moins une planète autour d'elles, il commence à y avoir un peu plus à discuter. Drake propose 0,5 (donc, environ une étoile sur deux solitaire et l'autre accompagnée) en 1961, soit un peu plus de trente ans avant la détection de la première exoplanète. À son époque, ça semble encore être une estimation pas mal optimiste.
Photographie (prise par le télescope spatial Hubble) de la grande nébuleuse d'Orion, un nuage de gaz visible dans la constellation du même nom (principale constellation du ciel de l'hiver, qui commence à se lever en toute fin de nuit sur la période où j'écris ces lignes). Ce sont dans des nébuleuses de ce type que les étoiles se forment, puis des planètes peuvent ensuite se former autour de ces étoiles à partir de la matière qu'elles entraînent par leur gravité.

3/25 Et on va commencer les hostilités dès le troisième pouet : exprimer ça sous la forme d'une équation, ça fait peut-être sérieux, mais en vrai il n'y a rien de spécialement mathématique là-dedans. Tout ce que ça fait, concrètement, c'est lister une série de critères, sans qu'on sache trop pourquoi ceux-là en particulier, et nous laisser spéculer sur à quel point ils vont être sélectifs.

Il y a pas mal de vraies équation célèbres en physique, E=mc², PV=nRT, etc., et à chaque fois, les différents facteurs ont une signification précise qu'il a fallu mettre en évidence. Dans « l'équation » de Drake, ils sont là pour qu'on discute de leur valeur, mais il n'y a aucune raison spécifique d'utiliser ces facteurs-là plutôt que d'autres. Cette « équation » n'est pas une formule scientifique, c'est un cadre de discussion.
Représentation humoristique de l'équation de la loi de l'attraction universelle découverte par Isaac Newton, une autre célèbre équation physique (assez importante pour l'étude des planètes). Elle indique que la force d'attraction entre deux objets est égale au carré de leurs masses divisées par le carré de la distance qui les sépare, multiplié par une des constantes fondamentales de notre univers, la constante gravitationnelle. L'équation est ici représentée sur un dessin de Gotlib montrant une pomme tombant sur la tête de Newton, et représente donc la force d'attraction qui s'exerce entre la tête de Newton et la pomme.

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