§ Posté le 01/01/2018 à 0h 00m 00
Extrait musical : Hexagone, Renaud Séchan
Nous sommes désormais en 2018, et notre monde ne tourne toujours pas rond.
Et pourtant, ça ne tient parfois pas à grand chose. Vous avez entendu parler de Mastodon ? C'est un outil comparable à Twitter, mais qui n'en présente pas les aspects problématiques(1). Il existe depuis un certain temps maintenant, mais est longtemps resté assez discret. Un jour, un peu avant les dernières JdLL, quota_atypique est tombée par hasard dessus, et a commencé à en parler, en mode « tiens je viens de découvrir ça, ça a l'air chouette ». Dans la semaine qui a suivi, le réseau est passé de 300 à 3 000 comptes actifs. Et ça n'a pas cessé d'augmenter depuis, on a encore gagné quelques zéros.
Et si faire progresser les choses ailleurs n'était pas tellement plus compliqué ?
Extrait musical : Every breath you take, The Police
L'état d'urgence est devenu permanent, puisque nombre de ses dispositions sont entrées dans le droit commun. Et même sans ça, cela fait des années que nous avons pu nous habituer à la vidéosurveillance généralisée, aux fouilles des sacs à l'entrée des bâtiments publics, etc.
Nos politiques n'ont pas l'air de vouloir s'arrêter là et continuent leurs projets macabres. Pendant que certains s'obstinent à vouloir créer un délit de pensée, d'autres veulent casser jusqu'au droit d'encourager les gens à aller lire autre chose. Et ce ne sont là que les projets dont nous avons eu vent jusque là, mais qui sait ce qu'ils préparent encore sans avoir jusque là communiqué dessus ?
Pourtant, des solutions existent. D'abord, les député⋅e⋅s sont censés nous représenter : il n'est jamais trop tard pour aller leur parler, par exemple en les rencontrant lors de leurs permanences(2), pour leur faire entendre notre point de vue. Ça ne suffira peut-être pas, mais ça marchera toujours plus que de les laisser faire sans rien dire.
Mais pour avoir des éléments d'analyse sur ce qu'il préparent, et des arguments à leur donner, pour réparer les pots cassés quand leurs projets nuisibles ont réussi à passer, nous avons besoin de personnes compétentes et motivées qui peuvent s'y consacrer à plein temps. Et ça tombe bien : nous en avons. Je vous ai d'ailleurs montré récemment que cela fonctionne.
Tout le monde n'a pas le temps, l'énergie ou les compétences pour aider directement la Quadrature du Net sur ces dossiers. Mais la plupart d'entre nous ont les moyens de donner quelques euros de temps en temps pour permettre à celles et ceux qui le peuvent de continuer à travailler. Un don récurrent, même léger, aide à préparer sereinement la suite. N'hésitons pas.
Extrait musical : Une guitare, un citoyen, Alain Souchon.
Extrait musical : Every breath you take, The Police.
Il n'y a, hélas, pas que les États dans ce régime de surveillance qui est déjà en grande partie en place. Des entreprises privées y contribuent énormément. Elles n'ont pas le pouvoir des lois pour cela, mais y parviennent en jouant avec nos ignorances, en nous faisant payer au prix fort, même si nous n'en avons pas conscience, les services « gratuits » qu'elles nous proposent. Ce marché n'est pas honnête.
Ces entreprises privées deviennent, lentement mais sûrement, plus puissantes que les États. Or, quel que soit le niveau de démocratie de ces derniers, elles le sont encore moins.
Pourtant, comme le disait, il y a fort longtemps, Étienne de la Boétie, Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux
. Toute la puissance de ces entreprises réside dans le fait que nous nous y soumettons volontairement. Cela peut changer.
Nous avons quelques outils légaux, quelques pistes pour les combattre sur le plan juridique, mais le plus efficace sera de cesser de faire appel à elles. Dans pas mal de cas, ça peut se faire d'une manière assez douce. Un certain nombre d'outils alternatifs existent qui peuvent être utilisés aussi simplement, et pour lesquels il ne faut que faire l'effort de les connaître.
Framasoft et les hébergeurs associatifs du projet CHATONS ont également besoin de notre soutien. Monétaire, bien sûr, mais pas que : utiliser leurs services en lieu et place de ceux des GAFAM, c'est déjà peser pour faire pencher la balance dans le bon sens.
Extrait musical : Résiste, France Gall.
Extrait musical : Les filles des forges, Amélie-les-Crayons.
Il faut noter cependant que changer de fournisseurs de services sans changer un minimum nos habitudes ne suffira sans doute pas. Nos biens communs numériques sont comme tous les autres biens communs : il est nécessaire d'en prendre soin. Le monde du libre, actuellement, manque cruellement de personnes qui contribuent à améliorer, ou seulement à entretenir les choses.
Tout le monde, je l'entend bien, n'a pas les compétences nécessaires pour contribuer à travailler sur le code. Mais, d'une part, un certain nombre de personnes l'ont et pourraient mettre un peu plus la main à la pâte. D'autre part, et surtout, il y a d'autres façons de contribuer que celle de produire du code.
Rapporter les éventuels problèmes, ou plus simplement dire ce que vous aimeriez trouver dans un logiciel donné, cela peut déjà grandement aider les gens qui s'occupent de le faire. Le faire connaître aide également. Rédiger ou traduire de la documentation est également essentiel. Il y a énormément de choses à faire, et si chacun⋅e prend la peine d'en faire un peu, tout ira mieux pour tout le monde.
Être là, simplement, pour rappeler aux personnes qui font ces choses que ces efforts ne sont pas faits pour rien, ça peut déjà être beaucoup.
La société du savoir va de paire avec celle de la contribution. Alors, voilà, contribuons.
Extrait musical : La Terre est si belle, Hugues Aufray.
De tout ce dont je viens de parler, une bonne partie requiert Internet. Or, l'accès à Internet est quelque chose qui n'est pas spécialement bien garanti partout. Je ne parle pas seulement des problématiques de neutralité du net, bien qu'il soit essentiel de la maintenir chez nous, mais plus basiquement de l'accès lui-même.
Énormément de zones en France sont encore raccordées uniquement par câble téléphonique, avec des longueurs de câble qui ne permettent qu'un débit très nettement insuffisant par rapport aux besoins de la personne lambda en 2018. La fibre est en train d'être déployée un peu partout, mais les travaux prendront du temps, et dans pas mal d'endroits, l'ordre dans lequel les choses sont faites n'est pas le bon : cherchant la rentabilité, les opérateurs commerciaux déploient en priorité vers les zones dans lesquelles il y a le plus de monde, qui sont bien souvent celles où le réseau est déjà fonctionnel ; et repoussent l'arrivée de débits corrects dans les zones blanches d'encore au moins dix ou vingt ans.
J'en parlais récemment aussi, certains fournisseurs d'accès à Internet associatifs se donnent pour tâche poser des liens radios directionnels qui permettent d'amener des débits corrects là où il n'y en a pas encore. La difficulté, pour cela, est qu'il faut avoir des lieux où raccorder ces réseaux radios à Internet. Si vous disposez d'une fibre, vous pouvez nous aider à ce niveau.
Une fibre optique permet des débits largement supérieurs à ce dont nous avons besoin actuellement. Dans la plupart des cas, on peut vous en occuper un peu sans que la différence ne soit humainement perceptible, ou en tout cas sans qu'elle soit gênante. En partageant votre connexion, vous pouvez permettre à d'autres d'obtenir un accès à Internet décent sans que cela ne vous coûte quoi que ce soit (et sans prendre de risques : nous séparons proprement les différentes connexions).
Vous pouvez également en profiter pour prendre, pour vous, un accès par VPN, qui vous assurera un accès neutre au réseau en empêchant votre opérateur commercial de faire des bêtises avec vos données.
Extrait musical : Get Up, Stand Up, Bob Marley.
Extrait musical : Il suffira d'un signe, Jean-Jacques Goldman.
Je n'ai abordé ici que des aspects liés au numérique, parce que ce sont les domaines que je connais le mieux, et où je sais ce qui peut être fait assez simplement. Mais il y a énormément d'autres domaines où nous pouvons contribuer, plutôt simplement, à faire bouger les choses. Je ne sais pas encore comment, mais je compte sur vous pour partager ce qui peut l'être.
Notre environnement est dans un sale état, notre code du travail a été saboté, notre société oppresse pas mal de gens. Tous ces domaines sont importants, et quoique les luttes à ces différents niveaux soient complémentaires, nous nous y livrons pour l'instant d'une manière qui est trop peu coordonnée, sans toujours savoir ce qui se fait à côté.
Pourtant, être attentif à ce que font nos camarades ne devrait pas être si compliqué. Il y a quelques œillères à enlever pour cesser d'être focalisé⋅e⋅s sur un aspect en oubliant tout le reste ; il faut accepter que nous ayons au moins autant de leçons à prendre qu'à donner. Accepter qu'il faudra faire des compromis avec ce qui nous tient à cœur, et surtout avec ce dont nous avons moins l'habitude, mais qui nous concerne tout autant.
Une piste simple, ici : nous connaissons tou⋅te⋅s, de près ou de loin, des gens qui ont d'autres engagements que les nôtre. Pourquoi ne pas prendre le temps de discuter avec ces personnes, pour que chacun⋅e apprenne à mieux connaître ce qui tient à cœur aux autres ? N'hésitez par ailleurs pas à jeter un œil aux conférences gesticulées. Pas seulement celles de Franck Lepage : il y en a un grand nombre d'autres, dans la même mouvance, mais sur des sujets assez variés. C'est un bon moyen d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
Extrait musical : It's a man's world, James Brown
Et puis, quand même, un mot sur un autre sujet récurrent de ce blog : l'aspect inégalitaire de nos sociétés, particulièrement envers les femmes (mais pas que, loin de là). Ai-je vraiment besoin de dresser de nouveau le tableau ? Harcèlement quotidien, inégalités salariales et autres discriminations directes… mais également tout ce qui peut contribuer à cloisonner nos esprits pour entretenir cet état de fait : jouets différenciés, métiers dont nous ne savons même pas comment parler sans les genrer, et tout le reste.
S'en prendre aux symptômes les plus graves, de la même façon qu'attaquer les lois problématiques, demande du temps, de la motivation, et des compétences. Mais contribuer à faire changer les mentalités est à la portée de tout le monde : faire quelques menus efforts soi-même pour ajuster son comportement n'est pas particulièrement dur. Je vous ai parlé des réflexions sur la langue. D'autres l'ont fait aussi, peut-être mieux que moi. Pourquoi ne pas essayer ?
Plus généralement, faire attention à ce que l'on dit autant qu'à la façon de le faire. Penser aux personnes pour tout ce qu'elles sont, plutôt que de n'en retenir que certains morceaux. Se montrer attentifs⋅ves à ce qui se passe autour de nous, et être prêt⋅e⋅s à intervenir en cas de besoin, même si l'on ne sait pas toujours quoi faire.
Bref, pour amener à un peu plus d'égalité, se montrer simplement un peu plus fraternel⋅le⋅s.
Extrait musical : C'est ça la France, Marc Lavoine.
Extrait musical : Hexagone, Renaud Séchan
Il y a maintenant un demi-siècle débutait une année assez particulière, pas seulement en France, et pas seulement pour son mois de mai. Certaines personnes pensent que les militant⋅e⋅s de l'époque ont échoué à changer les choses à ce moment. Je n'en suis pas si sûr : il y a eu un certain nombre de progrès importants, même s'il en reste bien d'autres à faire. Il ne tient qu'à nous de continuer les choses, peut-être de manière plus pacifique, mais avec le même entrain, la même force de conviction.
Militant⋅e⋅s de toutes les luttes, unissons-nous.
Pour changer, ce monde n'a besoin que de nous.
Extrait musical : Symphonie du Nouveau Monde, 4e mouvement (Allegro con fuoco), Antonín Dvořák.
Extrait musical récurrent : Encore et encore, Francis Cabrel.