§ Posté le 12/10/2014 à 23h 01m 46
Il ramona soigneusement ses volcans en activité. Il possédait deux volcans en activité. Et c'était bien commode pour faire chauffer le petit déjeuner du matin. Il possédait aussi un volcan éteint. Mais, comme il disait, « On ne sait jamais ! » Il ramona donc également le volcan éteint. S'ils sont bien ramonés, les volcans brûlent doucement et régulièrement, sans éruptions. Les éruptions volcaniques sont comme des feux de cheminée. Évidemment sur notre terre nous sommes beaucoup trop petits pour ramoner nos volcans. C'est pourquoi ils nous causent des tas d'ennuis.
Cette explication d'Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince n'est bien sûr pas particulièrement réaliste. Sauf sur un point : on ne sait jamais
, en effet.
La durée de vie d'un volcan est tellement énorme que les volcans dont la dernière éruption remonte à quelques dizaines de milliers d'années ou moins, comme c'est par exemple le cas pour les plus jeunes des volcans d'Auvergne, ne peuvent pas être complètement considérés comme éteints, mais seulement comme « endormis ».
Ce terme « durée de vie » est-il approprié ? Bien sûr, les volcans ne sont pas « vivants » aux sens définis par la théorie de l'évolution(1) ; mais ils sont les témoins du fait que notre planète présente une activité géologique notable, comme c'est aussi le cas de Vénus, et comme ce fut autrefois le cas de Mars. Cette activité fait de la Terre une planète « vivante », dans une acception géologique de ce terme.
Cette activité géologique se déroule bien sûr, à échelle humaine, assez profondément sous nos pieds. Pas si profondément, cependant : le volcanisme reste ce que l'on pourrait qualifier d'« activité de surface », compte tenu de la taille énorme de notre planète. Inutile d'imaginer une énorme couche de lave dans le noyau terrestre : celle qui alimente nos volcans provient de la couche que l'on appelle le « manteau », un peu au dessous de la « croûte », c'est-à-dire la couche de surface. Et ce manteau est essentiellement solide.
Quoique la plupart du manteau soit solide, il fait tout de même plutôt chaud à cette profondeur, ce qui fait que, malgré la pression élevée, certains minéraux vont parfois se mettre à fondre. Certains, mais pas tous. Et c'est le fruit de cette fusion partielle qui forme le magma, la roche en fusion qui va, étant moins dense que la roche solide qui l'entoure, être évacuée vers le haut par la poussée d'Archimède.
Le magma liquide va donc avoir tendance à remonter, pour s'accumuler dans des chambres magmatiques, de grandes cavités situées sur deux niveaux, les chambres magmatiques profondes vers la limite entre la croûte et le manteau ; et les chambres magmatiques de surface, plus petites, dans la croûte terrestres, à quelques kilomètres sous nos pieds.
De temps à autres, ces chambres magmatiques de surface « débordent » un peu, et une très faible quantité de la lave qu'elles contiennent (les 10% ne sont atteints qu'exceptionnellement) va achever de remonter jusqu'à l'extérieur par une « cheminée », donnant lieu à ce que n'on appelle une éruption volcanique.
Avant de revenir plus en détail sur les aspects de ces éruptions, que vous pouvez admirer sur les quelques images d'illustrations parsemées dans cet article – et qui proviennent du blog The Big Picture du Boston Globe, ainsi que du projet Wikimédia Commons –, intéressons-nous à la position des volcans et aux raisons qui les font apparaître. Ces deux aspects sont en effet liés.
L'activité géologique de notre planète ne réside pas uniquement dans le volcanisme : elle comprend également ce que l'on appelle la tectonique des plaques. En attendant une explication plus complète, qui viendra peut-être dans un prochain article, je me contenterai ici de préciser rapidement que la croûte terrestre n'est pas constituée d'un seul bloc indivisible, mais au contraire d'un certain nombre de « plaques » que la convection du manteau met en mouvement les unes par rapport aux autres.
Aux limites de ces plaques, des frottements ont lieu, provoquant des échauffements, conduisant entre autres à l'apparition de la plupart des volcans de notre planète, dans de grandes chaînes volcaniques comme la dorsale océanique située au milieu de l'Atlantique.
Le reste de nos volcans est situé au dessus de « points chauds », des régions localisés du manteau où la température est, pour des raisons pas forcément bien déterminées, plus chaude qu'ailleurs. Les mouvements des plaques dûs à la tectonique font que cette région du manteau, fixe en profondeur, va sembler se déplacer en surface : au fil du temps, les anciennes cheminées volcaniques, s'étant déplacées par rapport au point chaud, vont cesser d'être alimentées, pendant que de nouvelles apparaîtront.
C'est ce qui nous donne des archipels volcaniques comme ceux des Açores, des Galapagos et des Maldives. L'île de la Réunion est également un bon exemple : si le volcan actuel y est le Piton de la fournaise, c'est un autre édifice volcanique, le Piton des neiges, qui fut à l'origine de la formation de l'île, avant que celle-ci ne se déplace. L'île Maurice, située à quelque distance, fut également formée par ce même point chaud.
Il peut arriver occasionnellement qu'un point chaud se trouve sous une limite entre deux plaques. C'est le cas en Islande, et c'est la raison pour laquelle la dorsale océanique, sous-marine sur le reste de son parcours, émerge ici en surface.
Lorsqu'elles ont lieu à l'air libre plutôt qu'au fond des océans, ces éruptions peuvent tendre vers deux comportements : si la lave est suffisamment fluide, elle va former en surface de larges coulées qui se déplaceront sur de longues distances. On parle d'éruptions effusives, comme celles qui ont lieu à Hawaii et sur l'île de la Réunion.
Si, au contraire, la lave est très visqueuse, elle va peu s'écouler, mais l'éruption va projeter des « bombes volcaniques », des blocs de lave chaud qui vont retomber aux alentours ; et surtout des nuages de gaz et de cendres chaudes, baptisés « nuées ardentes » s'ils dévalent les pentes du volcan, ou « panache volcanique » s'il s'élève en altitude au dessus du volcan.
On parle alors d'éruptions explosives, deux exemples parmi les plus connus étant celle du Vésuve en Italie, qui détruisit Pompéï durant l'antiquité romaine (panache volcanique), et celle de la Montagne Pelée, sur l'île de la Martinique, au début du siècle dernier (nuée ardente).
Bien sûr, beaucoup de cas intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes, comme ceux du Stromboli et de l'Etna, qui combinent coulées relativement importantes et fortes projections.
L'aspect du cratère volcanique varie lui aussi en fonction de la fluidité de la lave qui s'échappe de sa cheminée. Si celle-ci est très fluide et remonte plutôt lentement, des lacs de laves peuvent se former. Lorsque le débit est plus élevé et la pression de sortie suffisante, nous observons plutôt des sortes de fontaines. Quand la lave n'est pas assez fluide pour s'écouler, un dôme se forme, qui explosera si sa pression interne devient trop forte.
Attention cependant à ne pas confondre les cratères avec les caldeiras, qui résultent de l'effondrement du volcan lorsque se produit une éruption tellement intense qu'elle vide une grande partie de la chambre magmatique (largement au dessus des 10% évoqués plus haut). Certaines de ces caldeiras sont ensuite envahies par la mer (ou d'autres étendues d'eau), comme celle de Santorin en Grèce, dans laquelle votre serviteur (ou pas) a eu la chance d'effectuer une plongée.
Un mot, pour finir cet article, sur ce qui une exception parmi nos volcans terrestres.
Tous ceux dont nous avons parlé plus haut, en effet, même si leurs aspects extérieurs varient, ont le point commun de tous émettre des laves riches en basaltes, avec une teneur en silice qui varie (plus il y a de silice, plus la lave est visqueuse, et donc le volcan explosif). Cette lave coule généralement entre 1000 et 1200°C, et arbore ce beau rouge lumineux que nous connaissons.
Mais il existe également une exception, un volcan émettant une lave d'une composition tout à fait différente. Ce volcan, situé en Tanzanie, se nomme Ol Doinyo Lengaï (« la montagne des dieux »), et sa lave unique au monde est constituée en grande partie de carbonatites, lui donnant une couleur noire. Très fluide à une température bien plus basse (500 à 550°C), elle refroidit et se solidifie en une nuit seulement, donnant une roche de couleur bien plus claire.
Comme quoi, chez les volcans aussi, chacun est unique, comme tout le monde