§ Posté le 14/10/2011 à 23h 01m 27
Après m'avoir fait découvrir le film Contact (dont je vous recommande vivement le visionnage, mais si vous ne l'avez pas vu, commencez au moins par lire la première partie de mon message de présentation, ça simplifiera les choses), un ami m'a posé une petite colle à laquelle il réfléchissait depuis quelques temps déjà : dans le film, les Végans entrent donc en communication avec les Terriens en envoyant un signal composé de nombres premiers allant de 2 jusqu'à 101. Pourquoi 101 ?
Ah, au passage : si la notion de nombre premier ne vous est pas familière, je vous conseille de la passer au crible avec moi avant de continuer
Question totalement inutile, sans doute, diront les uns, et donc rigoureusement indispensable, répondront certains autres. En effet, si cela reste un exercice intellectuel sans grand rapport avec la réalité, notre choix de nombres est souvent conditionné par notre manière de compter, et il peut être intéressant d'essayer(1) de retrouver la seconde à partir du premier.
En l'occurrence, puisque notre manière de compter est directement liée à la forme de nos mains, la question serait de savoir quelle forme ont ces mains extraterrestres. Combien de doigts pour arriver naturellement à 101 ? La première réponse qui pourrait venir à l'esprit, c'est « 10 doigts, et donc ils comptent en base 10, comme la personne qui a choisi ce nombre ». Est-ce si sûr ?
Que cette personne comptait en base 10, probablement. Que cette même base 10 ait influencé ce choix, sans doute aussi. Que c'est la réponse la plus adaptée à l'exercice, certainement pas.
D'abord, parce que ce n'est pas toujours celui qui a écrit l'histoire qui en maîtrise le mieux les astuces éventuelles. C'est un fan, et non l'auteur original, qui a par exemple trouvé que 6 × 9 font bien 42, si l'on se place en base 13 (mais notez tout de même que dans ce cas (base 13 plutôt que base 10), la Réponse n'est plus la même si elle s'écrit de la même façon. Bref).
Ensuite, parce que spontanément, ce n'est pas forcément le nombre qui nous viendrait à l'esprit. En effet, comptant en base 10, nous utilisons assez facilement le nombre 100, il est donc parfaitement envisageable que le nombre utilisé en soit proche, et 101 est le nombre premier le plus proche de 100.
Oui, mais nous avons également tendance à considérer plutôt les nombres entre 1 et 100. Quand on déroule le crible d'érathostène, par exemple, nous nous arrêtons bien à 97. Ça tombe dedans. Entamer une nouvelle série (de dix, de cent ou de quoi que ce soit d'autre) pour n'en prendre que le premier élément semble superflus.
Et puis, l'évolution étant ce qu'elle est(2), la probabilité que les mains de ces végans soient totalement semblables aux nôtres et qu'en plus ils s'en servent de la même façon est assez réduite, non ?
J'ai du émettre quelques hypothèses à ce sujet, qui n'ont pas résisté à un examen un minimum poussé (c'était toujours particulièrement bancal). Jusqu'à ce que, quelques jours plus tard (mais je ne cherchais pas en permanence non plus, rassurez-vous), ne me vienne l'idée que le nombre lui-même pouvait éventuellement être moins intéressant que son rang.
Je me suis donc amusé à compter : 2 est le premier nombre premier (1 n'admettant qu'un unique diviseur (lui-même), et un nombre premier étant, je le rappelle, un nombre qui n'admet qu'exactement deux diviseurs), 3 est le deuxième, 5 le troisième, etc. et l'on finit par trouver que 101 est le vingt-sixième.
Encore un argument en défaveur de la base 10 : 97 est le vingt-cinquième, ce qui, correspondant à une demi-base, tombe “plus juste”. Comptant en base 10 comme nous le faisons, si nous devions choisir en fonction du nombre d'éléments à envoyer, nous préférerions assez fréquemment en prendre 25 plutôt que 26.
Oui, mais ça ne nous avance finalement pas énormément, puisque les hypothèses que l'on peut tirer de ce 26 ne sont pas franchement moins bancales (deux mains de treize doigts chacune ? Ça fait beaucoup…)
Ayant une affection particulière pour la base 12, j'avais également envisagé qu'il puisse s'agir d'un comptage non pas sur les doigts, mais sur les phalanges. Mais là encore, pas moyen de trouver un nombre régulier qui aboutisse à une base compatible avec 101 ou avec 26.
À force d'y réfléchir sans rien trouver de probant, j'ai fini par arrêter d'y penser. J'ai même complètement oublié ce problème.
Jusqu'à ce qu'à peu près un an plus tard, sans y avoir repensé entre temps, l'illumination ne me vienne en regardant mes mains (et accessoirement, en prenant un bain, comme quoi ça donne bien des idées).
Le pouce opposable, signe de notre appartenance au groupe des primates, étant considéré par certains comme l'une de nos caractéristiques les plus fondamentales (question de point de vue. Toutes nos caractéristiques ou presque sont fondamentales à leur manière), cela faisait longtemps, bien avant que l'on ne me pose ce problème, que j'avais envisagé l'hypothèse d'une espèce, intelligente, qui disposerait de deux doigts opposables, un de chaque côté de la main. C'est par exemple l'une des caractéristiques des Sandres, espèce héréenne que j'utilisais dans les premières versions de la Gigue des Ombres et qui feront sans doute leur réapparition dans les tomes suivants.
Or notre pouce est constitué d'une phalange de moins que les autres doigts, ce qui nous fait un total de quatorze phalanges comptables (nous nous arrêtons à 12 dans l'explication sus-liée parce que nous utilisons notre pouce comme “curseur”, ce qui en élimine donc deux).
Si un second doigt opposable, remplaçant notre auriculaire, était constitué de la même façon, la main ainsi obtenue aurait donc treize phalanges(3). Et avec deux mains, cela aboutirait enfin, de façon à peu près simple et cohérente, à 26 (Il suffirait de supposer que cette espèce se passe de “curseur” et compte directement visuellement. Ça nécessiterait peut-être des capacités cognitives importantes, mais ce n'est en rien contradictoire avec le contexte indiqué par le film, au contraire).
Bon, ça ne valait peut-être pas la peine que je sorte aussitôt courir dans la rue en criant « j'ai trouvé », sans prendre la peine ni de me rhabiller ni de me sécher, comme d'autres ont pu le faire, mais je pense que ça méritait au moins d'être partagé avec vous.
Qu'en pensez-vous ?