§ Posté le 07/09/2016 à 13h 34m 54
Il y a peu, rushou et moi-même avons visionné ensemble une captation de la pièce Cyrano de Bergerac, dans la version jouée par Philippe Torreton. Le lectorat de longue date de ce blog sait sans doute que je suis un grand admirateur de cette pièce.
J'ai trouvé, pour les gens que ça intéresse, un extrait de cette captation ici. Même si les morceaux choisis ne sont, à mon sens, pas les meilleurs, c'est déjà bien mieux que ce qu'on peut trouver d'autre sur YouTube (essentiellement des extraits du film de 1960 avec Sorano et Galabru, ou de celui de 1990 avec Depardieu, dont j'en suis encore à me demander lequel des deux est le plus mal joué, même sans les comparer à la remarquable performance de Torreton).
Vous remarquerez sans doute que les décor et costumes ne font pas tellement d'époque : la pièce suit la mode (que je connaissais davantage à l'Opéra) de jouer des pièces anciennes dans un cadre moderne. Je n'ai jamais vraiment compris quel était l'effet recherché par ce décalage ; personnellement, changer de cadre ne me semble pas nécessairement une mauvaise idée, mais sous réserve de choisir un environnement qui colle à la pièce.
En discutant un peu de ce point avec rushou après le visionnage, nous nous sommes dit (je rends à Cæsar : c'est son idée de base, même s'il ne s'attendait sans doute pas à ce que je la prenne autant au sérieux) qu'un décor de Western pourrait très bien convenir à la pièce de Rostand. Alors puisque je vous ai déjà proposé une tirade des nez, en voici la suite : la fameuse Ballade du duel qu'en l'hôtel bourguignon, Monsieur de Bergerac eut avec un bélître, avec les paroles originales de Rostand, mais des didascalies modifiées par mes soins.
La scène se passe dans un saloon. Valvert est armé d'une carabine à l'autre bout de la pièce.
Cyrano : Je jette avec grâce mon feutre, il lance son Stetson sur le comptoir,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre, il se défait d'un poncho du style de celui de Manco,
Et je tire… sa main s'attarde un instant vers le pistolet à sa ceinture …mon espadon ! Il finit par prendre un couteau.
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher myrmidon
Qu'à la fin de l'envoi, je touche !
Valvert tire plusieurs coups, Cyrano fait un bond de côté pour esquiver.
Vous auriez bien dû rester neutre… Valvert commence à recharger son arme, Cyrano s'approche.
Où vais-je vous larder, dindon ?
Dans le flan, sous votre maheutre ? Il fait mine de viser pour lancer son couteau.
Au cœur, sous votre bleu cordon ? Même jeu. Valvert referme son arme et la relève, mais Cyrano est désormais tout près.
Les coquilles tintent : ding-don ! Un coup de couteau bien placé rend la carabine inutilisable.
Ma pointe voltige : une mouche ! Cyrano jongle avec son couteau pendant que Valvert tire le sien.
Décidément, c'est au bedon
Qu'à la fin de l'envoi, je touche !
Valvert se lance sur Cyrano armé du couteau, ils se battent.
Il me manque une rime en eutre… Valvert recule.
Vous rompez, plus blanc qu'amidon ?
C'est pour me fournir le mot « pleutre » ! La remarque déplaît visiblement à Valvert qui attaque de nouveau.
Tac, je pare la pointe dont
Vous espériez me faire don
J'ouvre la ligne, je la bouche, Le couteau de Valvert lui échappe des mains. Celui-ci recule pour le récupérer, tandis que Cyrano reste en place.
Tiens bien ta broche, Laridon !
À la fin de l'envoi, je touche !
Tous deux se regardent sans bouger. Cyrano annonce solennellement :
Envoi.
Puis il se jette à son tour sur Valvert et continue en se battant.
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j'escarmouche,
Je coupe, je feinte… Valvert perd de nouveau son couteau. Eh, là donc !
Cyrano pose la pointe de son couteau sur le cœur de Valvert, en même temps que, de l'autre main, il sort son pistolet et lui pose le canon sur le nez.
À la fin de l'envoi, je touche !
Qu'en dites-vous ? Il me semble que ça pourrait donner quelque chose.