§ Posté le 05/01/2015 à 0h 17m 04
Cette période est, paraît-il, propice aux bonnes résolutions. Pas mal de gens choisissent le début de l'année civile pour essayer de corriger certaines choses dans leur comportement (même si d'autres ont tendance à réagir comme Calvin…)
Pourquoi attendre le début de l'année pour ça, je ne l'ai jamais vraiment bien compris. La raison pour laquelle des résolutions sont prises, en revanche, est plus évidente : il s'agit d'améliorer l'image que l'on a de soi-même, et de mieux respecter les autres.
Il se trouve que, sur ces deux plans, certain⋅e⋅s d'entre nous pourraient considérer avec un peu d'attention leur manière d'écrire : une résolution vraiment bonne pourrait être de tenter d'y faire attention.
Nous sommes tous concernés à divers niveaux, et personne ne saurait honnêtement se vanter de la perfection dans ce domaine. Même Grünt, devant le talent duquel je ne puis que m'incliner en la matière(1), laisse parfois échapper une faute de frappe ou deux, et il m'est déjà arrivé d'en trouver à lui signaler dans ses propres textes, quoique l'inverse soit bien plus fréquent(2).
Mais tout le monde, curieusement, ne prend pas ces remarques aussi bien que Grünt ou moi. À en juger par leurs réactions, certaines personnes semblent considérer le fait de leur signaler une coquille comme quelque chose d'assez agressif.
J'avoue avoir énormément de mal à comprendre cette réaction. Certes, cela peut être vexant, mais n'est-ce pas davantage dû à nos propres erreurs qu'aux remarques ? Parfois, la personne qui fait remarquer les fautes le fait sur un ton de reproche, et en guise de véritable attaque. Souvent, cela me semble être plutôt une tentative de rendre service(3).
D'ailleurs, il n'est pas non plus nécessaire de se confondre en excuses, comme j'ai vu certaines personnes le faire. Les fautes ne sont pas des offenses, mais de simples aléas : aider à les corriger ne demande qu'un remerciement.
Mais les gens concernés par le paragraphe ci-dessus sont ceux qui écrivent suffisamment bien pour qu'une faute isolée puisse être remarquée. Or, c'est plutôt aux autres personnes, celles dont les textes sont réellement truffés de fautes, que je voulais dédier cet article.
Pour certains, il s'agit d'un trouble cognitif avéré. Cela s'appelle la dyslexie, et ça touche, selon les estimations, entre cinq et dix pour cent de la population(4).
Pour la plupart des gens, néanmoins, cela relève moins d'une réelle difficulté que de ce que l'on a coutume d'appeler une « flémingite aiguë » les conduisant à ne pas prendre la peine de se relire – car c'est la relecture qui assure la plus grosse part du « bien écrire ».
Certes, se relire demande des efforts. D'autant plus d'efforts que les textes sont longs et les fautes nombreuses, ce qui est assurément décourageant. Mais peut-être vaut-il mieux voir les choses dans l'autre sens : plus il y a de fautes, plus il y a d'efforts à fournir pour les corriger, certes ; mais plus on prend l'habitude de les corriger, moins l'on en fait, et donc moins l'on a besoin de déployer d'efforts pour les corriger.
Il s'agit ici d'un apprentissage, au même titre que l'apprentissage de la lecture que nous avons connu à l'école primaire. À l'époque, souvenez-vous, rédiger un simple paragraphe nous demandait beaucoup de temps et d'énergie, puis à force de pratique, nous nous sommes améliorés. La même chose vaut pour tous les aspects de l'écriture, la réduction des fautes y compris ; cela demande simplement plus ou moins d'efforts ou d'attention.
Et je ne parlais pas des deux aspects des résolutions en vain en début d'article : écrire correctement est d'une grande importance en ce qui concerne le respect des autres.
Et je ne parle pas là du fait qu'un nombre impressionnant de faute ait tendance à faire « mal aux yeux » aux personnes ayant une orthographe correcte. Je parle simplement de la facilité qu'il y a à accéder au sens du texte.
Car si les fautes isolées ne gênent pas tant que cela la lecture, celle-ci peut devenir un véritable casse-tête quand leur nombre devient par trop important. Et pas uniquement les fautes d'orthographe : la ponctuation, également, est d'une importance cruciale pour parvenir à lire un texte de manière fluide, et les personnes qui la négligent sont loin de rendre service à leur lectorat.
En économisant pour vous-mêmes l'effort de vous relire, bien souvent, vous exigez des personnes qui vous lisent qu'elles fournissent, de leur côté, un effort bien plus important pour parvenir à vous comprendre. Ce qui n'est guère sympathique dans les quelques cas où elles sont obligées de lire ; et risque fort de les décourager si elles ne le sont pas.
La chose est pire encore pour ce qui concerne les « fautes volontaires », comme la façon d'écrire semi-phonétique, dite « texto » ou « SMS » en raison de ce qui fut son mode d'expression principal. Non seulement on y perd la richesse de l'orthographe pour accéder au sens, mais l'on y perd également ce qui fait l'intérêt d'avoir une langue commune, car bien souvent, chacun a sa façon de faire et les raccourcis utilisés par l'un seront inconnus de l'autre.
Il n'y a à ma connaissance que deux cas où recourir à de telles pratiques peut présenter un intérêt – et encore, nombreuses sont les personnes qui parviennent à s'en abstenir dans ces cas : le fait de ne disposer que de douze touches, sans aide logicielle, et le fait d'avoir une très faible limite – 140 caractères – pour exprimer ce que l'on veut dire. En dehors de ces cas, ces barbarismes relèvent purement et simplement de l'abus.
Bien sûr, l'attention que l'on prête à ce que l'on écrit dépend du support utilisé, et l'on n'attend pas le même niveau de relecture d'une messagerie instantanée que d'un article de blog.
Dans le premier de ces deux cas, les fautes ponctuelles, même fréquentes, sont compréhensibles(5), quoiqu'il ne faille pas non plus abuser. J'ai vu un nombre important de personnes aborder des gens sur de telles messageries instantanées par un « bjr » ou un « slt ». Sérieusement, comment peut-on s'attendre à éveiller l'intérêt de l'autre, en montrant qu'on est soi-même trop peu intéressé⋅e pour écrire « bonjour » en entier ?
Et par pitié, si vous avez cette tendance à écrire de manière paresseuse ou avec des fautes volontaires et que l'on vous le reproche, ne vous réfugiez pas, comme je l'ai déjà lu, derrière la fausse excuse d'être dyslexique ou de ne pas être « nativement » francophone : il y a des fautes caractéristiques dans ces trois cas, et souvent, quoique vous en disiez, ça se voit.
Efforcez-vous plutôt de ne plus mériter ces reproches : faire l'effort d'écrire autant que possible convenablement, ce qui passe par une relecture adaptée au moyen de communication utilisé, c'est manifester un respect pour autrui, en même temps que donner à ce que l'on écrit de meilleures chances d'être lu et apprécié à sa juste valeur.
Par ailleurs, et pour en revenir à l'autre aspect des résolutions, écrire correctement peut avoir un effet non négligeable sur l'estime que l'on a de soi-même et de ses capacités.
Durant longtemps, j'ai ainsi été persuadé que je ne devais jamais parvenir à rien en matière de lettres, tant la façon dont j'écrivais était déplorable. L'imagination ne me faisait pas défaut, mais le résultat que j'obtenais en tentant de mettre cela en forme était si terrible que je m'évertuais à écrire le moins possible – et souvent en style SMS pour masquer le nombre de fautes.
Puis un jour, grâce à l'intervention de Silk, que je salue et remercie au passage, j'ai décidé que je pouvais faire mieux. Ce fut long, et j'ai encore de grosses difficultés par moments, mais le résultat est celui que vous avez sous les yeux.
Je tiens un blog. Je rédige des nouvelles, et peut-être un jour me remettrai-je à un roman. Je fais du role-play sur un forum, et j'en modère un autre, ce qui demande souvent quelques talents d'écriture (et de diplomatie). Je rédige des articles scientifiques – c'est une grande partie de mon métier actuel ; et mon métier précédent était d'apprendre à des enfants à lire et à écrire. Toutes ces activités de plume me plaisent particulièrement.
Vous pensez être un cas désespéré dans ce domaine ? Vous n'avez pas connu l'adolescent que je fus. Croyez en vous, et je gage que le plaisir d'écrire vous viendra également.
Et si vous trouvez une faute résiduelle dans cet article ou dans un autre, je vous remercie par avance de bien vouloir me la signaler