C'est l'histoire d'un Tailleur de Pierre, qui chaque jour en travaillant voyait passer sur la route de riches marchands qui lui semblaient beaucoup plus puissants que lui. Et ce Tailleur de Pierre était jaloux d'eux et voulait devenir bien plus puissant qu'ils ne l'étaient. Or, il se trouve que ce Tailleur de Pierre comptait parmi ses amis un génie. Il alla donc trouver celui-ci et lui demanda de le rendre riche, très riche, et le génie accepta. Le Tailleur de Pierre devint donc l'un des hommes les plus riches de tout le royaume.
Mais si riche qu'il fut, il devait toujours payer sa taxe au Roi, et il compris que la richesse ne lui permettrait jamais d'être aussi puissant qu'il le voudrait. Il retourna donc voir le génie et lui demanda de faire de lui un Empereur, un Roi au dessus de tous les Rois qui existaient. Et le génie, une fois encore, accepta.
Mais un jour qu'il se promenait dans un de ses jardins (car en tant qu'Empereur, il disposait d'un immense palais entouré de jardins magnifiques), il se prit à penser qu'il n'était pas encore aussi puissant qu'il le voudrait. Le Soleil était particulièrement brûlant ce jour (là, et cet homme pensa que rien ne serait jamais plus puissant que lui s'il devenait le Soleil lui-même. Il fit donc venir à lui le génie, et le pria de le changer en Soleil. Et le génie, sans rien répondre, fit de lui le Soleil.
Les premiers jours, l'ancien Tailleur de Pierre fut pleinement contente de son sort. Il voyait s'étaler toute la terre devant lui, les plantes poussaient par la seule force de ses rayons, et même les plus terribles animaux de nuit, que rien jusqu'alors ne semblait effrayer, lui paraissaient craindre son regard brûlant. Mais vint un jour que le temps tourna à l'orage. Le ciel se couvrit de noirs nuages, cachant le monde à son regard. Et notre homme, devenu Soleil, pensa que ces gros nuages qu'il observait en rêvant quelques temps plus tôt étaient terriblement puissants, car ils avaient le pouvoir de faire disparaitre la lumière du Soleil. Il appela donc le génie et le supplia de remettre l'ancien Soleil à sa place et de le faire Nuage. Et le génie, une fois de plus, fit ce qu'il lui avait demandé.
Le Tailleur de Pierre était donc maintenant un nuage, qui allait dans le ciel à son gré, se laissant porter par les vents. Quand l'envie lui en prenait, il n'était qu'une forme blanchâtre que les enfants venaient observer en riant. D'autres fois, il était un épais brouillard gris, et les gens qu'il prenait alors dans ses filets se perdaient et l'imploraient de les laisser retrouver leur chemin. Et quand il était en colère, il devenait le plus noir des Nuages, voilant le Soleil et déversant sur la terre des trombes d'eau et parfois même déclenchant la Foudre. Mais il remarqua au cours d'une de ces crises que l'eau qu'il envoyait n'ébranlait jamais la Montagne, et que les plus gros rochers lui résistaient sans effort. Il choisit donc les vents qui le ramenèrent au pays où il vivait autrfois, jusque dans la demeure du génie, et le pria de lui faire quitter sa condition de Nuage et de faire de lui un de ces rochers que rien, pas même la colère du ciel, ne semblait pouvoir venir déranger.
Et le génie, toujours sans dire un mot, fit de lui un Rocher qu'il transporta au sommet d'une falaise, d'où il pouvait dominer toute la mer et se croire invulnérable.
Mais peu de temps s'était écoulé depuis cette dernière transformation qu'un homme arriva près du Rocher, des outils à la main, et commença à le frapper pour le réduire en morceau. Aussitôt, le Rocher pensa « Cet homme est capable de me briser, alors que même la fureur du ciel ne le peut ! Il est assurément aussi puissant que je voudrais l'être ! »
Et à peine eut-il pensé celà que le génie fut là, car il savait depuis le début comment se finirait l'histoire et qu'il était resté à proximité. Il fit du Rocher un homme, pareil à celui qui venait de l'attaquer, et cette fois s'adressa à lui. « Et qu'as-tu appris? Tu as voulu chaque fois être plus puissant que tu n'étais, et tu es redevenu ce que tu étais au départ : un Tailleur de Pierre. Contentes-toi désormais de ce que tu es. »
Et le génie et le Tailleurs de Pierre restèrent bons amis, mais le second décida désormais de se contenter de ce qu'il était et ne demanda plus jamais de faveurs au premier.