§ Posté le 19/01/2015 à 1h 57m 22
L'espace et le temps sont liés. Les phénomènes cycliques que nous pouvons pouvons observer en levant les yeux au ciel, comme l'enchaînement des saisons ou des phases de la lune, sont en effet dus aux mouvements quasi-circulaires de la Terre autour du Soleil et de la Lune autour de la Terre. Jetons donc un coup d'œil à cette danse astrale.
La Lune, vous le savez est l'astre le plus proche de nous. Approximativement quatre cent fois plus proche que le Soleil, elle est également quatre cent fois plus petite, et la correspondance entre ces deux rapports donne un effet tout à fait intéressant sur lequel je reviendrai un peu plus loin. Mais avant cela, il nous faut observer quelque peu la façon dont cette lune tourne.
Parlons d'abord d'une autre correspondance curieuse de notre luminaire : sa vitesse de rotation (la vitesse à laquelle elle tourne sur elle-même) est quasi-identique à sa vitesse de révolution (la vitesse à laquelle elle nous tourne autour). Ce qui fait que nous ne lui connaissons, à quelques poussières près(1), qu'une seule face : quelle que soit la façon dont on peut l'observer depuis notre plancher des vaches, nous ne pouvons pas voir l'autre partie de sa surface(2).
Pour autant, nous ne manquons pas d'observer une lune qui change d'aspect en fonction du temps : c'est parce que la lune est ce que nous appelons une « source secondaire » de lumière(3), ne brillant pas par elle-même, mais nous renvoyant une grande partie de la lumière qu'elle reçoit.
Étant donné que c'est le Soleil qui est à l'origine de cette lumière, la Lune peut donc être considérée comme une sorte de panneau indicateur, nous désignant la direction dans laquelle se trouve ce dernier : elle aurait du mal à être éclairée par la droite si le Soleil se trouvait à gauche, n'est-ce pas ?
Et pourtant, cela ne saute pas forcément aux yeux. Observez attentivement cette image, que nous avons tou⋅te⋅s déjà dû voir un certain nombre de fois :
Elle veut montrer un boulanger se levant tôt pour préparer son pain. Et pourtant, en toute logique, si l'on suit la direction indiquée par ce croissant de Lune… le Soleil devrait être déjà haut dans le ciel pour que l'on puisse observer une Lune ayant cet aspect.
Son nom d'« astre des nuits » est d'ailleurs en grande partie usurpé : notre Lune passe assez fréquemment dans le ciel en plein jour, même si ce n'est pas le moment où on la voit le plus.
Tenez, souffrez un petit schéma fait rapidement à main levée :
Nous voyons ici quatre positions différentes de la Lune par rapport à la Terre et au Soleil :
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Sur la case en haut à gauche, la Lune est à l'opposée du Soleil. Elle apparaît donc dans le ciel durant la nuit, se levant au moment où le Soleil se couche et réciproquement.
Le Soleil étant, du point de vue de la Lune, situé derrière la Terre, la face éclairée correspond avec la face visible : nous voyons donc cette face visible éclairée en entier, et la Lune nous envoie l'essentiel de sa lumière. C'est ce que l'on appelle la Pleine Lune.
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La case en bas à droite présente la situation exactement inverse : la Lune, située par rapport à nous du côté du Soleil, passe dans le ciel durant la journée, se levant et se couchant en même temps que lui.
Dans ce cas, c'est la face cachée qui est éclairée dans sa totalité : la face visible ne reçoit pas la moindre lumière du Soleil, et n'est donc pas en mesure de nous en renvoyer suffisamment pour être visible. C'est la Nouvelle Lune (parce qu'on considère généralement ce point comme le « début » du cycle.
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Les deux cases restantes présentent les cas intermédiaires, où la Lune est à peu près à mi-chemin, présente dans le ciel de midi à minuit ou de minuit à midi(4).
Quand la Lune est pile à la position intermédiaire (ce qui est plus ou moins le cas ici, aux imprécisions du tracé près), on n'en voit donc qu'une moitié éclairée : on parle alors de demi-Lune ou de quartier.
Bien sûr, il n'y a pas que ces quatre positions : la Lune se décale un peu chaque jour, nous montrant d'abord (après la Nouvelle Lune) un petit croissant, qui grossit de plus en plus, devenant un quartier, puis grossissant encore, devenant « gibbeuse », avant de finir par être pleine. Ensuite, elle commence à “dégonfler” par l'autre côté, redevenant gibbeuse, puis quartier, puis croissant, jusqu'à la Nouvelle Lune suivante.
Correspondance heureuse : tracer un trait vers le bas sur le premier quartier, celui qui suit la Nouvelle Lune, semble former notre lettre « p » ; tandis que tracer un trait vers le haut sur le dernier quartier, celui qui suit la Pleine Lune, semble former notre lettre « d ». Il y a donc toujours moyen de s'y retrouver
Mais… peut-être vous demandez-vous comment le Soleil peut, en phase de Pleine Lune, éclairer celle-ci, alors que la Terre se trouve entre les deux, et qu'étant plus grosse, elle devrait masquer sa lumière ?
Si tel est le cas, c'est qu'il vous manque une dimension. Soleil, Terre et Lune n'évoluent pas sur le même plan : l'orbite de la Lune autour de la Terre est légèrement inclinée par rapport à celle de la Terre autour du Soleil, et elle passe donc, la plupart du temps, soit au dessus, soit au dessous.
Quand les plans coïncident se produit cet effet intéressant évoqué au début… mais encore un peu de patience. Avant d'en parler, jetons également un coup d'œil au Soleil(5).
Dans ce cas, c'est donc, savons-nous depuis Copernic, Bruno et Galilée, la Terre qui se déplace et non l'étoile. Ce mouvement est une ellipse, c'est-à-dire pas tout à fait un cercle. Mais ça en est vraiment très proche, alors nous ferons ici comme si c'était le cas.
En effet, la différence de distance entre les points opposés de notre orbite est négligeable devant le diamètre de la Terre. Pour autant, nous observons bien une variation tout à fait perceptible de la lumière que nous recevons du Soleil en fonction de notre position sur l'orbite (ou du moment de l'année, qui en dépend).
Cela vient du fait que l'axe de rotation de notre planète n'est pas perpendiculaire à son plan de révolution(6). Un autre petit schéma ? Voici(7) :
Comme le précédent, ce schéma n'est évidemment pas du tout à l'échelle.
Le trait au milieu de la Terre représentant l'équateur, il faut imaginer que la Terre tourne sur elle-même comme si elle “roulait” sur cette ligne. Ce qui nous donne donc, là encore, plusieurs cas :
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Une face de la Terre peut être entièrement tournée vers le Soleil. Elle reçoit donc beaucoup plus de lumière, qui lui arrive « à la verticale » et est donc beaucoup plus concentrée. Cela fait beaucoup plus d'énergie, et donc beaucoup plus de chaleur : c'est l'été.
Dans le même temps, l'autre côté de la Terre, la lumière arrive beaucoup plus rasante, et de plus loin : il y a donc moins d'énergie, moins de chaleur : c'est l'hiver.
De plus, le mouvement de rotation de la Terre sur elle-même fait que la partie située en été est exposée aux rayons plus longtemps que celle située en hiver : la durée de la journée(8), elle aussi, dépend des positions célestes.
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Quand la Terre a effectué la moitié de son tour, on se retrouve dans la situation exactement inverse : l'hémisphère qui recevait le plus de lumière en reçoit désormais le moins, et réciproquement.
C'est la raison pour laquelle les saisons sont inversées entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, de même que la durée des jours qui les accompagnent.
Notez que, contrairement à ce que mes piètres talents de dessinateur pourraient laisser croire, ce n'est pas une nuit de vingt-quatre heures sur toute une moitié de la planète ^^" Il faut franchir le cercle polaire pour observer cet effet.
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Entre les deux se trouve des zones où les deux hémisphères ne sont pas sensiblement plus éclairés l'un que l'autre, et où la durée de la journée est sensiblement la même des deux côtés : ce sont les mi-saisons.
Lorsque la journée et la nuit durent exactement le même temps, nous parlons d'équinoxe, terme dont l'étymologie est assez évidente. Il s'agit d'un point précis, à la fois dans l'espace et dans le temps, qui se produit deux fois dans le cycle orbital annuel.
À l'inverse, lorsque, d'un des deux côtés, la journée est à sa durée maximale, et de l'autre, à sa durée minimale, nous parlons de solstice. Là encore, c'est un point précis sur l'orbite de la Terre, correspondant à un instant bien précis de l'année.
À ce sujet : peut-être vous demandez-vous pourquoi la date de Noël, ou plutôt des anciennes fêtes pour faire oubliez lesquelles Noël fut déplacée en décembre (j'en parlais rapidement ici), tombe le 25, alors que le solstice d'hiver (celui de l'hémisphère nord, du moins) a lieu à une date qui varie d'une année sur l'autre, mais se situe toujours entre le 20 et le 23 ?
Simplement parce que ce que fêtaient nos ancêtres, ce n'était pas le solstice d'hiver. Le 25 décembre correspond approximativement au moment où l'on commence à pouvoir noter, à l'œil nu, que la durée des journées recommence à augmenter. Cette fête était donc celle du « Soleil invaincu », puisqu'il recommençait à gagner contre la nuit.
Mais revenons à nous moutons, ou plutôt à nos corps célestes.
Les plans de rotation de la Lune et de la Terre sont inclinés l'un par rapport à l'autre(9) ; mais il arrive néanmoins, au gré de ces mouvements cycliques, que les trois astres se retrouvent à peu près sur la même hauteur.
Dans ce cas, Terre et Lune peuvent se faire de l'ombre, au sens propre, en se masquant mutuellement le Soleil : on nomme cela des éclipses.
Si j'en crois mes vieux bouquins sur l'épopée d'Alexandre, le mécanisme des éclipses était déjà connu par les Égyptiens antiques(10) : l'un des deux corps, recevant une partie de la lumière du Soleil, « fait écran », et projette donc une ombre dans la direction opposée. Si l'autre corps y passe, il se retrouve donc privé de la lumière du Soleil, ce qui, quoique sombre, est assez spectaculaire.
La Terre est bien plus grosse que la Lune : les éclipses de Lune sont donc les plus courantes, la Lune ayant plus de facilités à rentrer dans la zone d'ombre. Évidemment, lorsque cela arrive, nous sommes en période de Pleine Lune, même si l'ombre de la Terre nous prive, pendant une bonne partie du phénomène, d'une partie du disque lunaire complet.
Lorsque la Lune est totalement occultée… elle devient rouge. Cet effet optique est dû au fait que la Terre possède une atmosphère : la réfraction (tiens, je ferai peut-être un article là-dessus un de ces jours. Réclamez ) due à l'atmosphère dévie une partie des rayons lumineux et les amène tout de même vers la Lune ; mais seuls les rouges sont déviés dans la bonne direction.
De temps en temps, cependant, il arrive que la Lune soit suffisamment bien placée pour que l'ombre qu'elle projette atteigne une partie habitée de la Terre. Cela se produit, évidemment, en phase de Nouvelle Lune(11).
Dans les zones dites de « pénombre », on ne verra qu'une éclipse partielle : la Lune passe devant Soleil, mais sans le cacher entièrement, et la luminosité ne fait que baisser légèrement.
Mais ceux qui sont bien dans l'axe peuvent voir la Lune se placer entièrement devant le Soleil. Et c'est ici que la correspondance des rapports joue tout son rôle : la Lune étant autant plus petite qu'elle n'est plus près, Soleil et Lune nous semblent occuper autant de place dans le ciel.
En cas d'éclipse totale de Soleil, la Lune vient alors masquer très précisément le Soleil(12), nous permettant d'observer les magnifiques effets de couronne autour du Soleil que l'astre du jour, trop lumineux, nous cache en temps normal.
(Photo issue de Wikipédia)
De tels phénomènes sont malheureusement très rares, à moins d'avoir les moyens de se déplacer à l'autre bout de la Terre pour en profiter lorsqu'ils surviennent. Mais, comme de nombreux autres phénomènes astronomiques, ils ont le mérite d'être suffisamment magnifiques pour que les photos suffisent à faire rêver…
Mais n'oublions pas non plus que Soleil et Lune ont d'autres effets plus fréquemment observables, comme notamment la marée. Notre bonne vieille Terre peut tout de même être un coin sacrément agréable à vivre, non ?
Si ces explications ne vous ont pas semblé claires, je vous invite à visionner l'excellent documentaire télévisuel Tous sur orbite, ayant des moyens d'explication un peu plus visuels que ce que j'ai pu me permettre ici (on trouve les quatre parties complètes sur YouTube à l'instant où j'écris ceci, même si j'aurais préféré vous les proposer par un autre moyen – notez qu'on y trouve aussi ce morceau qui pourrait servir de fond sonore à l'article.)