§ Posté le 12/12/2013 à 1h 38m 32
Grünt, Rushou et moi-même avons en commun d'apprécier un certain nombre de jeux de réflexion (même si je dois humblement reconnaître que, pour les plus marquants de ces jeux, ils me battent tous deux à plate couture). Et nous avons également en commun de nous amuser à rechercher comment ces jeux pourraient faire surchauffer encore un peu plus nos méninges.
Augmenter la difficulté peut se faire de plusieurs manières. Il y a d'abord les modifications spécifiques aux règles particulières des jeux concernés.
Par exemple, vous trouverez sur cette page un jeu de Tetris qui semble à première vue tout à fait ordinaire. En fait, il semble même particulièrement sympathique, puisque la prochaine pièce ne descend pas toute seule, mais attend sagement que vous appuyiez sur la touche directionnelle du bas. Mais, si vous jouez un moment, vous vous rendrez rapidement compte que cette prochaine pièce n'est pas exactement tirée au hasard. En fait, le jeu tente de choisir à chaque fois la pièce qui vous posera le plus de problème ; et généralement, il n'y arrive pas trop mal. Mon record personnel est de quatre lignes complétée avant la fin de la partie ; si quelqu'un a fait mieux, bravo.
Dans un autre registre, plus proche de celui que je voudrais évoquer ici, on peut compter un certain nombre de variantes du jeu d'Échecs. Grünt m'évoque par exemple une variante où la prise, lorsqu'elle est possible, est obligatoire, et où l'objectif est de perdre son roi plutôt que de le garder.
Mais pour jouer sur la difficulté, il y a aussi, et surtout, quelques concepts intéressants qui peuvent être énoncés indépendamment du jeu choisi (même si nous verrons que certaines variantes sont plus ou moins intéressantes appliquées à certains jeux).
En fait, on peut dire que, d'une certaine manière, plus un jeu est simple, basique, plus il va permettre à des esprits tordus de lui ajouter pas mal de caractéristiques bizarres pour le rendre encore pire. En témoigne le fait que, de tous les jeux cités plus bas, celui qui reviendra le plus souvent est le jeu de morpion, appelé « tic-tac-toe » par nos amis anglophones, qui consiste, à la base, en une simple grille 3×3 où l'on vient inscrire successivement des croix et des ronds…
La pomme de Newton [Gravité]
Une première possibilité, pour rendre les parties plus intéressantes, est d'y ajouter la gravité. En fait, à peu près tout le monde connaît ce concept, je pense : le célèbre « Puissance 4 » n'est rien d'autre qu'un Morpion casé dans une grille un peu plus grande, et utilisant la gravité pour contraindre la position des jetons. Certaines variantes de ce même Puissance 4 proposent d'ailleurs d'inverser de temps à autres l'orientation du plateau pour modifier cette gravité.
Avant de commencer cet article, il me semblait qu'il existait davantage d'exemples de ce genre, mais celles-ci se sont fait plus discrètes que je ne le pensais. Certes, tous les jeux ne s'y prêtent pas forcément bien, mais je reste persuadé que ça pourrait être intéressant pour certains d'entre eux… il reste donc à les inventer Toute idée sera la bienvenue en commentaire de cet article.
(Oh, et une petite remarque, au passage : on peut considérer que l'exemple de Tetris que je vous ai donné plus haut joue sur ce point, mais en retirant la gravité déjà présente dans le jeu d'origine.)
La troisième dimension [En 3D]
Pas mal de jeux, surtout dans les jeux de réflexion à deux joueurs, se jouent avec des pièces posées sur un plateau doté de cases. Nous avons donc une longueur et une largeur, mais pas de hauteur. En ajouter une, et passer de la seconde à la troisième dimension, peut éventuellement s'avérer intéressant.
Le morpion joué en 3×3×3 en est un exemple classique, mais il n'est bien sûr pas le seul. Par exemple, tous les jeux à base de labyrinthes (dont un exemple notoire sera évoqué un peu plus loin) peuvent se voir, plus ou moins facilement, dotés d'une troisième dimension (cela peut, dans ce cas, être par exemple simulé par l'utilisation de plusieurs plateaux, avec certaines cases choisies comme contenant des échelles et permettant donc de passer de l'un à l'autre).
Dans un autre registre, le jeu appelé Othello (qui est lui-même une variante du Reversi) s'est vu doté d'une adaptation à la troisième dimension, dont vous trouverez une présentation sur cette page (désolé, ce lien est en anglais, comme quelques autres de ceux qui suivront).
Pour autant, cela ne fonctionne pas non plus avec tous les jeux. Par exemple, au jeu de Go, la capture d'une pièce, relativement simple en deux dimensions, est rendue virtuellement impossible en trois, en raison du nombre de possibilités de fuites.
La mise en abîme [Récursion]
Si le jeu consiste en une série de petits affrontements permettant de donner des points aux vainqueurs, il peut éventuellement être intéressant de disputer ceux-ci d'une manière autre que celle prévue par les règles initiales, par exemple en faisant appel à un autre jeu.
Le célèbre et excellent Risk s'y prête assez bien : au lieu de s'en remettre, pour les batailles, à de simples tirages de dés, il est tout à fait envisageable de démarrer une partie d'autre chose, partie dont l'issue déterminera qui remporte le territoire en conflit. La difficulté est ici de choisir un jeu secondaire où l'on puisse prendre en compte les puissances respectives en présence : démarrer une partie à égalité ne sera guère représentatif si quelqu'un attaque un territoire à dix contre un… Une proposition, que vous trouverez détaillée ici, est d'associer le Risk à l'encore plus célèbre Monopoly.
Tiens, d'ailleurs, le Monopoly lui-même peut se prêter à ce genre de manipulation, par exemple en étant accompagné de l'un de ses cousins, le Rue de la Paix. L'idée m'était venue quand j'étais môme, et je suppose que d'autres que moi ont déjà pu l'avoir (même si je n'ai pas pris la peine de chercher). Pour certaines rues du jeu (les plus chères, par exemple… dont en particulier ladite Rue de la Paix), on peut considérer qu'au lieu de permettre au joueur d'acheter directement toute la rue, on lui demande, à chaque fois qu'il tombe dessus, de jouer un coup à l'autre jeu. L'avancée y est donc conditionnée par les coups de dés sur le plateau de Monopoly. Et, bien sûr, le vainqueur de la partie remporte la carte désirée sans avoir déboursé le moindre billet.
Dans certains cas, on peut utiliser le même jeu aux deux niveaux. C'est le principe de l'Ultimate tic-tac-toe : chaque case de la grille 3×3 de Morpion est elle-même une grille 3×3. Pour mettre sa marque sur une case de la grande grille, il est nécessaire d'avoir remporté la victoire dans la petite grille concernée. Plus intéressant encore, nos actions conditionnent celles de l'adversaire. Attendez, pour expliquer, un petit schéma :
Si un joueur joue dans la case du haut d'une petite grille, quelle qu'elle soit, le suivant sera obligé de jouer sur la petite grille du haut. La case qu'il choisira sur cette petite grille conditionnera ensuite la case de la grande grille dans laquelle l'autre joueur devra jouer son coup suivant, et ainsi de suite. Notez que si vous envoyez votre adversaire vers une grille déjà gagnée, ou sur laquelle il ne reste plus de place, cela l'autorise ensuite à jouer où il veut.
Ce jeu est déjà beaucoup plus intéressant que le Morpion « simple ». Mais si ça ne vous suffit pas, il est toujours possible d'imbriquer d'autres niveaux les uns dans les autres. Grünt et Zorün ont ainsi démarré (et toujours pas terminé à l'instant où j'écris ces lignes) une partie avec un niveau de grilles supplémentaire.
Cette fois, le conditionnement des coups est double : la case jouée dans la grille intermédiaire conditionne la grille intermédiaire suivante, et la case dans la petite grille conditionne la petite grille dans celle-ci. Notre choix conditionne donc celui de notre adversaire, mais également le nôtre au tour suivant. Et, s'il est envoyé vers une petite grille déjà terminée, le joueur doit tout de même rester dans la grille intermédiaire concernée.
Le principe est généralisable à autant d'imbrications que l'on veut, même s'il doit être difficile à suivre pour des humains au bout d'un moment…
Le brouillard de guerre [Fantôme]
Dans certains jeux vidéos (surtout des jeux de rôle et de stratégie), une sorte de voile nous empêche de voir les actions des autres joueurs ou de l'ordinateur, ce qui ajoute de l'incertitude et nous empêche de réagir en fonction de ce que fait l'adversaire.
Ce principe est en fait largement plus ancien que les jeux vidéos : le « Go fantôme » est une variante classique du jeu de Go, dans laquelle les deux joueurs jouent chacun sur un plateau différent, et dans laquelle un arbitre se charge d'annoncer si un coup est permis ou non (sans préciser, dans le cas où il ne l'est pas, si c'est parce qu'une pierre se trouve déjà à cet endroit, ou si c'est parce que la case n'a plus de libertés).
Évidemment, jouer aux « Échecs fantômes » aurait beaucoup moins d'intérêt, ou ne serait pas vraiment jouable (à moins de parvenir à mettre en place une visibilité partielle, comme dans les jeux vidéos). Mais on peut probablement appliquer ce principe à d'autres sortes de jeux.
Par exemple, au Labyrinthe, les murs déplacés servent autant à gêner les adversaires qu'à faciliter notre route. Si l'on ne sait pas où sont les adversaires, cela peut compliquer les choses…
Les Colons de Catane, jeu de plateau ayant sans doute inspiré certains jeux vidéo de stratégie, doit également pouvoir accepter assez bien ce genre de variantes.
Si le Morpion simple serait de peu d'intérêt en version « fantôme », cela pourrait en revanche s'appliquer également assez bien à une partie « ultimate ».
Les mélanges détonants [Combinaisons]
Si tout cela ne vous suffit pas, il reste la possibilité de jouer à plusieurs jeux en même temps. Deux plateaux côte à côte et du tour par tour permettent à chacun de jouer d'un côté pendant que l'autre joue de l'autre, et réciproquement.
Dans certains cas, il est même possible de jouer aux deux jeux en même temps sur le même plateau. Par exemple, sur un damier, jouer une seule partie laisse toute une moitié du plateau vide, puisque les coups ne se font que sur certaines diagonales. Il pourrait être intéressant de jouer une seconde partie sur les autres.
Et si vous appréciez autant les Échecs et le Go, vous pouvez remarquer, comme un illustre auteur de webcomic, que les deux plateaux (du moins, le plateau de grande taille pour le second) ont précisément le bon nombre de cases… et justement, les blancs commencent dans l'un, et les noirs dans l'autre, comme si c'était fait pour une double-partie…
Et si, vraiment, il vous en faut plus, essayez, comme certains grands joueurs d'Échecs, de vous passer de plateau, et de dérouler la partie simplement en indiquant vos coups et en n'ayant qu'une image mentale de l'état de la partie. Ça aussi, si vous y arrivez, ça peut marcher pour pas mal de jeux.
Et merci à Rushou pour avoir déniché plusieurs des liens ci-dessus