§ Posté le 06/05/2009 à 14h 15m 14
(Le sous-titre est une in-joke(1) de matheux et d'informaticiens destinée à attirer l'attention. Bien évidemment, “un” désigne toujours la même valeur)
Allez, j'avoue : cet article a uniquement pour but de m'opposer à monsieur Bernard Werber. Mais laissez-moi m'expliquer avant de râler !
Mon intention n'est absolument pas de remettre en cause le talent artistique de cet auteur (de toute façon, je n'ai pas la moindre idée de l'étendue de celui-ci, je n'ai lu qu'un seul de ses livres, et certainement pas le meilleur), mais bien de mettre fortement en doute ses compétences scientifiques. En effet, l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu (le sus-cité seul de ses livres que j'ai lu) comporte dans le plus grand désordre (alors qu'une encyclopédie est censée être par définition organisée et méthodique, mais passons) un certain nombre d'énoncés, parmi lesquels on retrouve quelques passages véridiques et vérifiables, mais dont la majorité sont simplement faux, ou sont le reflets de points de vues extrêmement subjectifs. Quel que soit l'intérêt littéraire qu'on lui porte, cet ouvrage est, désolé de le dire, une véritable catastrophe (relative et absolue) du point de vue du savoir qu'il apporte.
L'un des plus célèbres de ces énoncés est intitulé « 1 + 1 = 3 », et se veut manifestement le porte-parole d'une idée selon laquelle l'union de plusieurs individus dépasse la somme de leurs personnes individuelles. Je n'ai strictement rien contre cette idée, bien au contraire. Mais hélas, force est de constater que présentée ainsi, elle pert la plus grande partie de son intérêt.
En effet, l'une des premières questions que l'on devrait se poser en lisant ceci est : pourquoi 3 ? Pourquoi pas 2,7, π, 4 ou 3√12 ? Qu'un binôme représente plus que deux personnes séparées n'implique en aucun cas que le supplément ait exactement la même valeur qu'une troisième personne (si tant est qu'une personne soit aussi simplement quantifiable, ce qui reste encore à prouver).
Si vous désirez exprimer cette idée, de grâce, choisissez une forme moins restrictive, par exemple en disant « ensemble, nous sommes plus que la somme de nos personnes », ou, si vous tenez absolument à utiliser une formule, « 1 + 1 ≥ 2 », qui présente en outre l'avantage d'être mathématiquement correct(2).
Car c'est le second grave problème que pose cette formulation : outre le choix totalement arbitraire de la valeur trois, l'énoncé « 1 + 1 = 3 » est tout simplement faux. Je me permets de répéter cette évidence, car dans le passage incriminé, Werber ajoute (entre autres digressions assez discutables) une « démonstration » de sa validité qui risque d'augmenter la déjà trop grande confusion avec laquelle certaines personnes perçoivent les mathématiques si on ne vient pas (ce que je compte bien être en train de faire) souligner quelle en est la faille.
Cette fausse démonstration s'inspire d'un jeu mathématique assez classique que l'on peut également présenter ainsi :
Si 2 = 3, je suis le Père Noël !
Si 2 = 3, alors en retranchant un de chaque côté, on obtient 1 = 2.
Or, le Père Noël et moi sommes, comme vous vous en doutez, deux personnes distinctes.
Mais puisque 1 = 2, Le Père Noël et moi sommes un. Nous sommes une seule et même personne.
Je suis le Père Noël !
Bon, enfin, reste quand même à prouver que 2 = 3...
Alors voilà : fixons respectivement x = 3, y = 2 et z = 1. On a donc x = y + z
Multiplions chaque membre par ( x - y ) :
x ( x - y ) = ( y + z ) (x - y )
x² - xy = xy - y² + zx - yz
x² - xy - xz = xy - y² - yz
x ( x - y - z ) = y ( x - y - z )
Reste maintenant à simplifier en virant le ( x - y - z ) de chaque côté :
x = y
Donc 3 = 2.
Impressionnant, hein ?
Sauf que bon, comme vous le savez, je suis pas le Père Noël : il y a donc une erreur quelque part.
À vous de la trouver !
Je vous laisse chercher si vous avez envie.
Dans le cas contraire, ou si vous pensez avoir trouvé, remplacez simplement x, y et z par leurs valeurs respectives dans la parenthèse : 3 - 2 - 1 donne 0. Or diviser ou simplifier par zéro donne toujours un résultat incohérent. Et ce, même si le terme divisé est lui-même zéro, même si tout autre nombre divisé par lui-même donne un.