L'Artiste

Message 1, par Devos

§ Posté le 04/11/2014 à 1h 19m 49

Sur une mer imaginaire, loin de la rive, l'Artiste, en quête d'absolu, joue les naufragés volontaires…


Il est là, debout, sur une planche qui oscille sur la mer. La mer est houleuse, et la planche est pourrie. Il manque de chavirer à chaque instant, il est vert de peur, et il crie « C'est merveilleux ! C'est le plus beau métier du monde ! »

Et pour se rassurer, il chante « ♪♫ Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? », et plouf !, il tombe à l'eau.

Il est rappelé à la dure réalité de la fiction… lui qui se voyait déjà en haut de l'affiche, se voit maintenant au bas de la liste de ces chers disparus…


Il a envie de crier « Un homme à la mer ! », mais, comme l'homme, c'est lui, et qu'il exerce le plus beau métier du monde, il crie « Et le spectacle continue ! », et il remonte sur sa planche pourrie.

Il poursuit sa quête d'absolu, « ♪♫ Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? », et plouf !, il retombe à l'eau.


Il est ballotté, comme une bouteille à la mer, à l'intérieur de laquelle il y a un message de détresse. Il a envie de crier « Une bouteille à la mer ! », mais, comme la bouteille, c'est lui, et que lui, c'est un artiste, et qu'il exerce le plus beau métier du monde, il crie « L'eau est bonne ! Un peu fraîche, mais bonne. »

Il remonte sur sa planche pourrie, il a complètement perdu le nord… il se croit sur la mer du même nom – la Mer du Nord ! –, il fait la manche…

« ♪♫ Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? », et plouf !, il retombe à l'eau.


Le public, qui est resté sagement sur la rive, se demande si l'artiste n'est pas en train de le mener en bateau… Il se dit « Mais alors, quand est-ce qu'il se noie ? »


Mais l'Artiste s'aperçoit soudain que la planche pourrie sur laquelle il est remonté pour la énième fois donne de la gîte sur tribord. C'est-à-dire qu'elle penche du côté où il va tomber…

Il a envie de crier « Les femmes et les enfants d'abord ! », mais, comme il est tout seul, il crie « Je suis le maître à bord ! »

Il ajouterait bien « après Dieu », mais comme, dans l'imaginaire, Dieu, on ne risque pas de le rencontrer… ah, mais, Dieu existe, certes, mais dans le réel ! Pour Dieu, l'imaginaire, c'est une vue de l'esprit, la fiction, ça le dépasse !

L'Artiste sait qu'il n'a rien à attendre du ciel, alors, au lieu de crier « après Dieu », il crie « Après moi, le déluge ! »


Et tandis que sa planche, qui fait eau de toute part, s'enfonce dans les flots, il n'a plus qu'une pensée : sauver la recette.

Il fait une annonce publicitaire : « Mesdames, messieurs, la planche pourrie sur laquelle j'ai eu l'honneur de sombrer pour la dernière fois devant vous ce soir était sponsorisée par le ministère de la Culture. »

Et il coule avec la subvention.


Il disparaît dans les flots… et il réapparaît aussi sec.

Il a de l'eau jusqu'à la ceinture, ses deux pieds touchent le fond de la mer… alors le public, sur la rive : « Ha ! Il s'est noyé dans un verre d'eau ! »

À l'évidence, la mer imaginaire sur laquelle l'Artiste s'est embarqué imprudemment est à la hauteur de son imagination : elle manque de profondeur. C'est une mer à marée basse, une mer de bas fond, une mer indigne d'un grand naufrage !


Alors, l'Artiste, pour ne pas sombrer dans le ridicule… il fait la planche.

Il fait la planche pourrie… Il a envie de crier « Une planche à la mer ! », mais, comme la planche, c'est lui, et que lui c'est un artiste, et qu'il exerce le plus beau métier du monde, il crie « Je suis le radeau de la méduse à moi tout seul ! Et cette fois-ci, il se pourrait qu'il n'y ait pas de survivant… »

Le public, imperméable jusque là, se dit « C'est un spectacle cool ! Pas de survivant, ça promet, ça laisse entrevoir une fin heureuse… »

Alors, après avoir crié « Bis ! », il crie « Ter ! »


Et c'est le miracle !

Devant le public médusé, l'Artiste, transfiguré, regagne la rive en marchant sur les flots ! Et il se noie dans la foule…



Pour voir le véritable sketch du maître, vous pouvez vous rendre ici. Et si la chanson d'introduction vous intéresse, faites un tour par là.

(Suite au décès inopiné de mon précédent serveur, je profite de mettre en place une nouvelle machine pour essayer de refaire un outil de blog digne de ce nom. J'en profiterai d'ailleurs aussi pour repasser un peu sur certains articles, qui commencent à être particulièrement datés. En attendant, le système de commentaires de ce blog n'est plus fonctionnel, et a donc été désactivé. Désolé ! Vous pouvez néanmoins me contacter si besoin par mail (« mon login at ma machine, comme les gens normaux »), ou d'ailleurs par n'importe quel autre moyen. En espérant remettre les choses en place assez vite, tout plein de datalove sur vous !)