Internet

Un réseau libre qui n'a pas de centre.

Message 1, par Elzen

§ Posté le 09/01/2013 à 23h 18m 55

Note : l'ancienne version de cet article a été archivée (ainsi que les commentaires associés), mais les informations qu'elle contenait étaient incorrectes, incomplètes ou mal présentées, m'ayant conduit à le réviser entièrement. Divers moteurs d'indexation vous en fourniront peut-être une version de son état d'origine, mais je ne souhaite plus diffuser celui-ci moi-même, la version révisée ci-dessous le remplaçant.



La notion de réseaux est presque aussi vieille que celle d'informatique : depuis qu'il a plusieurs ordinateurs, l'homme s'est dit qu'il pourrait être intéressant d'essayer de les brancher entre eux.

Prendre seulement deux ordinateurs et les faire communiquer entre eux, ça reste relativement facile. Les difficultés démarrent dès que les ordinateurs sont trois ou plus, parce qu'avec les moyens actuels, on ne sait faire que des conversation à deux(1).

Et le seul moyen que l'on a trouvé, pendant un bon moment, pour faire marcher des réseaux à plus de deux ordinateurs, ça a été d'en mettre un au centre : on branche tous les ordinateurs sur celui-ci, et c'est lui qui gère la conversation en transmettant ce qui a besoin de l'être d'un côté ou de l'autre.


Je simplifie certes un peu, mais c'est donc le réseau « ancien modèle » : un ordinateur au centre, qui sait tout, qui voit tout, et les autres qui ne font que s'y connecter.

En suivant le principe jusqu'au bout, on en vient à concentrer tout ce qui est utile dans le seul ordinateur central, et à faire en sorte que les autres ne soient que des « terminaux » passifs, constitués seulement d'un écran, d'un clavier, et d'une connexion réseau pour aller se connecter sur l'ordinateur central, qui est le seul à avoir vraiment besoin de puissance et d'espace de stockage.

Si vous vous souvenez, notre vieux Minitel reposait(2) très exactement sur ce modèle.


Et puis sont venues les années 80, qui ont vu la montée en puissance d'un nouveau concept, d'une nouvelle manière d'organiser le réseau : faire en sorte que les ordinateurs, au contraire, gardent chacun leur puissance de calcul propre, stockent eux-mêmes leurs propres données, et néanmoins communiquent tous entre eux.

Les conversations se font toujours d'un seul ordinateur à un seul autre, bien sûr, on ne sait pas faire autrement. Mais il n'y a plus une grosse machine au centre qui gère tout le trafic : chaque ordinateur est raccordé directement à plusieurs autres, et la communication se fait de pair à pair, c'est-à-dire d'égal à égal.

Plutôt qu'un réseau en étoile, avec un grand nombre de rayons qui partent du centre vers la périphérie, aucune information ne pouvant circuler d'une branche à l'autre sans repasser par le centre, ce modèle se présente comme une sorte de maillage, dans lequel la communication d'une machine à une autre peut prendre de multiples chemins.

C'est ce nouveau concept, cette nouvelle manière très particulière d'organiser les réseaux, que l'on a nommé Internet.


Comprenez bien la différence fondamentale entre les deux : sur un réseau classique, il y a une profonde dissymétrie. La grosse machine au centre contrôle tout et décide de tout. Les autres machines ne sont que de petits rien-du-tout qui ne font que lui adresser leurs prières. Si le type qui tient la machine centrale décide « toi, je ne veux plus de toi », l'ordinateur concerné ne pourra plus envoyer ni recevoir la moindre donnée.

Sur un réseau de type Internet, en revanche, il n'y a pas de « chef ». Toute personne connectée au réseau peut communiquer avec les autres, soit directement, soit en choisissant une route parmi plusieurs possible. Si une machine relai donnée décide de ne plus laisser passer quelqu'un, celui-ci n'a qu'à passer par une autre machine relai et pourra quand même arriver où il le veut.


Ça ne veut pour autant pas dire qu'il n'y ait pas de règles. Il y a d'abord plein de protocoles qui permettent aux ordinateurs de communiquer entre eux ; et puis il y a des conditions d'échanges à respecter pour que le système tourne. Mais il n'y a pas moyen, par principe, qu'une entité unique vienne imposer des règles arbitraires : le truc marche parce que les gens jouent le jeu.

C'est-à-dire que si quelqu'un essaye de s'accaparer le rôle du type au centre qui filtre tout selon son bon vouloir, comme dans les réseaux à l'ancienne, il ne peut y arriver que si… vous acceptez de participer à ses manœuvres.


Et, malheureusement, des gens qui essayent de s'accaparer le rôle du type au centre, il n'en manque pas.


Réfléchissez-y : si vous utilisez, par exemple, une adresse mail chez un hébergeur quelconque (au hasard, disons, Google ? Mais c'est loin d'être le seul). Que se passe-t-il ?

Il y a, au centre, la grosse machine de cet hébergeur (bon, en pratique, c'est plutôt un gros parc de machines, mais le principe est le même), et, à la périphérie, au bout des branches, votre machine à vous, qui ne fait que s'adresser à elle.

Le type qui veut vous envoyer un mail sur votre machine directement, il ne communique pas avec votre machine directement, mais adresse une prière à l'hébergeur pour que celui-ci veuille bien accepter son mail et le garder chez lui.

Et vous, quand vous voulez pouvoir lire les nouveaux mails que vous avez reçu, bah ils ne sont pas chez vous. Pour pouvoir y accéder, vous devez vous-mêmes adresser une prière à l'hébergeur pour que celui-ci daigne vous envoyer votre propre courrier.

Ç'n'est pas Internet, ça, c'est un réseau à l'ancienne. Et même une des pires formes de réseau à l'ancienne, puisque la machine au centre ne sert pas seulement de relai, mais garde toutes les données pour sa pomme.


Il n'y a que les mails ? Bien sûr que non. Prenons l'exemple des réseaux sociaux : pour exprimer vos idées par Facebook ou par Twitter, même chose, vous envoyez vos propres données à une grosse machine au centre, pour qu'elle daigne accepter de les publier pour vous(3). Et les gens qui veulent pouvoir accéder à vos données à vous doivent, eux aussi, se connecter sur cette grosse machine au centre pour pouvoir accéder à votre contenu. Internet ? Toujours pas, réseau à l'ancienne.

Dans le cas de Facebook, c'est d'autant plus sur l'ancien modèle qu'effectivement, la grosse machine au centre ne se prive pas pour utiliser son arbitraire : pour un certain nombre d'informations, c'est eux qui décident qui peut y accéder ou pas, et ceux qui n'ont pas de compte chez eux(4) ne peuvent pas savoir ce que vous y racontez. Bien sûr, il le font en suivant vos demandes, mais ne serait-ce pas plutôt à vous de régler ça chez vous ?


Pour certaines personnes, c'est encore pire. Vous connaissez tous, je suppose, le principe des moteurs de recherches. Normalement, un moteur de recherche, c'est censé servir, comme son nom l'indique, à chercher quelque chose, ce qui est censé signifier qu'on ne l'a pas sous la main.

Eh bien, certaines personnes ont tendance à ne noter aucune adresse, mais à passer par un moteur de recherche (souvent judicieusement placé en page d'accueil du navigateur) chaque fois qu'ils ont besoin de visiter un site. Même si c'est un site sur lequel ils vont tous les jours.

Ça veut dire que ces gens, plutôt que d'utiliser un marque-page (ou signet, ou favori, comme vous préférez) pour avoir l'adresse du site sous la main et pouvoir y aller plus ou moins directement(5), demandent systématiquement au même intermédiaire (une grosse machine au centre, quoi) de leur permettre d'accéder à ce qu'ils veulent.

Comme je le disais, sur Internet, pour que quelqu'un arrive à prendre une place au centre, il faut que les gens lui donnent cette place. Les gens qui font ça sont sur un réseau ancien modèle, et pas sur Internet… mais c'est eux qui l'ont décidé, on ne le leur a pas imposé.


Encore un autre exemple pour la route : le « cloud ». Vous savez, ce système pour lequel on a vu pas mal de publicité depuis quelques temps. Le principe est ici qu'il y a une sorte de « nuage », c'est-à-dire un truc brumeux dont on ne distingue pas le contenu, et qu'on y envoie ses données pour qu'elles soient stockées, ou traitées.

Alors, pour ça, bien sûr, il n'y a pas une seule grosse machine au centre ; au contraire, le cloud, par principe, est constitué de plein de machines reliées les unes aux autres, sur le modèle Internet.

Mais concrètement, la façon dont on l'utilise, c'est quoi ? C'est que l'on envoie ses propres données dans ce gros truc brumeux au centre, et on laisse ledit truc brumeux au centre avoir tout le contrôle dessus. Bref, c'est le principe des réseaux ancien modèle, mais avec une couche de brume en guise de machine centrale.


Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, le truc, avec Internet, c'est que ça ne marche que si les gens jouent le jeu. Quelle que soit la façon dont on essaye de faire marcher ça.

Ce qui signifie que, si l'ancien modèle de réseau vous convenait, vous pouvez continuer de l'alimenter. La centralisation, après tout, ça permet aussi de faire plein de trucs bien, comme des forums de discussion, ou comme des encyclopédies (Wikipédia serait peut-être un peu moins fun à utiliser si on changeait de machine à chaque page).

Mais ce qui signifie aussi que, si le nouveau modèle de réseau vous convient, vous pouvez l'alimenter aussi, et faire en sorte qu'il marche.


À chaque fois que vous utilisez un réseau d'échange pair-à-pair, vous utilisez Internet. À chaque fois que vous utilisez un système de messagerie décentralisé, comme Jabber, vous utilisez Internet.

À chaque fois que vous vous dites que vos propres données et vos propres mails sont mieux chez vous que chez une grosse machine au centre sur laquelle vous n'avez pas la main, vous adhérez au modèle Internet.


La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas très compliqué à mettre en place. Il suffit d'avoir une machine à laisser allumée, et de suivre quelques tutos. Voyez par exemple par là si ça vous intéresse.

Internet, comme mon nom de domaine le clame, c'est un réseau libre, qui n'a pas de centre. Ce qui signifie que tout le monde, vous et moi y compris, pouvons en être des acteurs, et faire en sorte que les choses évoluent de la façon qui nous convient.


Si vous souhaitez en entendre encore davantage sur la nature d'Internet et sur la comparaison qu'on peut faire entre certains systèmes actuels et notre vieux Minitel, je cède la parole à Benjamin Bayart, président de l'association French Data Network(6) : c'est le sujet de sa plus célèbre conférence (le support utilisé n'apparaît pas sur la vidéo, mais vous pouvez le récupérer ici).


Message 2, par Mindiell

§ Posté le 10/01/2013 à 14h 35m 18

Bon, comme promis je réponds ici ;o)


S'agissant de connecter trois ordinateurs en même temps, j'avais (en 96) utilisé un cale null-modem bidouillé :

- La sortie 1 allait vers l'entrée 2

- La sortie 2 allait vers l'entrée 3

- La sortie 3 allait vers l'entrée 1


Le protocole utilisé était tout simplement le token ring. On faisait ça en C, tout simplement, en implémentant les premières couches de l'OSI.


Tu peux donc d'ores et déjà prévoir une révision de plus à ton article ;oP

Message 3, par Elzen

§ Posté le 10/01/2013 à 18h 21m 53

Et avec la note qui va bien, c'est mieux ? 😋

Message 4, par Mindiell

§ Posté le 10/01/2013 à 21h 13m 01

Pas mal, je continue la lecture alors, et je m'arrête là :

"Les conversations se font toujours d'un seul ordinateur à un seul autre, bien sûr, on ne sait pas faire autrement."

On sait très bien faire autrement hein, le multicast, c'est pas pour les navets ;P C'est pas très pratique et ça peut vite être fouilli. Mais rien n'est impossible et la plupart des choses ont déjà été pensées par le passé. J'en veux pour preuve l'Ajax qui est pas "tout nouveau" comme concept, c'est juste que c'était pas vraiment utilisable avant quoi.

Message 5, par Elzen

§ Posté le 10/01/2013 à 21h 19m 33

Le multicast, ça reste une orga de réseau classique avec un serveur central qui envoie ses données vers plusieurs ordis (même si c'est le réseau qui transmet les infos à tout le monde sans qu'il y ait duplication physique, ce qui peut être assez chouette, mais c'est un autre propos).


J'te rappelle que c'est un article de vulgarisation à destination du grand public, pas ma prochaine publication dans un journal de recherche en informatique, donc j'm'autorise à faire plus soft sur la biblio et à zapper les technologies bizarres quasiment pas déployées 😋

Message 6, par Mindiell

§ Posté le 10/01/2013 à 22h 13m 30

Tut tut tut, le multicast est un envoi multiple géré au niveau réseau, il n'y a pas de serveur central ! C'est pour ça que c'est utilisé pour les clsuters.

Je te permets d'être vulgaire, mais il faut dire la vérité ;P

Message 7, par Elzen

§ Posté le 10/01/2013 à 22h 23m 18

Bah, c'est bien une machine seule qui envoie des données vers plusieurs autres. La machine n'envoie qu'une seule fois, et c'est le réseau qui se charge de faire en sorte que chaque destinataire reçoive la donnée correspondante ; mais ça correspond bien à une structure avec un serveur central (la machine qui envoie la donnée) qui communique avec toute la périphérique (les machines qui reçoivent).


Or, le propos de l'article n'est pas de donner un cours sur la façon dont fonctionne un réseau de diffusion, mais d'expliciter les différences entre le réseau centralisé et le réseau de type Internet ; la question de savoir si le réseau gère ou pas l'éventuelle multiplicité d'envoi, ça n'a rien à voir 😖

(Suite au décès inopiné de mon précédent serveur, je profite de mettre en place une nouvelle machine pour essayer de refaire un outil de blog digne de ce nom. J'en profiterai d'ailleurs aussi pour repasser un peu sur certains articles, qui commencent à être particulièrement datés. En attendant, le système de commentaires de ce blog n'est plus fonctionnel, et a donc été désactivé. Désolé ! Vous pouvez néanmoins me contacter si besoin par mail (« mon login at ma machine, comme les gens normaux »), ou d'ailleurs par n'importe quel autre moyen. En espérant remettre les choses en place assez vite, tout plein de datalove sur vous !)