Repères célestes

Message 1, par Elzen

§ Posté le 17/12/2017 à 14h 33m 49

Les images sont des captures d'écran du logiciel libre Stellarium. Je ne saurais trop vous conseiller de l'installer et d'y chercher par vous-mêmes ce dont je parle ici à mesure que vous progressez dans l'article, à moins bien sûr que vous ne puissiez l'observer directement dans le vrai ciel 😊


Je me suis demandé s'il fallait placer cet article dans ma section scientifique ; mais il ne va pas énormément ici s'agir de présenter des choses qui relèvent de la démarche scientifique. En fait, une bonne partie de ce que j'ai à vous dire ici date de l'époque où l'astronomie était considérée comme un art. L'art, comme son nom l'indique, de nommer les astres, mais plus généralement de les regrouper entre eux pour former des constellations, chacune ayant une forme particulière. Ces formes nous permettent de nous repérer dans le ciel, d'où le titre de cet article, mais également de leur faire raconter plein d'histoires.


Constellation d'Orion


La constellation la plus facile à reconnaître dans notre ciel est assurément Orion. Un quadrilatère dont deux coins opposés sont colorés, l'un d'un orange bien visible, et l'autre d'un bleu léger. Vers le milieu de ce quadrilatère, trois étoiles à peu près alignées.

Ces formes caractéristiques ne sont cependant qu'une petite partie de la constellation complète : les quatre coins du quadrilatère forment les épaules et les genoux d'un personnage dont les trois étoiles alignées sont la ceinture, et l'on peut imaginer sa tête dans le petit groupement d'étoiles situé au dessus des épaules. Celles, tout aussi alignées, mais moins brillantes, qui sont situées sous sa ceinture sont alors censée former une épée, ou son fourreau. Et devant lui, quelques étoiles en arc de cercle peuvent former l'arc qu'il est en train d'utiliser : notre homme est un chasseur. Quoique certaines personnes préfèrent plutôt y voir un bouclier, et imaginer de l'autre côté son bras levé, tenant une épée ou un gourdin.

Bien sûr, ce dessin n'est que le fruit de notre imagination. Il ne serait d'ailleurs pas visible depuis une planète située hors de notre système solaire : ses trois étoiles les plus brillantes, Bételgeuse (l'orange), Rigel (la bleutée) et Bellatrix (la seconde épaule, dont on ne distingue pas la couleur à l'œil nu) sont en fait situées à des distances très différentes(1), et leurs positions respectives varieraient énormément dans un autre ciel.

Si nous pouvons percevoir les couleurs de Bételgeuse et de Rigel, alors que la plupart des autres étoiles du ciel nous apparaissent blanchâtres, c'est parce que, quoique très éloignées, elles sont immensément plus lumineuses que notre Soleil. Il faut dire qu'elles ont de quoi : ce sont deux des plus grosses étoiles que l'on peut voir à l'œil nu(2). La couleur indique la température : les étoiles bleues comme Rigel sont des étoiles très chaudes, tandis que les rouges comme Bételgeuse sont plutôt froides. Notre Soleil, jaune, donc de température moyenne, deviendra, dans la prochaine phase de sa vie, une géante rouge, beaucoup plus grande qu'elle ne l'est actuellement, mais tout de même nettement plus petite qu'elles : avant de devenir une « supergéante », Bételgeuse devait être déjà vingt fois plus grosse que notre étoile.


Orion et ses chiens


Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien, nous dit-on, mais Orion ne connaissait sans doute pas ce jeu de virelangue : juste derrière lui se dessine la constellation du Grand Chien, dont on peut plus ou moins reconnaître le corps, les pattes et la queue. L'étoile la plus brillante de cette constellation présente aussi la particularité d'être la plus brillante de notre ciel nocturne : il s'agit de Sirius(3).

Si ce premier chien est grand, parce qu'il y en a également un second plus petit, un peu plus haut. Il est toutefois assez difficile d'en distinguer les contours, et l'on se contente habituellement de remarquer son étoile la plus brillante, Procyon, qui présente la particularité de former, avec Sirius et Bételgeuse, un triangle équilatéral presque parfait.

Certaines personnes se contentent donc de ces trois-là pour former un « triangle d'hiver », servant à se repérer dans le ciel de cette saison. Mais ce serait selon moi un tort, car, avec les longues nuits viennent nombre d'autres groupement d'étoiles intéressantes, et faciles à repérer une fois que l'on a vu celles-ci.


Au dessus d'Orion


D'abord, un peu au dessus du petit chien, en revenant vers Orion, on trouve deux étoiles proches assez brillantes : il s'agit de Pollux et Castor, célèbres faux jumeaux(4) de la mythologie grecque. Ces étoiles sont ici censées être les têtes de deux personnages se tenant par les épaules, et dont les pieds sont dirigés vers Orion, que l'on distingue plus ou moins bien selon l'état du ciel… et l'imagination. Si vous vous embrouillez dans l'ordre, un moyen simple de savoir laquelle est laquelle : Pollux est du côté de Procyon, et Castor de celui de Capella.

Cette dernière est la troisième étoile la plus brillante du ciel de l'hémisphère nord, et forme avec ses voisines une sorte d'hexagone qui est la partie la plus aisément repérable de la constellation du Cocher, que nous réévoquerons plus loin.

Mais redescendons d'abord en direction de l'arc d'Orion, pour trouver cinq étoiles formant assez clairement la lettre V : certaines personnes ont imaginé ici voir la tête d'un taureau, et ont tracé le reste de la constellation tout autour (le bas de l'hexagone du Cocher, Elnath, formant également l'extrémité d'une des deux cornes de ce taureau, l'extrémité de l'autre corne étant l'étoile moyennement brillante qui se trouve à peu près alignée avec Elnath et Bételgeuse). L'étoile la plus brillante de cette constellation est Aldébaran.

Cette étoile présente, avec Pollux, l'intérêt de se trouver approximativement dans le plan de rotation des planètes autour du Soleil : tous les astres errants que l'on peut voir à l'œil nu vont donc passer dans le ciel dans une zone délimitée par ces deux étoiles (il n'y en a aucun en ce moment, ce qui vous laisse le temps de vous entraîner à les repérer, et de contacter le club d'astronomie le plus proche de chez vous).

Si l'on reprend les étoiles principales que nous venons de voir dans l'ordre (Bételgeuse, Rigel, Sirius, Procyon, Pollux, Castor, Capella, Aldébaran), on peut former dans la voûte céleste la forme approximative de la lettre G : c'est ce « grand G d'hiver » que j'ai personnellement appris à repérer dans le ciel plutôt que le seul triangle.


Mais au fait, pourquoi « d'hiver » ? Parce que toutes ces étoiles ne sont pas présentes en permanence sur la voûte céleste : elles se « lèvent » et se « couchent » au gré de la rotation terrestre. Or, il se trouve que notre Soleil « fait » de même, mais pas toujours du même côté selon le moment de l'année. En été, il lui arrive même de passer devant le Taureau ou les Gémaux, dans cette fameuse zone délimitée par Pollux et Aldébaran. Et naturellement, lorsqu'il est dans le ciel, son éclat nous empêche de voir les autres étoiles : il fait jour.

Ces différentes constellations ne sont donc visibles que lorsque le Soleil est de l'autre côté du ciel, donc, en hiver. Sous un ciel d'été (si tant est qu'on veille suffisamment tard, car il y a moins de nuit à cette période), on peut plutôt chercher d'autres formes caractéristiques dans le ciel.


Triangle d'été


Chaque saison possède en fait son triangle. Celui de l'été est formé par trois étoiles assez brillantes : Véga, Altaïr et Deneb.

La dernière est la moins brillante des trois, mais pourtant la plus facile à repérer, car les contours de sa constellation sont plutôt bien visibles. Si vous parvenez à repérer cinq (ou six) étoiles formant une flèche (ici tournée vers la gauche, mais dans le ciel, cela dépend de la date et de l'heure), celle qui forme la pointe de cette flèche est celle qui nous intéresse.

Cette flèche peut cependant être interprétée autrement : la barre peut former le cou d'un oiseau, et les côtés en former les ailes. C'est la forme qui a été retenue pour cette constellation, celle du Cygne, dont Deneb est donc la queue.

Véga, au contraire, est assez brillante : la cinquième plus brillante étoile de notre ciel nocturne. La constellation à laquelle elle appartient, la Lyre, a d'ailleurs une forme assez reconnaissable : juste à côté de l'étoile, vous pouvez remarquer un petit parallélogramme. Il est toutefois formé d'étoiles assez peu brillantes, et il peut hélas arriver assez facilement que Véga soit la seule des cinq à être visible.

La troisième pointe de ce triangle isocèle, située à distance à peu près égale des deux autres, est donc Altaïr, dans la constellation de l'Aigle. Il me semble qu'elle est censée être plus ou moins la tête (voire l'œil) de cet aigle, mais je n'ai personnellement jamais réussi à distinguer la forme de la constellation sans qu'on m'en trace le plan.

J'en profite ici pour préciser que, bien que dans l'imaginaire collectif, notre ciel nous vienne des grecs anciens (de l'Almageste de Ptolémée, en particulier), en vrai, une bonne partie du ciel des grecs était déjà héritée des mésopotamiens, et que depuis, les civilisations arabes ont énormément contribué à notre astronomie : beaucoup de noms d'étoiles, dont ceux des trois dont nous venons de parler, sont d'origine arabe.


Y a-t-il des constellations qui restent visibles toutes l'année ? À nos latitudes, oui – ce n'est pas le cas à l'équateur, tandis que les pôles ont au contraire un ciel qui change assez peu d'une saison sur l'autre(5), puisque cela dépend des positions respectives du ciel et du Soleil. Ces constellations sont aussi celles qui, toujours à nos latitudes, restent toujours au dessus de nos têtes, sans jamais se « lever » ni se « coucher ». Les plus célèbres sont les deux ourses.


Grande Ourse


La Grande Ourse est une constellation d'une taille assez imposante, mais l'on n'en connaît généralement qu'une petite partie : un groupe de sept étoiles formant une sorte de casserole, que l'on désigne aussi comme « le grand chariot ». Sa forme caractéristique, assez célèbre, en fait la constellation la plus facile à repérer dans le ciel d'été, même si Orion lui vole sans difficulté la vedette dans le ciel d'hiver du fait de la différence de luminosité.

Cette casserole (ou chaudron au Québec), ou ce chariot, forme en fait le bas du corps et la queue de l'ourse, dont le haut du corps, la tête et les pattes ne sont plus guère visible en ville de nos jours : leurs étoiles, trop peu brillantes, sont hélas facilement noyée dans la pollution lumineuse que nous générons.

Toutefois, cette casserole seule peut tout de même avoir une certaine utilité : si l'on prolonge vers le « haut » le bord opposé à son « manche » de cinq fois la distance qui sépare ces deux étoiles, on « tombe » approximativement sur une étoile assez particulière appelée l'étoile polaire.


Les deux ourses


La particularité de cette étoile n'est pas flagrante à l'œil nu : elle n'est pas particulièrement brillante, et en dehors du fait qu'elle forme l'extrémité du manche d'une autre casserole (celle de la Petite Ourse), plus difficile à voir car ses autres étoiles sont moins lumineuses, semble somme toute assez quelconque.

Toutefois, si vous passez quelques heures le nez en l'air, vous finirez peut-être par avoir l'impression que tout le ciel tourne autour d'elle. C'est parce qu'il se trouve que cette étoile (et c'est de là que vient son nom) est plus ou moins dans le prolongement de l'axe des pôles de notre planète, et que cela fait qu'elle « bouge » elle-même très peu quand la Terre tourne sur elle-même, alors que toutes les autres étoiles doivent décrire un cercle plus ou moins grand.

Cette particularité fait que cette étoile sera toujours(6) située dans la direction (approximative) du nord, vous permettant ainsi de vous orienter relativement facilement à partir du moment où vous pouvez voir les étoiles.

Notons d'ailleurs au passage que, comme son grand frère, ce « petit chariot » est constitué de sept étoiles, et que si l'on avance suffisamment dans la direction pointée par le manche de la casserole (et qu'on est à la bonne saison), on finit par retomber sur Capella et la constellation du Cocher que nous évoquions tout à l'heure.

Pour cette raison (ou pour une autre, après tout), les sept étoiles du chariot étaient autrefois appelées les « sept bœufs », ce qui se dit en latin « septem triones », ce qui a donné, pour désigner le nord, le mot septentrion.



Extraits musicaux dans la version audio (par ordre de première apparition pour les usages multiples) : Une petite musique de nuit, Petite Marie, par Francis Cabrel, Mon manège à moi, par Édith Piaf, Final Fantasy 7 : Valley of the Fallen Star, Harry Potter : Hedwige Theme, Cinquième symphonie de Beethoven, Le Soleil et la Lune, par Charles Trenet, L'amour brille sous les étoiles (BO du Roi Lion de Disney), Nuits d'Arabie (BO d'Aladdin de Disney), Auprès de mon arbre, par Georges Brassens, Qui peut faire de la voile sans vent ?

(Suite au décès inopiné de mon précédent serveur, je profite de mettre en place une nouvelle machine pour essayer de refaire un outil de blog digne de ce nom. J'en profiterai d'ailleurs aussi pour repasser un peu sur certains articles, qui commencent à être particulièrement datés. En attendant, le système de commentaires de ce blog n'est plus fonctionnel, et a donc été désactivé. Désolé ! Vous pouvez néanmoins me contacter si besoin par mail (« mon login at ma machine, comme les gens normaux »), ou d'ailleurs par n'importe quel autre moyen. En espérant remettre les choses en place assez vite, tout plein de datalove sur vous !)